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Avez-vous une culture informationnelle ?

Publié le 26 septembre 2008 par Jean-Marie Le Ray

L'un des premiers critères pour tenter d'appréhender le monde qui nous entoure, extrêmement complexe, confus et chaotique, c'est de savoir décrypter l'information.
Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'information n'est pas collective, elle est individuelle. C'est un peu comme le marketing, où l'on est passé du marketing de masse pré-Internet au marketing one-to-one sur Internet.
Pour l'info, c'est pareil. Car avant, même si 10, 100 ou 1000 personnes recevant la même information en avaient 10, 100 ou 1000 perceptions diverses, cette info était généralement formatée, à la limite seule changeait la couleur politique des producteurs d'infos, mais les maquettes étaient pratiquement identiques. Autant dans la presse qu'à la télé ou à la radio.
Or voilà qu'Internet fait tout voler en éclat, les modèles traditionnels se retrouvent brusquement en miettes et l'infobésité nous submerge, où « la masse liquide de l’information s’accroît de façon exponentielle », en générant « d’une part le bruit – trop d’informations tue l’information – et de l’autre le silence – ce que je cherche existe, je le sais, c’est là quelque part, mais je ne le trouve pas. Avec au final une réponse trop souvent inaudible, et un utilisateur désorienté, submergé par la profusion informationnelle. »
Pour lire et interpréter l'information, désormais il n'y a plus UNE piste possible, formatée ou non, mais 10, 100 ou 1000 parcours dynamiques, y compris pour une seule et même personne, prise à des moments différents et dans des circonstances diverses.
D'où la nécessité d'apprendre à affiner le rapport signal-bruit :

nous devons pondérer et apprendre à extraire l'info utile au moment opportun : (...) l'énorme masse de stimuli qui nous envahit en permanence (Internet, radio, télé, journaux, pubs, etc.) est peuplée de bruits informationnels, dont je dois extrapoler les signaux forts qui vont servir à me forger une opinion, à prendre une décision, et ainsi de suite.

Les anglo-saxons appellent cela l'Information literacy :

expression ... construite d'après literacy (alphabétisation), en partant du principe qu'il était aussi important de savoir trouver, critiquer et utiliser l'information dans la société de l'information que de savoir lire et écrire dans la société industrielle.

Et comme toujours lorsqu'il s'agit de traduire d'une langue à l'autre des termes recouvrant des concepts complexes, aucune expression française équivalente ne s'est encore imposée

 :

  • alphabétisation informationnelle
  • culture de l'information
  • compétence informationnelle
  • infocompétence
  • maîtrise de l'information
  • littératie
  • littératie numérique

La littératie est ainsi définie par l'OCDE (PDF, 1,4 Mo) :

Aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités.

Ce n'est d'ailleurs pas un nouveau concept, puisqu'on en parlait déjà il y a plus d'une dizaine d'années, notamment au niveau des habiletés d'information (information skills) associées :

  1. la définition de la tâche
  2. les stratégies de recherche d'information
  3. l'accès à l'information et la localisation de celle-ci
  4. l'utilisation de l'information
  5. la synthèse
  6. l'évaluation

Ce sont là les « Big Six Skills », les compétences fondamentales liées à la maîtrise de l'information.
C'est d'ailleurs une analogie pertinente avec la rédaction d'un billet de blog, pour lequel il est nécessaire de remplir les conditions à peine énumérées : définir le sujet, les meilleures stratégies de recherche pour localiser l'information voulue, l'utiliser à bon escient, la synthétiser (un passage que je n'ai pas bien assimilé ;-) puis évaluer le résultat final : bon, pas bon, utile, idiot, peut mieux faire, etc.
Pour autant je n'aime pas cette notion de « maîtrise de l'information », car pour moi l'information ne se maîtrise pas, dans l'absolu. Certes, elle peut se maîtriser autant que se manipuler, mais dans un cas comme dans l'autre, elle finit toujours par s'échapper !
L'information est trop liquide : essayez de retenir de l'eau dans vos mains, c'est partiel et ça dure peu. Sans aller jusqu'à parler des dictatures, nos démocraties essaient de plus en plus d'ériger des digues pour retenir l'information, pour la canaliser à volonté, mais tôt ou tard même les barrages les mieux construits commencent par se fissurer, et finissent par craquer lorsque la pression devient trop forte.
Or Internet c'est le Mare magnum de l'information, et aucun barrage ne sera jamais ni assez grand ni assez fort pour contenir l'océan !
Que nous reste-t-il alors, sinon apprendre à naviguer et à nous orienter dans la tempête informationnelle ?
Ceci dit je suis parfaitement d'accord avec la proclamation d'Alexandrie

 :
La maîtrise de l'information est au coeur de la formation tout au long de la vie. Elle permet aux gens, dans tous les chemins de la vie, de chercher, d'évaluer, d'utiliser et de créer l'information pour des objectifs personnels, sociaux, professionnels et éducationnels. C'est un droit humain de base dans un monde numérique qui apporte l'intégration de tous les peuples.

J'ai souligné ce dernier passage car il serait peut-être bon que notre Ministre de la culture le relise, à l'occasion, elle qui continue à défendre bec et ongles le projet de loi «  Création et Internet », en rappelant qu' « il n'est pas dit que la suspension de l'abonnement à Internet puisse être considéré comme une atteinte aux libertés individuelles » !!!
Et ce malgré le désaveu éclatant de la communauté européenne. Or comme l'observe si justement Marc Rees :

Nier ce que dit l'Europe, en pleine présidence française, sera diversement apprécié.

Jean-Marie Le Ray


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