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Lire sur la plage

Par Thibault Malfoy
Comme chaque été, le magazine Lire propose dans son numéro de juillet-août les extraits d'une quinzaine de romans à paraître fin août pour la rentrée prochaine. Pour la plupart, ce sont les livres d'auteurs qui ont déjà leur public et dont le nom sur une couv' fait toujours vendre (Amélie Nothomb, les Poivre d'Arvor, Dantec, etc.). Ce sont d'ailleurs les mêmes que l'on retrouve d'une année sur l'autre dans le numéro d'été de Lire. Un rythme de publication digne d'un métronome, et parfois avec la monotonie qui va avec. Dommage qu'on n'ait pas droit à des extraits de premiers romans, ce serait déjà plus intéressant.
Outre cette sélection d'extraits, on a droit à une enquête sur la correspondance des écrivains et ce qu'elle révèle d'eux. A ce propos, François Busnel commence son éditorial d'une manière on ne peut plus consensuelle :
"La correspondance, dit-on, est un genre menacé. Voire ! Jamais n'ont été publiées autant de correspondances d'écrivains. Les courriels et les SMS ont, certes, largement pris le relais de la plume et du papier mais l'honnêteté pousse une fois encore à ne pas céder au déclinisme à la mode : que l'on se rassure, la lettre, la missive, dans ce qu'elle exprime de plus profond, demeure."
Soit. Mais les correspondances que l'on publie de nos jours sont celles d'écrivains qui appartiennent (déjà) au passé, et qui n'ont pas connu l'accélération exponentielle du rythme de vie induite par les nouvelles technologies. Car, au risque d'enfoncer une porte ouverte, il est peut-être nécessaire de rappeler qu'a priori, les correspondances sont des publications posthumes. Quid de la correspondance en ce début de XXIème siècle ? Qu'en restera-t-il pour les générations à venir ?
L'ère numérique est éphémère : c'est le prix de son dynamisme. Les nouvelles formes de communication brassent un tel volume d'informations, à une telle vitesse, que le charme d'une correspondance épistolaire (proportionnel à la distance spatio-temporelle séparant les deux correspondants) est annulé par l'instantanéité de l'échange. Et il en va de même pour la valeur que l'on accorde à cet échange, dont les avatars numériques (SMS, chat, courriel) se parent d'une certaine frivolité dans leur effervescence. Ainsi, François Busnel rattrape son entrée en matière en rappelant que les lettres "apportent du répit dans un monde où tout s'accélère ; elles remettent à sa place la durée du voyage ; elles invitent à redonner du temps au temps". C'est ce rapport au temps que n'entretient pas le courriel (et encore moins le SMS, si tant est qu'on puisse accorder, à l'instar d'Eric Orsenna, une valeur au "style SMS"). Dès lors, sa valeur expressive en est menacée.
Cependant, contrairement à François Busnel, je ne pense pas qu'il faille opposer correspondances numérique et sur papier : il s'agit plus à mon sens d'évolution du genre épistolaire que d'opposition de deux pratiques radicalement différentes. Le paradoxe numérique veut hélas que les avantages du progrès - transmission quasi-instantanée et sûre, possibilité d'archivage de la correspondance - scelleront peut-être l'histoire du genre épistolaire dans ce qu'il exprime de plus profond.
Pour en revenir au magazine Lire, c'est un peu cette problématisation qui manquait pour étoffer une enquête somme toute honnête.

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