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Réflexions sur le manque de temps

Publié le 21 septembre 2008 par Cherryplum

Les Africains ont le temps et les occidentaux ont l'heure... paraît-il.  A tout prendre, je préférerais ne pas avoir l'heure, mais avoir du temps. Or, le temps est devenu un luxe inouï de nos jours, pour nombre d'entre nous, qui passons nos journées à courir après la montre... et non pas après le temps, puisque, jusqu'à preuve du contraire, les journées font vingt quatre heures pour tout le monde... Mais nous croyons tout de même manquer de temps et ce manque de temps cause des ravages : écologiques, psychologiques, physiologiques...

Physiologiques parce que le stress et le manque de temps nous font rogner sur les heures de sommeil, nous font avaler des repas en quatrième vitesse, ou manger des sandwichs ou des « nouilles steak » vite préparés, nous font courir toute la journée, nous font zapper la sieste qui nous remettrait les idées en place et qu'au bout d'un moment, le système se met à fonctionner de travers. Comme une machine qui n'est pas entretenue, le moteur surchauffe, les engrenages manquent d'huile, ça coince, ça tire, ça déraille et ça finit par casser... Notre organisme a besoin de temps de pause, de relâche. Il a besoin qu'on prenne soin de lui, qu'on ne le soumette pas à une pression permanente. Le stress l'agresse et rien ne vient permettre une saine récupération.

Écologique ensuite parce que c'est à cause de ce fichu prétendu manque de temps que nous faisons n'importe quoi : nous prenons la voiture pour nous déplacer, parce qu'il faut arriver vite, repartir vite, passer à autre chose vite au lieu de nous déplacer en vélo, à pied, à cheval, en diligence, que sais-je encore. Parce que nous choisissons trop souvent les solutions de « facilité » qui en tout cas s'achètent rapidement pour résoudre un certain nombre de nos problèmes et faire face à l'immense majorité de nos besoins. Plats tout prêts au lieu de cuisiner. Médicaments produits à grand renfort de chimie contre le mal de crâne (soulagement immédiat) quand la solution serait d'aller s'allonger deux heures ou de prendre des vacances. Objets manufacturés et achetés en grande quantité  au supermarché du coin quand il faut offrir un cadeau à un proche (c'est sûr que le temps que vous appreniez à tricoter et que vous finissiez ce pull, il va se passer quelques semaines ou quelques mois...), robots ménager pour faire le travail à notre place, fromage acheté préemballé dans sa barquette en poly-plastique parce qu'on n'a pas le temps de faire la queue, j'en passe et des meilleures. Une vie plus lente, plus calme, nous laisserait le temps de mesurer l'impact de nos actes sur l'environnement, nous permettrait d'être plus en adéquation avec notre planète, nous permettrait, aussi, de nous souvenir que nous ne sommes pas simplement en visite sur la Terre, mais que nous faisons partie intégrante d'un système complexe et qui nous dépasse et que si une partie de ce système se met à dérailler, c'est tout le système qui en pâtit... et ça nous retombe dessus, puisque nous sommes le système.

Psychologiques enfin parce que pendant que nous courons après le temps, nous en oublions de vivre. La vie, c'est pour quand la déclaration d'impôts sera terminée, ou quand les enfants seront couchés ou pour quand le linge sera étendu et le dossier urgent truc bouclé... Et pendant que nous nous dépêchons de faire tout cela, de rentrer à la maison, de presser la purée, de faire un bisou aux enfants pour ne pas rater le début du film, pendant que nous nous dépêchons de nous promener ou même de faire l'amour  nous ne profitons de rien. Et une fois tout cela fait, il reste si peu de temps !!!

Je me surprends encore régulièrement à aller me promener avec les enfants parce qu'ils veulent sortir et me trouver à leur dire sans arrêt, allez, on avance, on avance... Mais pour aller où ? ... Et pour faire quoi après ? C'est là qu'ils sont, eux, dans l'ici et maintenant, alors que moi je suis toujours à penser à après, quand je serai ailleurs, quand je serai là où je voudrais être maintenant... Du coup, je me gâche le plaisir, je leur gâche le plaisir et quand on est rentrés bien vite on enchaîne sur la course pour faire le repas vite  (ça revient souvent, les repas, si en plus on y passe des heures !), la course pour débarrasser, la course pour .... STOP!!!!

Quand je me vois, quand j'arrive à prendre assez de recul pour m'observer, j'hésite entre le rire et les larmes. Cela a un côté si pathétique... Allez, dépêchons-nous de vivre... pour mourir plus vite ? Mais à courir tout le temps, on n'est jamais dans la vie. On n'est jamais à profiter de rien. Or, les « corvées » quoiqu'on en pense et quelque soit l'organisation rationnelle qu'on instaure, font partie de la vie et sont même une très grande partie de la vie. Alors, faut-il se mettre en apnée tous les jours, plusieurs heures par jour en espérant pouvoir profiter plus tard ? Je rentre à pied de l'école (qui est aussi mon lieu de travail) et souvent... je rentre vite. Pourtant, la balade est sympa, je passe le long de champs, sous des chênes magnifiques, je pourrais m'arrêter pour cueillir quelques mûres, ramasser des châtaignes (les premières commencent à mûrir) ... je pourrais en profiter là, tout de suite, au lieu d'attendre d'être chez moi... Parfois, j'y arrive, mais dans les périodes de rush, où je crois avoir cent mille choses indispensables à faire... j'oublie.

Gandhi aurait dit, un matin avant une journée particulièrement chargée : « j'ai tellement de choses à faire, il faut que je médite encore plus »... C'est si facile de se laisser emporter par le tourbillon... il faut une grande force de caractère pour résister. Et puis, tout est fait pour nous faciliter la vitesse ! Tout est fait pour nous faire croire que vite, c'est mieux. Les robots ménager, pour en revenir à eux, râpent votre carotte bien plus vite que si vous le faisiez à la main, nous sommes tous d'accord là dessus. Mais il faut trois fois plus de temps pour les démonter, laver, remonter que pour laver une petite râpe. Alors à moins d'avoir une armée à nourrir, cela en vaut-il vraiment la peine ? Et est-ce vraiment mieux que les choses soient faites vite ? Notre rapport au temps est complètement perverti. On veut une carotte, on va l'acheter. Hop, ni une ni deux, c'est fait. Depuis que je jardine, je me rends compte que ce rapport au temps est modifié : si je veux une carotte, il faut d'abord que j'attende la bonne saison pour la semer. Puis que j'attende encore deux mois qu'elle daigne pousser. Et au bout du compte, j'aurai peut-être une carotte, mais peut-être pas. Elle sera peut-être grosse, peut-être minuscule, ou biscornue, ou à moitié mangée par un vers ou un mulot... Mais entre temps, en attendant ma carotte, je l'aurai regardée pousser, j'aurai pris du plaisir à la semer (sauf si ce jour là il fallait semer vite pour faire autre chose après !) et elle aura un goût incomparable !

Alors, ce manque de temps, il faut l'analyser. Est-il vraiment réel ? Toutes les mères de familles connaissent plus ou moins ce marathon du soir, qui commence vers 18h et où il faut enchaîner l'éventuelle surveillance des devoirs, le repas à préparer, les toilettes à faire, les cartables à vérifier, le repas à prendre, les dents à brosser, les pyjamas à enfiler, l'histoire à lire... et tout ça en temps limité pour que les enfants ne soient pas couchés trop tard ! Quel stress ! Difficile de faire passer ces choses-là à la trappe... La plupart d'entre nous avons des échéances, des dates limites, des choses à faire dans des temps limités... Source de stress et de calculs frénétiques sur comment on va faire pour réaliser tout ça dans les temps, etc. De même, au travail, ce sont souvent des délais impossibles à tenir, des engagements qui nous étranglent... Alors ? Alors, difficile de lutter. Mais un tout petit changement d'optique peut aider, au moins dans certaines situations.

Puisqu'il faut cuisiner, autant en profiter pour cuisiner... puisqu'il faut débarrasser, peut-on imaginer le faire avec plaisir ? Tranquillement ? Peut-on aussi accepter le fait que les échéances sont parfois trop courtes, et donc qu'immanquablement on va "rater"... du coup, peut-on réussir à ne pas s'en vouloir, ne pas se flageller parce que nous sommes simplement des humains et pas des machines ?

En fait, la vraie question est peut-être : peut-on ralentir dans sa tête ? Peut-on, au moins de temps en temps, laisser tomber la montre, les horaires, les timing, les courses contre le temps ? Si la réponse est oui, alors vous avez tout gagné. Et vous serez étonnés du nombre de chose qu'on peut vivre (et non pas faire) en un quart d'heure quand on est détendu.


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