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RUSIE-GEORGIE;"Je t'aime, moi non plus"

Publié le 24 août 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Dimanche, 24 Août 2008 15:01

Une 'histoire mouvementée et passionnelle qui expliquent bien des choses..

Un récit de Daniel RIOT.

Il avait un joli nom, mon guide... Likuna, brune, généreuse de corps et fine d'esprit, l'œil coquin et le sourire en accroche cœur.... C'était un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Au milieu des années 80. Gorbatchev au pouvoir n'était pas encore pris au sérieux par les diplomates occidentaux qui tenaient réunions dans des « pièces coffres forts » équipées pour ne subir aucune écoute téléphonique... Souvenirs et plongée dans de vieux carnets de reportages qui éclairent le présent...Entre Russes et Géorgiens, c'est une vielle histoire du style « Je t'aime,moi non plus ». Récit

Gorby, à l'époque, n'avait pris qu'une mesure « historique » mais impopulaire : lutter contre l'alcoolisme au pays de la vodka. Ce qui faisait le bonheur des chauffeurs de taxis moscovites : ils pouvaient mettre de la crème dans leur börsch avec les bénéfices qu'ils tiraient des bouteilles vendues clandestinement Et ce qui faisaient hurler de rire les Géorgiens, champions du monde des bouilleurs de cru et de la viticulture dans les jardins.
« Ici, on boit parce qu'on aime cela. Et ce n'est pas Gorbatchev qui va nous ensabler le gosier. D'ailleurs, les Russes, ce sont des alcooliques. Nous nous sommes de bons vivants. Nuance...Nous n'avons pas les mêmes valeurs », m'avait dit un responsable du parti de Tbilissi content de me faire découvrir les charmes de « cette grande étape de la route de la soie ». Ici, la mer Noire , c'est la Méditerranée, pas le pôle nord ! Entre les Russes et nous, le fossé est culturel »
Lukuna a passé la semaine à me marteler cela à tout propos. A table surtout : « La cuisine géorgienne n'a rien à voir avec la bouffe de Moscou. Ici, on sait cuisiner et déguster. C'est le pays de la Toison d'Or, des caravanes chargées de richesses entre Asie et Europe, des terres riches en fruits et légumes, des bonnes viandes. Nous avons été et restons le verger , le vignoble, le potager de toutes les Russies»
De fait, à Tiflis,(comme appellent encore Tbilissi ses vrais amoureux), on mange bien. A commencer par le pain. Le Lavache, cuit à la commande à la verticale. Il colle au four et les boulangers, artistes, en font de toutes les formes...Un régal. Comme les galettes au fromage. Comme les sauces aux noix, aux prunes, aux grenades aux d'épices. Comme les ratatouilles ou les salades imaginatives Comme le Matsoni, ce yaourt au lait de bufflonne, Dans les rues animées, il est des senteurs qui ne trompent pas : la coriandre, le basilic ou l'estragon...Et grillades en tous genres. Viandes et poissons. Que du bon.
Likuna la gourmande n'avait pas à se forcer pour me mettre en appétit. Pas étonnant que les repas durent des heures dans les familles géorgiennes, où les toasts ne se comptent pas...Avec les plats dont les noms chantent : Mtsvadi (chachlik) , ketsie, khatchapouri, khinkalis, Bâtibouti (grains de maïs grillés), Soulgouni (fromage cuit), Kitri (cornichons), Pamidori (tomates), Mtsvanili (herbes aromatiques), Mtchadie (pain de maïs) nature ou au fromage, Atchma (pâte feuilletée au fromage)...J'en passe. Dan Solal fera peut-être une chronique dans l'Europe gourmande de Relatio, un jour. Quand les événements ne nous couperont plus l'appétit
Si j'insiste ici, comme je pourrais m'attarder sur les vins (de Kakhétie), les eaux, le thé noir, les qualités d'hospitalité (« Ce que tu donnes est tien, ce que tu gardes est à tout jamais perdu »), le sens de la fête, le goût de bien vivre des habitants, c'est bien sûr parce que les relations (souvent tumultueuses) entre Russes et Géorgiens sont d'abord d'ordre culturel...
« En fait, si tu regardes l'histoire, c'est nous qui avons fait la grandeur de toutes les Russies, pas les Moujiks ou les Cosaques...Nous aimons la France parce qu'elle méridionale, comme nous. Pas barbare » Comme disait Montaigne, on est toujours le barbare de quelqu'un...
Mais il est sûr que les relations entre Tbilissi et Moscou ne peuvent être comprises sans plonger dans les mémoires, les jeux de représentation, les inconscients collectifs. La géopolitique sans géophilosophie conduit à commettre bien des erreurs d'appréciations. C'est ce qui manque aux Américains dans leurs grilles de lecture stratégiques d'ailleurs.
L'histoire ne se gomme pas même si par définition l'histoire peut changer ce que l'histoire a fait en bien ou en mal.
Résumons sans trop schématiser.
Enclavée à l'ouest du Caucase, au bord de la mer Noire, ce petit pays de 70 000 km2 et 4 millions d'habitants, a été, comme l'Arménie voisine, christianisée très tôt, vers le IVe siècle. Sur cette terre à l'origine peuplée (légende ou réalité ?) des Targamosides, les descendants de Togarma, patriarche biblique mentionné dans la Genèse.
Les Géorgiens sont devenus pour la plupart chrétiens orthodoxes, comme leurs voisins byzantins et russes. Et elle a été un royaume pendant un bon millénaire... Convoité par les Perses et les Ottomans avant de tomber aux mains des Russes, envahisseurs et...protecteurs. Ou protecteurs et envahisseurs. "En fait, m'avait dit un Ossète rencontré lors d'un exploration de ses vallées faites pour servir de décors à des tournages de western, "les Russes son timpérialistes en Géorgie, comme les Géorgiens sont impérialistes en Ossétie"... Lutte de tous temps et de tous lieux entre dominants et dominés! L'Europe a trop connu ce type de relations internationales...
Trois dates parmi d'autres ;
>>>En 1783, la Russie et la Géorgie signent le traité de Georgiev, selon lequel la Géorgie (Kartl-Kakheti) recevait la protection de la Russie.
>>>Le 22 décembre 1800, l'empereur russe Paul Ier, à la demande du tsar géorgien Géorguy XII, signe le Manifeste sur l'union volontaire de la Géorgie (Kartl-Kakheti) et de la Russie. Le manifeste est proclamé le 18 janvier 1801.
>>>En 1810, le royaume d'Imereti à l'ouest de la Géorgie se joint à l'Empire russe. La construction de la Route militaire géorgienne a été un facteur déterminant de la conquête russe du Caucase. Une conquête (poussée par l'obsession des mers chaudes) sous le règne de trois tsars : Alexandre Ier, Nicolas Ier et Alexandre II. Avec des chefs militaires russes les plus importants sont Alekseï Petrovitch Iermolov (campagne de 1816-1827), Mikhaïl Semionovitch Vorontsov (campagne de 1844-1853) et Alexandre Bariatinski (campagne de 1853-1856).
Les écrivains Mikhaïl Lermontov et Léon Tolstoï y prennent part.Le Français Xavier de Maistre, général dans l'armée russe, aussi. Avec sa philosophie qui convient bien à la contemplation des sommets du Caucase :« A force d'être malheureux on finit par devenir ridicule ».Ce qui donnera « Les Prisonniers du Caucase » (en 1825)
L'invasion russe rencontre une résistance acharnée. La première campagne, qui s'achève au moment de la mort d'Alexandre Ier de la révolte décembriste de 1825, ne permet d'obtenir que de maigres succès face à ce que les chefs militaires russes considéraient n'être qu'une « poignée de sauvages » : un échec surprenant, puisque l'armée impliquée était celle qui venait de vaincre Napoléon...Qui peut le plus ne peut pas toujours le moins...
Entre 1825 et 1830, l'intensité des opérations diminue, la Russie étant impliquée dans deux autres conflits, contre la Turquie et la Perse. Après avoir obtenu des succès considérables au cours de ces deux guerres, les combats reprennent dans le Caucase, contre le mollah Ghazi, Gamzat-bek et Hadji Murad, puis l'imam Chamil qui conduit la résistance des montagnards dès 1834, et jusqu'à sa capture par Dimitri Milioutine en 1859.
La seconde période d'accalmie a lieu après la trêve conclue avec Chamil en mars 1855, lorsque la Russie est engagée dans la guerre de Crimée. Cependant, la trêve fut de courte durée, puisque la guerre recommença à la fin de la même année. La guerre du Caucase s'achève avec la conquête du Nord du Caucase.
A la suite de ces guerres la grande partie des terres géorgiennes, précédemment occupée par les pays musulmans, sont « libérées ». À la Géorgie sont rattachés Batoumi, Artvi, Akhaltsikhe, Akhalkalaki, Poti, l'Abkhazie.
Après la Révolution russe, la Géorgie déclare son indépendance le 26 mai 1918, donc pendant la guerre civile russe.
Cet État indépendant fut parmi les premières nations au monde où les femmes eurent le droit de vote. Ma jolie Likuna m'en a misplein les oreilles « Nous avons été plus tôt que vous de vrais démocrates ! »

Mais le 25 février 1921, la République démocratique de Géorgie fut occupée par l'armée rouge et incorporée dans une République socialiste soviétique fédérale de Transcaucasie comprenant la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. La RSSFT fut dissoute en 1936 et la Géorgie devint la République socialiste soviétique de Géorgie. Au pas camarades ! Au pas...
Mais avec une insouciance qui provoquait des colères à Moscou. Ce qui n'a pas empêché les Russes de se nourrir dans les jardins géorgiens. Preuves concrètes, plus convaincantes que les statistiques fausses de l'époque : Il suffisait de voir au moment des souvenirs ici évoqués les avions de l'Aeroflot assurant les liaisons Moscou-Tbilissi surchargés de victuailles, oies et canards vivants sur les genoux de passagères aux visages aussi labourés que les terres fertiles des vallées du pays...Même présence des fruits de la terre géorgiennes dans les gares et sur les marchés moscovites. « Les Soviétiques avaient leur greniers à blé, en Ukraine notamment, mais nous nous sommes leurs jardins de curés comme vous dites en France. Avec de bons fruits,d d'excellents légumes. Nous avons la main verte, ici », confiait Lakuna, sourire en fleurs...
Staline (qui n'aimait pas sa terre natale) avait constitué en Géorgie trois micro-entités autonomes : l'Abkhazie (8 600 km2 et 150 000 habitants en 2006 dont 17% seulement d'Abkhazes !), l'Ossétie du Sud (3 900 km2 et 70 000 habitants en 2006 dont 66% d'Ossètes), enfin l'Adjarie (3 000 km2 et 370 000 habitants). Ces entités sans passé national ni unité culturelle ou ethnique sont utilisées par Staline pour diviser et affaiblir les Géorgiens. Comme par les dirigeants actuels de la Russie.
On a beaucoup par le de Gori, ces derniers jours.... Un carrefour stratégique, bien sûr. Mais une ville symbole aussi. La ville natale de Staline, fils d'une mère Ossète. Gori : à travers elle, sans faire de la mauvaise et impossible analyse psychologique, Poutine se venge peut-être...Il a , selon quelques biographes bien renseignés, un compte à régler avec le moustachu qui a fait souffrir son père Peut-être.
Ce qui est sûr, c'est que Staline incarne bien, à sa manière et d'une façon caricaturale, les relations russo-géorgiennes dans ce qu'elles ont de passionnel, de contradictoire, de complexe. Les Géorgiens sont fiers du Staline, « enfant de Géorgie », héros de la lutte contre Hitler et le fascisme, mais ils détestent le ‘ « Père Joseph », le bourreau sanguinaire.
« Le héros de Gori est devenu le monstre de Gori par la faute de Moscou la tsariste sanguinaire », confiait Likuna la lettrée. Ce sont les Russes qui l'ont rendu fou ! Ils sont violents et nihilistes, les Russes. Mais ils ont su engendrer des génies. J'adore le russe et la littérature russe. J'aime bien le peuple russe, aussi. Mais je n'aime pas leur arrogance impériale. Ni leur âme noire. La Géorgie est à la Russie ce que la poésie est à la prose. Entre les Russes et nous, c'est : Je t'aime moi, non plus »...
« Les Russes éprouvent pour leurs anciens compatriotes soviétiques géorgiens un mélange de fascination et de répulsion qui se donne libre cours en ce moment même, bien au-delà des calculs stratégiques, paraît-il, profonds. » souligne justement Alexandre Adler « Les Géorgiens ont régné sur la Russie, grâce à Staline, à l'heure cruciale où le destin de la nation elle-même était en jeu, et, avec leurs méthodes d'une indicible brutalité, ils l'ont sauvée pour l'essentiel. »
Et il n'y a pas eu que Staline. Qui a industrialisé l'URSS ? Sergo Ordjonikidzen une Géorgien. Quia crée une structure admnistrative ....toujours en place à Moscou ? Avel Enukidze « le plus brillant de tous les bolcheviks géorgiens » selon les historiens. Qui, aussi, a été à la fois le bourreau des bourreaux et le sauveur de quelques « sacrifiés » de Staline devenu fou, le pire des liberticides et le plus imaginatif des dirigeants soviétiques? Beria, le complexe, le visionnaire coupé dans ses élans par sa chute brutale... Un Géorgien lui aussi.
« Les Russes nous détestent parce qu'ils nous doivent beaucoup, en bien et en mal d'ailleurs. C'est l'Histoire, mais c'est encore le présent. Et nous, nous ne les aimons pas, parce qu'ils n'admettent pas que nous sommes un peuple fier de son histoire et de sa géographie. Et de son mode de vie », disait Lukuna. « Ils nous envient d'être méridionaux et orientaux. Assoiffés de liberté et amoureux de la vie. La Géorgie ? Les Indes de la Russie , le paradis de l'enfer »...
Alexandre Adler, dans une chronique récente du Figaro, dit la même chose, à sa manière. « Les Russes sont d'autant plus violents avec leurs frères géorgiens qu'ils les vivent comme plus avancés qu'eux, soit qu'ils les aient conduits, tels les Varègues scandinaves des premiers temps, soit qu'ils les aient dépassés, une fois l'autorité politique perdue, dans la recherche du bonheur, de la prospérité et de la beauté....Penser seulement aux films ensoleillés d'Otar Iosseliani, qui trouaient de leur optimisme le climat de brouillard et de déprime de l'époque brejnévienne ! »

Pendant la Perestroïka à la fin des années 1980, qui trouve-t-on d'ailleurs parmi les principaux acteurs ? Un Géorgien, encore. Le ministre géorgien des affaires étrangères de l'URSS, Edouard Chevardnadze., La Géorgie n'a pas attendu longtemps pour développer un système politique avec plusieurs partis, ce qui favorisa fortement l'indépendance. Le pays organisa les premières élections libres et démocratiques de l'Union soviétique le 29 octobre 1990. Le 9 avril 1991, peu avant l'effondrement de l'URSS, la Géorgie déclara à nouveau son indépendance. Avec pour président démocratiquement élu, l'ancien dissident Zviad Gamsakhourdia.

Plusieurs régions comprenant l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud souhaitaient aussi (encore et déjà) prendre leur indépendance, ce qui mena à la guerre civile et à d'importantes violences ethniques. Zviad Gamsakhourdia fut mis en fuite, et Edouard Chevardnadze lui succéda à la tête du pays. Avec d'autres problèmes et d'autres troubles.

L'indépendance de la Géorgie est restée très fragile. Elle le reste encore en cet été 2008... La République aussi est fragile. Devant les difficultés intérieures, le 8 octobre de l'an dernier , le chef de l'Église orthodoxe a proposé, le retour à une monarchie. Le 9 octobre, une partie de l'opposition déclare souhaiter l'instauration d'une monarchie constitutionnelle. Nouveaux troubles, nouvelles difficultés .

Le 7 novembre 2007, le président géorgien Mikheil Saakachvili décrète l'état d'urgence à Tbilissi, la capitale, puis dans l'ensemble du pays, pour 15 jours, en réaction au mouvement de contestation qu'il considère comme une tentative de coup d'État. Qui accuse-t-il ? Moscou bien sûr...Pour lui, ce sont les services spéciaux de la Russie qui ont fomenté les troubles qui ont commencé six jours avant, mais Moscou nie avec véhémence, dénonçant « une provocation irresponsable ». Trois diplomates russes sont alors expulsés.

Le 25 novembre 2007, il annonce sa démission de la présidence de la République afin de pouvoir se représenter en janvier...la suite est dans toutes les mémoires :Saakachvili remporte l'élection présidentielle du 8 janvier 2008 dès le premier tour avec 52 % des voix (contre 25,26% pour Levan Gachechiladze son principal opposant). Victoire qui sera confirmée cinq mois plus tard par les élections législatives du 22 mai où le parti de Saakachvili, le Mouvement d'union national, obtient une majorité écrasante avec 63% des voix, contre 13% pour ses opposants. Mais la validité de l'élection est contestée par l'opposition et les observateurs de l'OSCE et du conseil de l'Europe...
Et c'est sur la reconquête des provinces séparatistes, « manipulées » par Moscou qu'il a fait campagne. Et qu'il dirigera son pays en songeant plus à devenir un point avancé de l'Occident en ce Caucase, porte de l'Orient qu'en songeant à la prospérité de son peuple. En se faisant aussi des illusions sur son « protecteur » américain...qui a déjà une Géorgie, chez lui. Atlanta est loin, très loin de Tbilissi...Et des « cimes violacées » du Caucase....Saakachvili, l'ancien étudiant boursier du département d'Etat, a d énormes qualités : On a pu les apprécié à Strasbourg quand il étudiait les droits de l'Homme (1995) ou quand il était brièvement vice-président de l'Assemblée du Conseil de l'Europe (en 2000). Mais il aurait du prendre des cours d'échecs auprès de Garry Kasparov, Caucasien lui aussi ( d'Azerbaïdjan, de Bakou) avant d'engager une partie face à Poutine...
Reste l'espérance, celle qui inspire bien des poètes géorgiens. Celle qui doit réconcilier dans un "vivre ensemble" intelligent ces deux pays membres de la famille du Conseil de l'Europe. La belle et sensible Lukuna avait raison : « Il faut lire les poètes de mon pays »...
Daniel RIOT

De Galaktion Tabidzé (1892 - 1959)
« Gardons la pureté enneigée de notre âme.
Amis, je servirai jusqu'à mon dernier souffle
La seule sensation d'une joie sans pareille :
C'est que la poésie passe avant toute chose. »
LE VENT VIBRE COMME UNE VOIX
La rose au jardin se flétrit
Le vent vibre comme une voix
Le coeur va- t -il se radoucir...
Souvenir, souvenir, tais-toi !
Le soleil au ciel assoupi
Est une grenade de soie
La plaie va -t- elle s'adoucir...
Souvenir, souvenir, tais-toi
LE VENT SOUFFLE
Le vent souffle en sifflant, le vent souffle,
Sur les feuilles qui fuient, le vent s'ouvre...
O, les arbres ployés, dévêtus,
Où es-tu ? Où es-tu ? Où es-tu ?
Comme il neige et il pleut, comme il neige !
Et l'espoir... et l'espoir, le connais-je ?
Ton image est mon ombre et me suit
A toute heure, en tous lieux où je suis.
Le ciel verse la peine et je souffre...
Le vent souffle en sifflant, le vent souffle....

DE Akaki TSERETELI 1840 - 1915
LE POETE
Je suis tantôt sot, tantôt sage,
Tantôt je ne sais plus lequel...
Héraut des faits ou leur présage,
Ni du sol issu, ni du ciel....
Ne réprouvez pas ma sottise,
Ne célébrez pas mon bon sens,
Ils ne servent que la franchise,
Foin des blâmes et de l'encens !
C'est une oeuvre de la nature,
Que ce coeur changé en miroir,
Ceux dont il montre les postures,
S'y étaient penchés pour se voir.
La langue redit à voix haute
Ce qui fut à l'oreille dit,
Ce que pèse l'esprit sans faute
Et que mesure un oeil hardi.
Je ne suis ni plein de lumières,
Ni, ce que d'autres croient, un fol,
Je suis homme et l'intermédiaire
Tantôt du ciel, tantôt du sol.
De Vaja PCHAVELA (1861 - 1915)
L'AIGLE

J'ai vu l'aigle blessé qui combattait à terre,
Repoussant des vautours et des corbeaux les serres.
Pitoyable il luttait malgré son désarroi
Et s'efforçait en vain de se dresser tout droit.
Il traînait sur le sol une aile, sans murmure,
Tout son sang, à son bec, affluait des blessures.
" Le diable vous emporte, O corbeaux de malheur,
Vous profitez du sort qui m'a frappé au coeur,
Autrement j'aurais vu dans la plaine vos plumes
S'éparpiller au loin comme une immense écume."
De Ilya Tchavtchavadzé (1837 - 1907)
MEME QUAND JE MOURRAI

Même quand je mourrai, je n'aurai nul effroi
Mais je veux que ce soit de sorte qu'en voyant
Mon sillon, ceux qui vont vivre au monde après moi
Disent : il a rempli comme il faut son devoir.
Je veux que, se penchant sur ma pierre tombale,
Les fils de mon pays que j'aurai tant aimé
Pour me rendre justice avec sincérité
Prononcent seulement cet hommage loyal :
"La paix soit avec toi dans ton sommeil serein
Tu as vécu ainsi qu'il faut qu'un homme vive,
Humblement sur ta lyre, avant nous, tes refrains
N'ont jamais résonné qu'afin de nous servir !"


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