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Moby Dick d'Herman Melville

Par Sylvie

Moby Dick
J'ai enfin lu ce roman merveilleux, sûrement l'un des plus beaux chefs d'oeuvre de la littérature mondiale !
Rappelons que Melville est l'un des grands pionniers de la littérature américaine avec Edgar Poe et Nathanael Hawthorne. Ce roman de la chasse au cachalot blanc s'inspire d'un fait réel et également de sa vie aventureuse sur les baleiniers du Pacifique. Rappelons que Melville a été fait prisonnier des tribus cannibales...
Mais ce roman est bien plus que l'histoire d'une chasse à la baleine mythique. C'est un roman métaphysique  et spirituel qui brasse tout l'univers dans sa relation avec l'homme.
Rappelons l'intrigue : le narrateur, Ismaël, un jeune aventurier, s'embarque sur le navire baleinier Le Péquod, dirigé par le Capitaine Achab. Bientôt, il découvre que le capitaine, qui a perdu sa jambe dans un précédent affrontement avec le cachalot blanc Moby Dick, n'a qu'un objectif : retrouver le Léviathan pour se venger et le tuer. Achab entraîne l'équipage dans sa folie destructrice...
Roman documentaire, roman appartenant à la vague romantique, inspiration biblique, réflexion sur la condition humaine, magnificience des différents personnages : voila tous les éléments de ce chef d'oeuvre.
En lisant ce roman, le lecteur acquiert une connaissance certaine des cétacés, de leur pêche mais aussi de l'histoire de cette pratique et du fonctionnement d'un navire baleinier. Certains jugent ennuyeux ces chapitres mais ils confèrent au contraire une dimension réaliste au roman et introduisent des pauses dans le récit.
Ce roman métaphysique est une réflexion sur la condition humaine face à Dieu et au Cosmos. En décidant de s'affronter à plus fort que lui, Achab a décidé de se placer au dessus de Dieu, il est la figure de l'impiété (comme le roi biblique d'Israël du même nom). C'est un nouveau Prométhée qui défie sa propre condition. Moby Dick représente la transcendance, le mystère impénétrable de la création ; on ne peut le comprendre.
Achab est un être possédé ; dans de merveilleux passages, il se décrit comme un être tenaillé par une force invisible contre laquelle il ne peut lutter. Les pages où il rêve de s'échapper de cette obsession et de retrouver femmes et enfants sont parmi les plus belles du livre.
A l'inverse, Ismaël, l'aventurier, se lance des défis mais il trouve la sérénité dans la solidarité envers l'homme. Il recherche l'harmonie avec son semblable. L'un des passages les plus intéressants du roman est lorsqu'Ismaël fait la connaissance du harponneur Queequeg. Ce dernier, le "bon sauvage", incarne la religion païenne, la toute autre altérité. Ismaël est d'abord horrifié par ses pratiques d'idolatrie et de fétichisme puis il découvre finalement un dieu universel qui lui dicte d'aimer son prochain quelque soit ses différences ; c'est la religion de l'humanité, de la divine égalité. Les pages consacrées à cette amitié et à ce dieu universel sont assurément les plus attachantes du livre et les plus modernes. L'amitié indéfectible Ismaël/ Queequeg est l'une des plus belles histoires d'amitié de la littérature mondiale (Avec Des souris et des hommes bien sûr)Certains critiques rappellent que Le Péquod symbolise l'Amérique et ses différentes composantes, ses différentes "races" réunies dans l'élan fraternel :
"Mais qu'est ce-que rendre un culte ? me demandais-je. Vas-tu te figurer, Ismaël, que le Dieu magnanime du ciel et de la terre _ et tous les hommes, païens y compris, puisse éprouver l'ombre d'une jalousie envers un insignifiant morceau de bois ? Impensable. Mais qu'est ce qu'adorer Dieu sinon faire sa volonté ? C'est là l'hommage à lui rendre. et quelle est la volonté de Dieu ? sinon faire à son prochain ce que je voudrais qu'il me fit. Telle est sa volonté. Queequeg est mon prochain. Et que souhaiterais-je voir queequeg faire pour moi ? Eh bien ! s'unir à moi dans ma manière presbytérienne et particulière de rendre grâces. Donc je dois me joindre à lui dans son culte personnel et par conséquent me muer en idolâtre"
Moby Dick peut être vu comme un roman qui embrase l'univers entier et qui questionne l'homme dans sa position par rapport à la divinité, à la Nature. Soit il l'a défie, soit il communie avec elle. De merveilleux paragraphes, à tonalité romantique, célèbrent cette union avec les hommes et le monde, le tout-monde, l'universel.
Ce roman est aussi une méthaphore de l'Amérique expansionniste des années 1850. Melville met en garde son pays dévoreur de territoires ; tout comme Achab, elle risque de s'y perdre.
Soulignons pour finir la langue melvillienne d'une richesse inouïe. Ce roman se lie d'une traite tant les registres de langues sont nombreux. Il y a la veine romantique (l'appel à Dieu, à la nature insaisissable), il y a l'épopée, il y a le discours savant de l'océonographe et de l'historien des navires baleiniers. La narration d'Ismaël est une merveille de discours direct adressé au lecteur ; ce dernier nous raconte son périple, sa descente à l'auberge, ses aventures cocasses. Nous avons l'impression de se réunir au coin du feu pour entendre les vieilles histoires maritimes. Enfin, n'oublions pas l'humour qui est très présent ; le personnage de Stubb, par exemple, le second capîtaine, est un modèle du genre. Son langage truculent  n'hésite pas à faire un sermon religieux aux requins !
Que dire de plus ! Rarement un roman a autant atteint l'universel...

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