Magazine Culture

La France en Europe : le temps, la vraie « rupture » de Sarkozy

Publié le 18 juillet 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

EDITORIAL RELATIO par Daniel RIOT

Il n’a pas enfourché de vélo, mais il a fait « son » Galibier ! Dur, dur, de suivre les pas de Nicolas Sarkozy, aussi hyperactif qu’omni présent. Superman à l’Elysée : A vous couper le souffle ! Mais à quoi « marche-t-il », docteur, pour courir aussi vite et (déjà) aussi longtemps, sans ces pauses que … même le Créateur s’imposait le septième jour?

Les vertus aphrodisiaques du pouvoir conquis avec brio, les dopages de la convoitise satisfaite, de l’ambition couronnée et de la concupiscence jamais assouvie n’expliquent pas toute cette énergie folle, dépensée et dispersée… Le jus d’orange non plus.  Même pour un modeste observateur curieux de tout et soucieux de comprendre (un peu) ce qui se passe dans ce « beau et grand pays », cet « homme pressé » finit par oppresser. Le « style Sarko » reste d’abord un « mystère Sarko ».  

En plus, il est bon, le bougre ! Génial, à sa façon. Génial, non comme le cheval qui écoeura Musil du journalisme, mais comme ces êtres qui répondent, dans leurs champs d’action,  à la définition de Paul Valéry : « le génie est une habitude que prennent certains ».

Avec cet art du politique, joueur d’échecs en pleine réussite,  qui sait toujours avoir un « coup d’avance ». Avec cette intuition du chasseur, jamais à court ni de munitions et ni  d’inspiration,  qui réussit à atteindre ce qu’il vise même quand sa cible paraît hors de portée.   Avec ce magnétisme envoûtant du prestidigitateur  fascinant qui finit non par surprendre, mais par prendre. Avec ce charisme si peu définissable …

Cette « bête de scène » excelle dans tous ses jeux de rôles (y compris dans celui de la sincérité travaillée, de la spontanéité calculée et de l’improvisation préparée a su, comme quelques prédicateurs américains, adapter les recettes classiques des « meneurs d’hommes », des « guides des foules » aux impératifs cathodiques des « enfants de la télé »…

Pour couronner le tout, il a toutes les vertus dont la France avait besoin pour sortir du chloroforme chiraco-jospiniste : le « ronfleur du G8 » nous faisait perdre du temps à force de chercher à donner du temps au temps, en oubliant que le temps pourrit autant qu’il guérit tout. Lui, avec ses piles  d’un « lapin Duracel » atomique,  lutte contre le   temps en défiant Chronos.

Le rapport au temps, voilà la vraie rupture : l’instant qui vient compte plus que celui qui passe.

Dans cette ère de crise généralisée de notre rapport au temps, « Sarko- le- pressé » arrive à point, en mode, pile poil dans « l’air du temps » : instantanéité érigée en déesse, impatience généralisée, difficultés de concilier les temps politiques, médiatiques, judicaires …Plus de promenade, des « joogings ». Plus de voyage : des déplacements. Plus de réflexions : des réflexes. L’édité prime le médité.

A la tête de l’Etat, cela n’a pas que des avantages. Vieux dilemme  de la vitesse et de la précipitation. Les lois ? Passage en force. Tant pis si le temps n’est pas pris pour bien les préparer, les étudier, évaluer toutes leurs conséquences. Les initiatives diplomatiques : audacieuses, et courageuses même, mais que de fois, déjà, en deux mois, n’a-t-on pas mis en avant l’excuse de la rapidité si cultivée et de l’efficacité si célébrée pour se laver de quelques pêchés et maladresses…

« Tout s’est fait si vite ! », a soupiré la secrétaire d'Etat  aux affaires étrangères et aux droits de l'homme, Rama Yade,  comme pour expliquer qu’elle n’a pas pu rencontrer les associations tunisiennes des doits de l’homme quand elle accompagnait Sarkozy à Tunis.

« Tout s’est fait très vite », ont expliqué nos diplomates pour calmer l’agacement des Allemands pris de court  lors d'une rencontre des ministres des affaires étrangères des Etats membres méditerranéens de l'Union européenne à Portoroz en Slovénie, le 6 juillet. Sans avoir consulté Berlin, Bernard Kouchner, a présenté une lettre visant à remettre des recommandations, au nom des Etats méditerranéens, à l'ex-premier ministre britannique Tony Blair pour sa nouvelle mission de paix au Proche-Orient.

Il n’avait pas eu le temps non plus de prévenir Javier Solana qui, en dépit des honneurs  dont il a fait l’objet lors du 14 juillet à Paris est plus que contrarié par la diplomatie du « cavalier seul » français. Il l’a dit en termes polis dans une ITW à La Croix : « Si nous voulons être utiles, il y a des mécanismes plus efficaces que des lettres ouvertes pour faire avancer la politique étrangère de l’Union européenne »

« Tout s’est très vite », a-t-on fait savoir pour expliquer aux négociateurs de l’Union européenne  qu’ « on » n’avait pas eu le temps de les prévenir de la mission de Cécilia à Tripoli. Comme d’ailleurs, en pleins G 8, le président n’avait pas eu le temps de prévenir ses partenaires européens qu’il proposerait unilatéralement un délai de six mois avant de se prononcer sur le statut futur de la province sécessionniste serbe du Kosovo, un dossier actuellement en pleine négociation à l'Onu…

« Très vite », cela peut encore aller : Le Super- Président est encore dans une période probatoire (pardon « d’état de grâce »). Mais attention : le « trop vite » serait  plus difficile à rectifier… Ah ! ce temps ! On a beau travailler plus, on n’en gagne pas davantage…

Daniel RIOT


Retour à La Une de Logo Paperblog