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Opacité française ?

Publié le 28 septembre 2008 par Philippe Di Folco

« Le monde est un polder… », écrit l’essayiste américain Jared Diamond dans Effondrement. Oui, sauf la France. Sauf la France, qui en mai 1986, ne peut être sujette aux retombées radioactives, et qui, bien entendu, depuis le 9 août 2007, date à laquelle la BNP Paribas met en doute certaines de ses positions sur le marché financier américain, inaugurant une vague de paniques dont la complexité n’échappe à personne (c’est bien pour ça que les capitaux semblent fuir…), depuis lors, donc, la France et son système bancaire, ses maisons de crédits et de dépôts, ses caisses de prévoyance, et autres sociétés de prise de risque, semblent rester parfaitement indifférentes aux décrochages financiers, aux jeux de dominos, aux recompositions capitalistiques, aux échanges, en clair aux mouvements, qui, nécessairement, justifient la nature même de l’argent aujourd’hui.

Autrement dit, l’argent en France circule à l’intérieur de l’hexagone, sans sortie ni entrée, et dans une parfaite opacité, donc tout va bien : transparence ou opacité perdent leur sens ici, puisque nous vivons dans une forteresse bien vé/rouillée de l’intérieur, investiguez et vous verrez : les portes s’ouvriront sur les coffres vides, des placards proprets, des dossiers cleans. On ne sait et on ne saura rien : toute info, d’où qu’elle provienne, est suspecte, forcément suspecte. On ne peut que conjecturer, mais à voix basse, sinon, « vous êtes un vrai parano, un catastrophiste, rentrez donc chez vous ! ». On lit la presse, la généraliste et la spécialisée, on apprend des choses qui arrivent en dehors de chez nous : toute l’Europe, sauf la France, bruisse, s’agite, transfère, des masses d’argent ici et là, mais sans jamais que soient mentionner les noms des grands établissements français. Ici, la Barclays, là la Santander (Espagne), demain le Crédit suisse, etc.

On se souvient en passant du scandale du Crédit lyonnais (LCL), de l’incendie, du trou de 350 milliards de F. (une broutille !), etc. Et du silence qui suivit. Puis, plus un mot, rien de substantiel. Juste l’hypothèse d’un « c’est le contribuable qui paiera… ».

Quels sont les moyens effectifs qui permettent de ne pas payer l’addition en fin de compte ? La votation (un vote protestataire) ? Le suspens du paiement de l’impôt ? L’arrêt de la consommation ? Les manifs ? Les pétitions ? Punir les responsables ? Et pourquoi ne pas dire : « On va devoir payer : voici combien et voici pourquoi, et voici comment ». Ce ne serait pas si mal, une sorte de pédagogie à la Mendès-France… enfin, pour citer un politique qui semblait n’avoir pas peur de dire « ce qui arrive ».

Cette crise doit être vue comme l’occasion inespérée de repenser toutes nos intermédiations et d’agir en conséquence, sans hésitation aucune. Dans la foulée de cette crise, il s’agit d’anticiper la fin du pétrole, la montée des pays émergents, l’éducation des mômes, maintenir la tension et l’attention. Et non de vivre en un présent éternel aux parfums nostalgiques des années fastes. A quoi bon se rendre compte ? Eh bien pour éviter la violence, la guerre, la mort. La phrase que j’entends le plus ces dernières semaines : « De toutes façons, ça va saigner, c’est nécessaire, faut que ça explose ! ». Putain de rhétorique façon juillet 1914 !! « Horror, horror… » (Kurtz, finale d’Au cœur des ténèbres, Conrad, 1899)

Du fight ? Super ! Alors au boulot, y’a plein de combats à mener : sur le ring, je vois que ça, le problème c’est que ce n’est pas un combat de A contre B et vice-versa, c’est un combat du sujet A contre lui-même, c’est la singularité A dans un ensemble complexe qu’il faudrait parvenir à envisager : A l’entropique, A l’incomplet, A le désirant… Y’a pas une formule qui résumerait ça, pas une, parce que j’entends déjà les brancardiers du « totalitarisme démocratique » qui accourent, oui, oui…

La décrédibilisation des politiques et des responsables, quels qu’ils soient, se nourrit elle-même à coup de solutions intermédiaires, de pansements, de rafistolage, mais il ne sert à rien de passer tout sous silence.

Parce qu’au-dessus du silence, s’élèvent les guignols du politique, les néocassandres, les messies prévisionnistes et providentiels, les opportunistes pétris de provincialismes, geignards et lamentables.

Et moi je participe à ce concert de mulets aphones et castrés, comme un con, un petit a (tas ?) de neurones et de chairs brinqueballés.

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