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la saloperie Edvige (*)

Publié le 09 septembre 2008 par Juan
la saloperie Edvige (*)
Le débat sur le fichier EDVIGE s'amplifie. Le pouvoir s'est un temps abrité derrière deux arguments. Ils ont été balayés par Nicolas Sarkozy et les promoteurs du fichier eux-mêmes. L'opposition au fichier grandit: tous les syndicats de salariés et patronaux, le milieu associatif, les partis politiques de gauche et du centre, deux membres du gouvernement (Hervé Morin puis Rama Yade), et même certains jeunes de l'UMP sont déclarés au mieux troublés au pire franchement indignés. 130 000 personnes ont signé la pétition contre EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale). Le Figaro a noté les "maladresses" de la démarche.
Les arguments pro-Edvige sont contestés
Les promoteurs du fichier EDVIGE avançaient deux uniques arguments en faveur du fichier : il est normal et sans gravité.
Un fichier normal, usuel, pratiqué depuis longtemps, car la police doit faire son travail. "La violence a évolué" a indiqué Michèle Alliot-Marie mardi 9 septembre. Cet argument a été balayé par les opposants à Edvige. Considérer qu'il est "normal" car "nécessaire" de ficher.
«Nous n'avons rien à cacher. Ce fichier existe depuis 1991.» a déclaré la ministre de l'intérieur à TF1, mardi 9 septembre. Le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant "a admis qu'il fallait «mieux expliquer» la réalité du fichier Edvige."
Un fichier sans gravité, une pratique ancienne qu'un décret ose enfin légaliser. La France n'est pas une dictature, il n'y a aucune raison de s'inquiéter. cet argument a volé en éclat quand les promoteurs du fichier ont avancé des garanties de protection. Michèle Alliot-Marie a ainsi expliqué mardi 9 septembre qu'elle était prête à faire voter un texte législatif précisant les garanties.
"La plupart des personnes reconnaissent qu'il y a des garanties mais elles disent (...): 'on nous les dit mais rien ne nous assure qu'elle seront mises en oeuvre'. On peut les formaliser dans un texte, comme cela il y aura la certitude que ces garanties existent bien" MAM
Elle a aussi accepté que les mineurs de 13 à 18 ans fichés dans ledit fichier aient "droit à l'oubli". En d'autres termes, si la mobilisation avait été moindre, EDVIGE aurait conservé la trace d'erreurs de jeunesse ou de suspicions non prouvées pendant toute la vie des citoyens concernés. Et certains nous expliquent qu'il ne fallait pas s'inquiéter.
"Je pense, effectivement, qu'on peut limiter le temps pendant lequel les indications (sur ces mineurs) sont maintenues dans le fichier" MAM.
Le pouvoir commence à céder
De retour de Russie et de Géorgie, le ,président français a cédé : "il a demandé au ministre de l'Intérieur d'ouvrir rapidement une concertation qui doit être suivie de décisions pour protéger les libertés".
Selon une source proche du dossier, le chef de l'Etat a émis des doutes sur les références à la sexualité et la santé prévues par le fichier et sur l'opportunité de ficher des personnalités (source).
Cette affaire confirme une pratique, que le recul récent de Nicolas Sarkozy ne saurait occulter : les digues républicaines sautent. Evidemment, Nicolas Sarkozy n'est pas un dictateur. Mais casser la pratique républicaine comporte des dangers.
Primo, la loi républicaine est censée protéger. C'est toute la (subtile ?) différence avec les dictatures. Dans une démocratie, en matière de liberté individuelles, la loi libère, elle limite l'interdit. "Ce qui n'est pas interdit est autorisé". Dans une dictature, la loi inquiète, opprime. Le décret Edvige autorise une répression en masse, le fichage des millions de citoyens. N'est-ce pas inquiétant ? Qu'importe si la pratique est républicaine (et qui donc la contrôle ?), l'important est ce que le fichier permet.
Deuxio, cette affaire montre qu'une fois de plus Nicolas Sarkozy casse des digues morales. Jusqu'à présent, le débat sur les fichiers légaux de renseignement ou de police portaient sur la question simple de leur limite aux suspects. La police a besoin de recenser ses suspicions sur support désormais informatique. Débattons-en. Mais EDVIGE introduit deux nouveautés : en incluant les mineurs, le fichier nous interpelle sur le "droit à l'oubli". En élargissant le fichier à toute personne militante ou adhérente d'un parti ou d'une association politique, EDVIGE pose la question de la liberté individuelle.
Ce dernier point est inutile pour une police démocratique, et il n'y a que des hypocrites pour ne pas le reconnaître.
Question ironique : grâce à Edvige, la totalité des policiers de France pourront-ils savoir qui est le père de l'enfant de Rachida Dati ?
"Scandale ! Laissez-là tranquille. C'est sa vie privée. Un peu de respect s'il vous plaît."
On saura gré, sincèrement, à Nicolas Sarkozy d'avoir officialisé une pratique ancienne. On lui tiendra rigueur, à jamais, d'avoir un temps considéré que cela passerait comme un décret au milieu de l'été.
Ami Sarkozyste, où es-tu donc ?
(*) Pardonnez l'insulte machiste. Elle ne vise que le fichier évidemment. Si la Direction Centrale du Renseignement Intérieur avait choisi une dénomination masculine (RAIMOND ? Renseignement Automatisé Intérieur Moderne Omniscient Naturellement Démocrate ?), nous aurions titré ce billet différemment.
Post-Scriptum: certains promoteurs du fichier se demandent pourquoi la mobilisation contre Edvige a attendu la rentrée pour se déclarer. Certains Vigilants dénonçaient EDVIGE dè sa publication au Journal Officiel. Mais le 1er juillet est une date idéale pour publier des décrets qui fâchent: les télévisions sont en sommeil, les radios en grille d'été; les journaux en version de vacances. Le 1er juillet ? Vraiment une date idéale pour passer inaperçue.


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