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Le vol en interne...comme activité routinière

Publié le 11 septembre 2008 par Anonymeses
François Bonnet dans un article de la RFS de février 2008  " Un crime sans déviance : le vol en interne comme activité routinière" analyse les vols commis par les salariés sur leur lieu de travail pour leur propre compte. Il y voit une activité routinière inscrite dans des relations asymétriques, avec l’idée qu’analytiquement le vol des employés, le vol des agents de sécurité et le vol du patron ne sont pas très différents : tous volent parce qu’ils le peuvent.
Si la plupart des travaux sur les vols en interne 
portent sur la recherche des causes de cette délinquance, l'auteur choisit dans son article un autre angle d'approche. "L’enjeu de cet article est d’analyser le vol en interne comme activité routinière, mieux comprise en recourant à la théorie du principal-agent qu’à celle des causes sociales de la délinquance : le vol en interne est tellement répandu et si intégré aux relations de travail qu’il constitue un cas parfait de « déviance » qui n’en est pas une et de « crime » qui ne provoque pas le scandale." L'article repose sur une enquête qualitative menée dans les mondes de la grande distribution et du nettoyage, dans le cadre d'une recherche sur le contrôle de la délinquance dans les centres commerciaux en France et en Italie. 45 entretiens ont été réalisés auprès de policiers, agents de sécurité, directeurs de magasins, employés, syndicalistes, travailleurs sociaux dans deux centres commerciaux de deux grandes villes, une française et une italienne.
Une question d'opportunité
Ainsi que le montre l'auteur, l'intérêt du vol en interne pour la sociologie est qu’il s’agit d’une délinquance routinière. Le concept de délinquance routinière provient de la criminologie américaine « choix rationnel » appelé routine activity approach, perspective qui a été développée par Cohen et Felson (1979) pour expliquer le paradoxe de la fin des années 1970 : la concomitance de la société d’abondance et de la forte augmentation de la criminalité. Jusqu’alors, la déviance était majoritairement expliquée par  la convovation de causes sociales. Le crime était pensé comme la conséquence de la pauvreté, les dérèglements familiaux ou de l’oppression. Pour Cohen et Felson (« Social change and crime rate trends : a routine activity approach », American sociological review, 44, 4, pp. 588-608, 1979), l’augmentation de la criminalité après la Seconde Guerre mondiale s’explique par deux facteurs. D’une part, la quantité de biens en circulation augmente de  sorte que les opportunités de vols se multiplient ; d’autre part, la spécialisation fonctionnelle des espaces urbains et les rythmes de travail facilitent grandement le travail des voleurs. On trouve un résumé de ces théories dans le Dictionnaire critique de la sociologie de Boudon et Bourricaud à l'article Crime (p 131 pour l'édition de poche) ou en collection U de Armand Colin dans l'ouvrage de référence d'Albert Ogien Sociologie de la déviance (1995)
F Bonnet met à jour trois propriétés du vol en interne. Il est essentiellement fonction des opportunités qui se présentent au salarié, et de sa capacité à déjouer la surveillance ; surveillance qui est conduite souvent à tolérer des larcins mineurs, à décriminaliser les vols inévitables. De plus, il semble que le vol en interne soit si intégré aux relations professionnelles qu’il est instrumentalisé par les patrons contre les salariés, essentiellement comme prétexte pour des licenciements.
Principal-agent
Le vol en interne est également redevable d'une analyse en termes de principal-agent. Le problème du principal-agent a été formalisé en microéconomie, il sert à caractériser les propriétés d’une situation d’information asymétrique entre deux acteurs qui rentrent dans une relation d’échange. Classiquement on prend l'exemple d'un salarié et de son employeur. L'employeur confie un travail à son employé, celui-ci n'étant pas l'objet d'une surveillance continue ou parfaite, il peut trouver son intérêt à ne pas réaliser les tâches qui lui incombent. Il y a donc un problème de base dans la relation, puisque le principal ne peut jamais être sûr que l’agent fait bien son travail, tout en devant continuer à le payer. Toute relation hiérarchique dans le monde du travail est de nature principal-agent ; le vol en interne s’inscrit pleinement dans cette structure de relation. D’un côté, les salariés élaborent des stratégies inventives pour profiter des opportunités, informées de leur connaissance des systèmes de sécurité, pour voler l’entreprise ; de l’autre, l’encadrement surveille pour limiter les pertes.
par Frédérique

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