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Les dossiers

Publié le 08 octobre 2008 par Frogetech

135° jour

11h, synthèse du projet, salle Flaubert.


Les dossiers

 

Tous les membres de l’équipe ont le sourire : vraisemblablement, la présentation avec le client s’est déroulée sans anicroche. Le bruit court même qu’il s’est fendu de quelques mots de félicitation. Bref, l’ambiance plafonne dans une joviale détente quand arrive le chef de projet :

- Bien, les gars, je pense qu’il est nécessaire de faire le point, histoire de recentrer l’action. On a vécu des moments tendus ces dernières semaines, mais ça a payé. C’est au nom de la direction que je vous adresse des remerciements. Grâce aux efforts de tous, le client est pleinement rassuré, bref tout va pour le mieux.

Là, le gars a sorti sa peau de chamois des grands jours. Passez brosse à reluire, il nous prépare un petit coup foireux, et personne n’est dupe. On sent d’ailleurs un changement dans la salle, à tel point que la pression barométrique a chuté brutalement.

- Cela étant, les délais tiennent toujours. Comme vous le savez, on a pris du retard sur le reste du projet et la « dead line » n’a pas bougé. C’est pourquoi j’ai tenu à réunir tout le monde : il n’est pas question de passer en mode détente, il reste pas mal de tâches à accomplir et notamment toute la documentation du dossier est à monter rapidos. Les gars de la fab sont venus à la relance dessus, ils attendent après nous !

Dans un souci de confort pour le lecteur, j’édulcore la suite du discours : rien de nouveau sous le soleil !

Pour être honnête, notre manitou n’a pas tout à fait tort de relancer ses ouailles sur le sujet dossiers. Soyons réalistes : connaissez-vous quelqu’un suffisamment tordu pour se précipiter avec enthousiasme sur une session de remplissage de paperasses, aussi indispensables soient-elles ?

Et pourtant, il faut y passer, ne serait-ce que pour le bon déroulement de la suite des opérations. J’imagine mal nos lointains amis de la fab se lancer dans une mise en production d’un quelconque produit sans l’aide d’une quelconque GNAO (et voilà : encore un machin-truc en AO).

Sauf que, il faut bien le souligner, notre système de dossiers informatiques – comme, je l’imagine aisément, la majorité de ceux existants dans le monde – pousse plus souvent son utilisateur à commettre l’irréparable qu’à l’utiliser avec bienveillance !

Pour en revenir à notre projet, ceux d’entre nous qui savaient (ou voulaient bien) s’y mettre sans trop de réticence durent faire contre mauvaise fortune. Dans les jours suivants retentirent alors force jurons, entrecoupés de cris et autre onomatopées propres à faire pâlir la plus infernale des tenancières de bordel, ledit système étant réfractaire à toute logique.

Pourtant développé à la base par des être humains – du moins, je me plais à le croire, se sont quand même des « softeux » : retournez en 13e semaine – le logiciel semblait posséder une âme noire réticente à toute approche sensée, tournant en ridicule la moindre tentative de construction cohérente.

Les uns proposaient alors une martingale infaillible, propre à contourner les sécurités diverses empêchant une quelconque validation trop hâtive, tandis que d’autres se bornaient à faire au plus court, reportant le reste de la charge chez les collègues de la fab : solution « scotch et bout de ficelle », puisque qu’invariablement le boomerang revenait dans les dents à mach 2.

Bon an mal an, les dossiers se montèrent avec quelques trous ça et là, mais nul n’est parfait.

La satisfaction des rescapés faisait plaisir à voir, jusqu’au moment où l’invisible responsable-expert GNAO jugea bon d’informer la communauté via une note laminaire (du verbe laminer) :

« … la saturation des disques réseaux liée à un trop grand nombre de connexions simultanées nous a obligé à couper toute transaction depuis deux semaines. Le traitement des dossiers a donc été suspendu le temps de mettre en place de nouveaux serveurs ainsi qu’une nouvelle procédure : dorénavant, toute demande de création de dossier devra passer par votre correspondant GNAO local, qui supervisera le montage via une cellule spécialisée …»

Bref, tout le boulot effectué était caduc, et de surcroît nous apprîmes qu’il n’était plus nécessaire de procéder par nous même, et qu’il y avait des gens payés pour le faire !

Tiens, une parenthèse, ça faisait bien longtemps…

Avez-vous noté la faculté innée que possèdent certains de nos collègues dans l’évitement de ces corvées que sont les tâches de gestion ? Ils ont pourtant suivi la même formation que nous tous – mais si, souvenez vous, il était juste à la table voisine – et pourtant affirment avec un aplomb inébranlable n’y rien comprendre, confortant leur mauvaise foi par un alibi des plus douteux : de toute façon, je ne ferai que des co….ries, et tu passeras plus de temps à les corriger qu’à faire tout de suite le boulot ! Bien entendu, ce sont souvent nos responsables, ceux là mêmes qui sont chargés de réaliser ce type de travail. No comment 

Chut ! Refermons doucement…


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