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Quand la Chine déçoit le Kremlin...

Publié le 28 août 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Jeudi, 28 Août 2008 23:17
Poutine et Medvedev plus isolés qu'ils le pensaient
Une synthèse de Jacques DEHAIRE

Moscou en échec...à l'Est. Surtout face à Pékin. Poutine doit en être le premier surpris, mais les Chinois sont des gens très réalistes : ils ont trop à faire avec leurs provinces « séparatistes » et ils bénéficient trop de la détente internationale pour leurs ambitions économiques pour suivre le Kremlin dans ses jeux d'échecs et de « roulette caucasienne » avec l'Europe et les Etats-Unis : Les pays membres de l'Organisation de coopération de Shanghaï (OCS) ont refusé de signer une déclaration de soutien à l'action de Moscou dans le conflit en Géorgie. L'OCS a au contraire critiqué le recours à la force dans les conflits régionaux et appelé au respect de l'intégrité territoriale des Etats souverains.
L'OSC exprime en outre sa "profonde préoccupation" en ce qui concerne la crise en Géorgie et exhorte "les parties appropriées à résoudre les problèmes existants par le dialogue pacifique ainsi qu'à consacrer ses efforts à la réconciliation et à la promotion des négociations".C'est une double gifle diplomatique que Medvedev n'avait pas prévue...bien qu'elle soit logique! Le Kremlin est d'autant plus déçu que Poutine était ravi des entretiens qu'il avait eu avec les dirigeants chinois à Pékin, à l'occasion de l'ouverture des JO...Juste avant le déclenchement de la guerre du Caucase. Donner plus de consistance et de cohérence à l'OCS était même l'un des buts avoués des diplomates russes soucieux de contrebalancer l'Otan et de renforcer ses cartes eurasiatiques.  

Seule consolation pour les Russes au sein de l'OCS :la déclaration finale rappelle à l'intention de Tbilissi que "Le recours exclusif à la force n'ouvre pas de perspectives et fait obstacle à un règlement complet des conflits locaux" et félicite Moscou d'avoir accepté le cessez-le-feu proposé par Sarkozy au nom de l'Union européenne... Les signataires "soutiennent le rôle actif de la Russie dans la promotion de la paix et de la coopération dans la région". Une déclaration qui peut être aussi interprétée comme une exhortation au respect du cessez-le-feu. Ce qui n'est pas encore le cas.
Le sommet de Douchanbé, au lieu de fournir le soutien espéré au président russe Dimitri Medvedev, a donc surtout accru l'isolement de la Russie.
Cette prise de position et ce refus de signer une motion de soutien à Moscou sont évidemment un encouragement aux efforts déployés par l'Union européenne.

Aujourd'hui, Kouchner est allé jusqu'à évoquer des « sanctions » éventuelles contre la Russie au sommet de l'Union européenne du 1er septembre. Cette menace s'ajoute dans la bouche de Kouchner à des cris d'alarme (non justifiés jusqu'à présent sur le terrain ) d'épuration ethnique de la part des Russes et à une dramatisation des risques non de « guerre froide » mais de « guerre » (ce qui est étonnant de la part d'un ministre qui avait d'abord jaugé comme « microscopiques » les enjeux des hostilités en Georgie). Sans doute, l'ex-« french doctor » cherche-t-il à la fois à lancer des ballons d'essai, à monter à nos partenaires de l'Union les plus durs envers la Russie que la France agit en fonction de l'évolution des choses et non en fonction d'a priori. Il n'est pas certain que Sarkozy ait eu le même ton dans l'échange téléphonique qu'il a eu dans la soirée avec Dmitri Medvedev, puis avec le Géorgien Mikheïl Saakachvili.
Dans le contexte actuel, chaque mot public officiel est un élément de la négociation. Le plus déterminant dans les heures qui précèdent le Sommet de lundi se déroule à huis clos. C'est logique.
Dans ces jeux périlleux où les mots sont aussi des armes, Poutine a lancé sur CNN une explication qui vaut d'être mentionnée, en même temps que le démenti outré et humoristique de Washington. Il a accusé les Etats-Unis d'avoir interféré dans le conflit en Géorgie pour détourner les électeurs américains de leurs autres préoccupations (Irak, Afghanistan, économie morose) et ainsi favoriser l'un des candidats à l'élection présidentielle américaine. Selon la chaîne de télévision américaine, Poutine avait obtenu des renseignements l'autorisant à émettre cette hypothèse auprès des responsables russes de la Défense.
« Non rationnel », a lancé la porte-parole de la Maison Blanche, Dana Perino. « Si j'ai bien compris, cela laisse penser que quelqu'un aux Etats-Unis a créé ce conflit spécialement pour que la situation empire et pour créer un avantage en faveur de l'un des candidats dans la course serrée au poste de président des Etats-Unis. Ces accusations sont évidemment fausses, une fois pour toutes. Mais il semble aussi que ses responsables de la Défense qui ont dit croire que c'était vrai lui donnent vraiment de mauvais conseils ».
Info ou intox ? Depuis que le président géorgien a expliqué qu'il s'était lancé dans son offensive parce qu'il pensait que les Russes « bluffaient » on sait que les mots prononcés ou écoutés doivent toujours être pris avec précaution, « comme des ailes de mouches », redirait Pascal Quignard...
Jacques DEHAIRE


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