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Steve Savidan : « le footballeur est un marchandise »

Publié le 14 septembre 2008 par Benjphil
savidan2Loin d'être sexy, le nouvel attaquant du Stade Malherbe de Caen est un véritable rayon de soleil sur les pelouses de Ligue 1. Arrivé sur le tard et via le National, (et le SCO d'Angers) l'Angevin est peut-être passé à côté d'encore mieux au niveau carrière. Voici sa fiche cuisine.
La légende urbaine confère à Steve Savidan d'être un ch'ti. Coincé entre la mode Dany Boon et son inexistence footballistique avant la montée de Valenciennes en Ligue 1, il n'en aurait été autrement. En fait le tchot'bilout est originaire des Pays de la Loire, ah ! C'est du côté d'Angers qu'il est né le 29 juin 1978 (et oui déjà 30 ans). Encore une histoire de joueur issu d'un milieu modeste (quartier de la Roseraie) avec un père facteur et une mère femme de ménage. Bac pro et BEP de maintenance mécanique en poche, Steve préfère jouer crânement sa carte au SCO d'Angers. Mais voilà en 1998, alors qu'il signe son premier contrat semi-pro, le club en est National et en grandes difficultés. Salaire de misère, Savidan cumule les emplois car le football ne suffit pas. Éboueur ou barman : « Un jour, je suis allé à la DRH d'une collectivité locale et j'ai pris ce qu'on m'a donné...Mais j'ai toujours su que je percerai quelque part ». Alors ce « quelque part », Steve regarde si ce n'est pas Châteauroux, Ajaccio ou Beauvais. Loin des plans des différents entraîneurs angevins.
Et il débarque dans le Nord...
savidanÀ Angoulême Savidan inscrit tout de même 12 buts en 37 matches lors de la saison 2003-2004. Il commence à se faire un petit nom dans le petit championnat National. À Valenciennes on renoue quelque peu avec les ambitions après tant d'années à se morfondre de l'affaire OM-VA. En 2003 Didier Ollé-Nicolle a fait remonter le club en National. Daniel Leclercq prend le relais et remarque ce avant-centre rapide et technique, pas bidon de la tête. Une histoire d'amour de quatre ans commence. Car si Antoine Kambouaré remplace le druide après le titre en National 2005, Savidan et devenu Savigoal, meilleur buteur du championnat avec 19 buts. La saison suivante, VA continue sur sa lancée et Savidan aussi, 16 buts et un nouveau titre, c'est l'ascension en Ligue 1. Le grand retour pour le club, une grande première pour la plupart des joueurs.
Ça se voit sur le terrain, Savidan se sent comme un poisson dans l'eau dans le Nord. Il a même ouvert un restaurant dans la ville, le K9 en référence à sa femme Karine et son numéro dans le dos et pour se montrer redevable envers une population qui l'a adopté : « Il est important que je rende aux Valenciennois ce qu'ils m'ont donné. Ma plus grande fierté aujourd'hui, c'est de n'employer que des valenciennois, sept personnes à plein-temps. Il y a vraiment quelque chose d'important ici dans cette région sinistrée économiquement, c'est le travail. Tout le monde a du respect pour le travail... La personne a une place importante dans le Nord ».
Pour sa première saison en Ligue 1 (2006-2007), Savidan manque de peu un triplé jamais vu auparavant : Celui de meilleur buteur sur trois saisons consécutive en National, Ligue 2 et Ligue 1. Il termine deuxième derrière Pauleta avec 13 buts, 15 pour le Portugais. Le maintient de Valenciennes s'obtient à domicile plus ou moins tranquillement et Savidan s'offre un moment de gloire en inscrivant quatre buts à Nantes, à La Beaujoire et à Fabien Barthez. Oui Nantes va descendre, mais quand même ! La saison passée, Savigoal inscrit à nouveau 13 buts en championnat. Quatre ans d'amour et de buts à Valenciennes (51 en championnat en tout).
La fin d'un cycle, à contre coeur.
savidan_caennaisSavidan ne se blesse pas souvent, il dispute quasiment tous les matches de la saison (mais il prend quelques jaunes quand même, ça ne sera que quasiment !). Il aurait aimé, à la fin de la saison dernière, qu'on l'intègre dans un projet à long terme dans le Nord. Les spéculations sur son contrat l'ont énervé et finalement d'intransférable, il obtient un bon de sortie l'été dernier, sous condition d'un bon prix. Un bon prix pour un joueur confirmé (30 ans) de Valenciennes c'est quoi ? 5 millions d'euros répond Caen qui lui propose un nouveau défi et de se rapprocher de ses parents restés à la Roseraie. « Le football est le sport le plus individuel des sports collectifs. A un moment donné, moi, mon seul objectif, c'est de me faire plaisir, avec ma famille et mon équipe ». Pour son premier match à d'Ornano sous ses nouvelles couleurs, Savidan fait exploser la défense de... Valenciennes... en une demi heure. D'un astucieux écran, il permet à Florentin d'ouvrir le score dès la 3è minute, se charge personnellement de marquer le deuxième but à la 21è et donne une passe décisive pour Eluchans à la 29è.

Un joueur qui a des opinions.

savidan_K9La plupart des citations de cet article viennent d'une interview qu'il avait tenu au journal l'Humanité qui n'est pas un référence en matière de football, mais qui se porte pas trop mal (le goûts et les couleurs ça ne se discute pas) sur la politique et qui aime faire parler les footballeurs de politique. À l'époque de la campagne présidentielle, le joueur se plaçait plutôt en faveur de François Bayrou notant que sans être ni de gauche ni de droite mais plutôt dans un courant « social », il faut bien « un ailier gauche et un ailier droit pour faire marquer des buts à l'attaquant ». L'idée a le mérite d'être pertinente. L'attaquant se positionne également pour la revalorisation des bas salaires et pour le SMIC à 1 500 euros par mois : « J'ai connu ça et peut-être qu'un jour, on ne sait pas, je gagnerai à nouveau modestement ma vie ». Conscient malgré tout de vivre « dans un cocon ».  Savidan connait l'incertitude des prêts, l'intéressé a d'ailleurs une opinion bien tranché sur la chose : « C'est de l'esclavage moderne. On n'appartient à personne, on est traité comme une marchandise. On nous transfère pour tel montant, on vaut tel prix... ».
Passer à côté de quoi ?
savigoalEn découvrant la Ligue 1 à 28 ans, Steve Savidan n'aura que 4 ou 5 saisons au plus haut niveau avec tous ses moyens physiques. C'est peu, c'est dommage. Sa spontanéité dans le jeu et sa technique en font un élément surprenant à voir évoluer sur une pelouse. Quel tour nous réserve-t-il encore se demande-t-on ? Loin des joueurs de football bodybuildé vers qui on se dirige d'année en année, un joueur comme Steve Savidan aurait certainement pu avoir une chance en bleu si l'idée d'appeler un joueur de Valenciennes ne faisait pousser de l'urticaire à la profession. 
Au niveau de notre championnat, l'idée qu'un joueur arrivé sur le tard et découvrant la Ligue 1 à 28 ans et s'y imposant comme un réel atout dans le jeu dénote tout de même une certaine crise de talent technique. Paradoxalement, la réussite de Savidan montre à quel point ce championnat est faible techniquement. On regretta de ne pas le voir évoluer en ligue des Champions (ce qui n'arrive certainement jamais) et à l'heure où les bleus manquent de dynamiteurs le test auraient au moins réveillé les autres.

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