La Moda Reciclada de Liza!

Liza est une personne fascinante. J’arrive, elle me tape la bise comme si nous étions copines depuis toujours, un grand sourire aux lèvres duquel s’échappe un délicat accent argentin.

C’est rouge chez Liza. Rouge car cette année c’est “hiver caliente” m’explique-t-elle, “il faut que Paris ait chaud pour un hiver plus vivant” ! J’acquiesse : après deux mois passés hors de la capitale, et deux jours à peine après y être revenue, je me dis qu’en effet le parisien court toujours… mais peut être justement pour se réchauffer, car depuis deux jours, il pèle sévère sur Panam !

La vitrine m’intrigue et je commence très vite à en scruter les moindres détails, l’œil attiré par une fabuleuse robe créée à partir de 114 cravates cousues à la main les unes aux autres… pour le premier salon de SoEthic. Magnifique. Liza attend d’ailleurs que son amie Isabelle Teste lui fasse le chapeau assorti maintenant !

Quand l’homme habille la femme…

L’anti-mode parisienne

Liza se définit comme une “anti mode parisienne”. Arrivée en France lors de la crise argentine en 2001, son travail de créatrice se révèle être une œuvre artiste à part entière, où le concept est roi, où les univers sont légions, et où les bouquins et les sacs s’ouvrent et se referment de concert.

En Argentine, encore adolescente, Liza a connu la répression. Costumiser était alors pour elle un moyen de s’éloigner de l’uniforme militariste. Il n’existait pas non plus de “Marques” de consommation comme nous en avons aujourd’hui… Quittant son pays à l’âge de 17 ans, Liza est partie pendant 12 ans vivre au Brésil, où elle a travaillé sur des projets liés à l’environnement… “mais sans que cela ne soit lié à une notion de bien ou de mal” s’exclame-t-elle! “Tu apprends et comprends par expérimentation quand tu habites en pleine nature !“… Après un passage de 2 ans au Venezuela, elle reviendra au Brésil pour travailler sur différents projets en lien avec la France… avant de venir s’installer en France en juin 2002, après la crise de 2001 dans son pays.

Boutons Chanel

Que faire alors ? Elle qui n’aime pas Paris au début, et qui est choquée de voir les quantités de vêtements que l’on jette dans cette fière “capitale de la mode“… ? Liza décide alors de faire du “Vintage”. Dans son premier atelier Rue Chabot, elle fera essentiellement des vêtements et obtiendra un contrat de créatrice pour Recyclaid France. Ses copines lui donnent leurs fond de placard, et dans son immeuble les voisins gardent les revues et magazines ou autres supports papier dont ils veulent se débarrasser pour Liza.

Obligée de quitter son premier atelier, elle migrera un petit peu plus loin par la suite pour se retrouver au 11 rue du Pont aux Choux. Et là la passion des sacs l’emporte : Liza récupère les sacs vintages, les journaux, les livres, puis ajuste, répare et colle… le tout avec des produits non polluants ! “A quoi bon recycler si c’est pour utiliser de l’acétone et des produits polluants ensuite ?“

Je le verrai bien chez moi celui-là!:-)

Une création conceptuelle

Naturellement, priorité est donnée au “fait main” fabriqué en France, dans son atelier, avec des matériaux de création (Recyclaid), de la peinture (à l’eau et de la récupération d’usine automobile), du plastique (récupéré dans les usines d’embouteillage ou les entreprises du bâtiment), en effectuant des collages (à partir de magazines périmés et déchirés… plans; guides, livres etc.). Le principe est simple : “on utilise toujours le matériel que l’on ne peut plus utiliser autrement” m’explique Liza.

Les sacs sont toujours accompagnés d’un livre au choix mais plus souvent lié au concept du sac. Liza bénéficie d’un large “réseau de dons” et le projet est tellement convivial que ce sont parfois les clientes qui viennent donner à Liza, ensuite, sa matière première !

Voilà d’ailleurs ci-dessous une sélection de clins d’oeil “à la Liza”:

Le sac Ayurvédique

Le sac “guerre des marques”… reposant sur un lit de rubans de marques

Le sac “boudoir”

Les sacs Jekyll et M.Hyde

Le sac voyage

Les sacs aligator

Le sac presse

Le sac argenté… ou presque

Le sac thé

Le sac fruité

Le sac timbré

Le sac toulousain (carte de la ville de Toulouse)

En 5 ans, Liza vendu un petit peu moins de 1000 sacs, des pièces uniques : elle est d’ailleurs impatiente de savoir quel sera le n°1000 à partir!

Liza a aussi plusieurs projets en Argentine, dans le secteur culturel, mais aussi pour soutenir sa création : du coup elle y va au moins une fois par an… “j’e n’aime pas les allers-retours mais pour la nouvelle collection on a trouvé un transport “vert”. En plus l’atelier là bas est familial, petit et avec tous les règles environnementales et surtout sociales“. Elle a par exemple un contrat avec Deltacom (entreprise de tri de différents types de matériaux, chez qui elle pioche pour faire les sacs à base de restes de faux cuir des usines de voitures ou d’ameublement, etc). Elle s’occupe aussi du recyclage produits mal finis de différentes marques de mode: sport, luxe, …. “mais sans faire de partenariat ni de communication” me dit-elle. Pas question de faire du bruit sur des territoires de marques… !

Une artiste à part… entière!

Liza appartient au réseau d’entreprises du “Réseau Paris développent durable“. Elle est en train de faire la démarche de contrôle pour obtenir le “label vert ” un travail long de ré - évaluation de la démarche, qu’elle suit activement “non pas pour communiquer, mais pour apprendre” me confie-t-elle… Cela ne m’étonne pas d’elle!

Car Liza pétille tellement de vie et de créativité que rien ne semble l’arrêter. Si l’on devait inscrire ses créations dans un cadre artistique, Liza appartiendrait à la tendance “art “povera”. Elle participe d’ailleurs au projet artistique éducatif ReciclArte Argentina, avec le soutien des organismes officiels enviromentaux et le soutient de l’Unesco !

ReciclArte Argentina

La créatrice aime également se balader dans les musées - et en fait un point de passage obligé pour les stagiaires qu’elle accueille parfois!!! Afin de transmettre au mieux sa démarche de recyclage, Liza écrit de temps à autres pour le magazine culturel TrovareLAmerica.org et transmet ainsi un regard intéressant sur la France, la mode, mode costumisée ou “trash mode”!

Liza est donc artiste à part entière… dont la boutique et les créations incarnent un vecteur original et drôle pour faire “passer le message écolo”… Sa démarche n’a pas été forcément très comprise au début, mais elle est aujourd’hui affiliée à la Fédération de la Mode, comme créatrice de recyclage, au salon Paris Prêt a Porter avant que n’existe le RDV So Éthique, l’Ethical Fashion Show…Green Berlin, White Milan…Who’s Next…Court Circuit… “oh la c’est dur” me dit-elle en rigolant à la fin de l’énumération !

La carte de téléphone devient barette

Question tendance enfin, elle espère que l’éthique et le bio ne resteront pas “une tendance” justement, mais une vraie réalité à terme. Pour elle l’essentiel est de croire ou être crédible… pour être tendance, d’avant garde, “on doit changer… essayer….inventer…sans arrêt …la pièce unique doit être une collection et objet de désir pour son côté respectueux de la planète… Il y a beaucoup d’obstacles pour suivre les “règles” mais on arrive toujours“… Et Liza, c’est sûr, y arrive bien !! Sauf quand la Star’Ac, récemment installée en bas de chez elle, l’embête tous les samedis soirs! Vous pouvez d’ailleurs la soutenir en rejoignant le groupe facebook réunit contre la présence de l’émission de TV réalité rue Charlot, dans le marais!