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Le voyage est une suite de disparitions irréparables (P. Nizan)

Publié le 14 septembre 2008 par Rafaele

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Quand tu arriveras à la ville, après avoir parcouru de longues plaines couvertes de blés, franchi d’épaisses forêts et traversé de larges rivières, quand tu arriveras à la ville, dis-je, je pense que tu seras enfin heureux de te sentir moins solitaire. Voilà tant et tant d’années que tu as quitté notre demeure. Je te revois ce matin-là, souriant à la simple idée de partir à l’aventure. Combien d’années se sont écoulées depuis ton départ ? Dix, quinze, vingt années ? Plus, beaucoup plus ? Je ne les compte plus tant la peine liée à ton absence est aujourd’hui encore vive. Quand tu arriveras à la ville donc, tu seras content, je pense, de voir que rien n’a changé. Sur ta droite, tu apercevras la maison des Peters avec ses cheminées noires, son toit de tuiles sombres et sa grande façade blanche. La maison est restée telle que tu l’as connue. Certes, Mrs Peters est morte et son mari se sent bien seul désormais, mais tu y trouveras encore dans le jardin le pommier qui, à la fin de l’été, nous offrait ses belles pommes jaunes. Juste à côté, tu ne pourras manquer la petite maison de Mrs Brown. La façade est encore couverte de l’ocre brun doré que papa avait étendu un jour de printemps où nous n’avions pas l’école. Je me souviens ce jour-là tu avais perdu une dent et tu n’osais plus sourire. La façade est aujourd’hui moins lumineuse, mais je me dis que quelque part c’est une trace que papa a laissée dans la ville. Puis tu dépasseras la grande maison de bois qui nous faisait si peur lorsque nous étions enfants. Te souviens-tu du jour où nous y avons pénétré afin de découvrir je ne sais quel trésor caché par le vieux John ? Je ressens encore l’effroi à l’idée que la lourde porte de chêne rouge ne se referme à tout jamais derrière nous. Enfin, en face, tu reconnaitras sans peine notre maison : toujours là, fière, droite, majestueuse. Elle non plus n’a pas changé. C’est là que je t’attends, toi mon frère bien aimé qu’il me tarde de retrouver.


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