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La Fausse Veuve, de Florence Ben Sadoun

Par Aude Lemaire

4ème de couv’ :
Aujourd'hui je suis plus vieille que toi alors que j'avais neuf ans de moins que vous... " Ainsi commence La Fausse Veuve. Tutoyant et vouvoyant dans la même phrase son amant disparu, l'héroïne lui raconte, et nous raconte, dix ans après, l'histoire qui leur a été volée. Ce que furent leur amour, leurs moments de bonheur, et aussi le désespoir, leurs muets tête-à-tête à l'hôpital quand, victime d'un grave accident cérébral, il s'écroule, et se réveille paralysé et privé de parole. Face au drame du " locked-in syndrome ", face à la destinée légendaire d'un personnage que les médias se sont approprié, une femme n'oublie pas qu'il était un homme. Comment se parler d'un souffle ? Comment s'aimer sans se toucher ? Comment lire les battements d'un cœur au rythme d'un battement de paupières ? C'est ce chemin escarpé, compliqué, et parfois très éloigné du deuil, qu'on suit dans ce roman en s'arrêtant sur les cases de l'enfance, en reculant sur celles de l'amour et de la religion, et en sautant à pieds joints sur celle (le la mort comme au jeu de la marelle.

Florence Ben Sadoun, ancienne rédactrice adjointe de Elle (spécialement critiques de films), a été promue en août dernier directrice de rédaction au magazine Première, l’écriture elle connait.
Outre l’aspect un peu trash qu’aborde cet ouvrage en voulant « rendre justice » à sa relation adultère avec cet homme dont on taira le nom tout au long du livre (lui c’est Jean-Dominique Bauby, rédacteur en chef de Elle et auteur du livre Le scaphandre et le papillon) ainsi qu’à l’univers pas toujours rose des services réa des grands hôpitaux et des inconvénients qui l’accompagne.
J’ai eu énormément de mal à me faire à ce jeu du « je » et du « vous » perpétuel tout au long des chapitres, l’intention était louable, le vous étant cette rigueur que les deux adultérins s’étaient imposés afin de ne pas dévoiler inconsciemment leur « secret » avec un je impromptu, mais trop de « je » tue le « vous » et inversement.
L’histoire est touchante sans verser dans le graveleux, bien écrite et simple. Une histoire de vie en somme.
« Vous mort, je redeviens immédiatement l’autre. Je n’ai pas la parole, je suis votre fausse veuve, celle du rang de gauche à l’église dos à la nef. Celle à qui le curé n’a pas parlé. Celle qu’il n’a même pas regardée une fois dans les yeux. Pour les siècles des siècles. »
« La place d’une veuve est-elle proportionnelle au nombre d’années partagées avec le mort ? Sûrement. Est-ce qu’une maîtresse qui a passé plus de temps avec son amant dans un lit sans parler souffre moins qu’une femme dont l’amour s’est tristement usé au fil des années entre les infos, les couches, les impôts, les dîners de famille, les engueulades pour un rien et les tromperie pour un tout ? Pas sûr. Trois ans contre dix ? Qui gagne ? Je perds. Je suis la fausse veuve. »

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