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La crise financière ou la délinquance en col blanc

Publié le 09 octobre 2008 par Unemarocaine

AS : installez-vous confortablement c'est assez long.

Crise financière ou délinquance en col blanc. Je pourrai dire aussi ils ont joué, ils ont gagné pour eux et perdu pour les autres et nous devons tous autant que nous sommes payer ! Vous ne trouvez pas que c'est une bande de malins ces ******.

Reprenons depuis le début.

L'élément déclencheur de la crise : les subprimes (crédits hypothécaires)

Tout a commencé été 2007 aux USA quand des débiteurs ayant acheté des biens immobiliers ont déclaré leur incapacité à honorer leurs échéances. Ce n'était pas de leurs fautes mais la faute à ceux qui leur ont octroyé des crédits tout en sachant pertinemment que ces foyers sont insolvables ! Pourquoi ces établissements crédits ont agi de la sorte ? Question légitime. Personnellement, le jour où je me suis amusée à aller voir mon conseiller bancaire pour connaitre le montant de crédit qu'il pouvait m'octroyer si je voulais investir dans l'immobilier. Sa première question avant même de faire les différents scénarios possibles était quelle est votre situation ? Sous-entendu quelles sont vos garanties pour le remboursement de cet emprunt ? Comportement normal de la part d'un banquier surtout en Europe où Bâle II est en cours de mis en place (horizon 2012).

Pourquoi alors les établissements de crédits américains, entre autres Frannie Mae et Freddie Mac, ne se sont guère souciés des règles prudentielles élémentaires ? La réponse est cynique : ils savaient qu'ils n'allaient pas garder ces crédits foireux, et encore je suis gentille !, dans leurs portefeuilles. Alors pourquoi se casser la tête avec leur recouvrement ? Dans la planète finance, les pigeons ce n'est pas ce qui manque...

Question suivante : comment en est-on arrivé là ?

D'emblée, deux niveaux de réponse :

Niveau 1 : on est parti du postulat idiot certes mais intégré par tous les acteurs de ce délire généralisé selon lequel le prix de l'immobilier augmentera indéfiniment ! Et comme si ce n'était pas suffisant les prêts ont été octroyés avec des taux variables. Quand la bulle immobilière a atteint ses limites, le montant des mensualités augmentaient taux variable oblige. Arrivé à un certain niveau, les débiteurs ne pouvaient plus rembourser leurs crédits. S'ensuivaient les saisies. Sauf que trop de biens immobilers sur le marché a fait que les preneurs se faisaient rares !

Entre temps, ces établissements de crédit ont transformé ses emprunts foireux par voie de titrisation en packages dont personne ne connait réellement le contenu et les ont vendus à des banques d'investissement, des fonds de pensions et à tous ceux qui sont avides d'argent facile et rapide. En droit, cela s'appelle le "dol" autrement dit tromperie en l'occurrence sur l'objet du contrat. Les assureurs ne voulant pas être en dehors de la fête, on assurait ces packages sans connaître réellement le contenu de ce qu'ils assuraient. Ayant travaillé chez un grand assureur français, j'ai encore du mal à comprendre comment on a pu laisser faire des conneries pareilles ? Solvabilité II certes ne s'applique qu'aux européens mais la loi Sarbanes-Oxley dite SOX c'est suite entre autres au scandale ENRON qu'elle a vu le jour. Je ne comprends rien ! Pour camoufler le tout, les montages financiers étaient compliqués et ceux qui les ont achetés, les ont mis mis hors états de synthèse. Ni vu ni connu !

Niveau 2 : si ces établissements ont pu se comporter ainsi c'est aussi parce que le dollar a été très bon marché. Ben oui, pour aller jusqu'au point de prêter à des foyers insolvables c'est que l'argent était en abondance. Pour en comprendre l'origine, il faudra remonter au 11 septembre. Euuuuuuuuuuuh oui. Après les attentats du 11 septembre, il fallait éviter une crise financière. Vous imaginez les montants que les assureurs ont dû payer. Afin d'éviter un crak boursier, des liquidités ont été mises sur le marché en abondance. Mais cette décision à elle seule ne justifie pas ce dollar très bon marché. Le gouverneur de la Fed avait décidé de maintenir les taux de crédit à un niveau très bas. Le déficit budgétaire américain ainsi que la balance commerciale américaine en sont pour quelle que chose.

Les origines de la crise financière :

Croire que la crise des subprimes est la seule responsable de la crise financière qui secoue l'économie mondiale c'est se tromper royalement. Les subprimes ne sont que l'aboutissement d'un long processus démarré dès les années 80 par Reagan aux USA et Thatcher au Royaume Uni (toues les deux atteint d'Alzheimer ils ne souviennent de rien !), accéléré par la chute du communisme et l'apparition du capitalisme financier qui est devenu de plus en plus agressif. Mais reprenons un par un.

La doctrine reaganienne :

1981 Reagan arrive au pouvoir. Il décide alors de renouer avec Cooldige, John Calvin de son prénom, président américain entre 1923 et 1929 comme par hasard ! L'idée centrale est que l'Etat ne doit pas intervenir dans l'économie. Idée structurante dans la vision économique du parti républicain. La fameuse devise "le marché se régulera tout seul". La déréglementation et la dérégulation ont ainsi pris le dessus. C'était la grande mode des années 80. Les pays qui ont été contraint par le FMI d'appliquer le plan d'ajustement structurel (PAS) entre autres le Maroc suite aux crises des années 70 ont été aussi assujetis à cette politique des "D" comme elle a été surnommée. Une p'tite précision, certes Adam Smith a parlé de la fameuse "main invisible du marché" mais il en a parlé dans le contexte de l'économie artisanale et était loin d'être un apotre du capitalisme sauvage (dixit ces deux ouvrages Théorie des sentiments moraux et la richesse des nations).

Le capitalisme financier :

Avec la chute de l'URSS et l'accélération de la mondialisation des échanges, des spéculateurs financiers de plus en plus agressifs ont vu le jour. Un exemple illustratif de ce monde de fous dans lequel nous vivons, les sociétés côtées en bourse sont obligées de publier leurs résultats tous les trimestres ! Encore une nième fois, ceci n'étant pas suffisant, cette nouvelle race de spéculateurs-prédateurs qui a proliféré sur les places boursières exigent des sociétés dans lesquelles elle détient des parts des résultats spectaculaires en gros à 2 chiffres et ce tous les trimestres ! En plus clair, pour ces sociétés côtées en bourse, il relève de l'impossible de mettre en oeuvre une stratégie à long terme. Ces sociétés ont été donc obligées de garder le nez dans le guidon. A-t-on déjà vu des arbres poussés en 24 heures ? Ben c'est ce qui a été demandé. Tout cela au su et à la vue de tous. Les résultats spectaculaires affichées par certaines boites ont été même applaudies. 

Les traders s'intéressent uniquement à l'argent. Tout le reste, les entreprises et les personnes qui y travaillent, deviennent des objets de spéculation. L'argent qui rapporte de l'argent pour de l'argent. En dialècte marocain "تقمّارت" (= le flambage) avec tous ses symptômes et ses risques dont on paie le prix actuellement simples citoyens que nous sommes. C'est d'autant plus facile que les sommes engagées n'appartiennent pas à ceux qui les misent ! Le tout ne représentant que des chiffres et des courbes absraites qui défilent sur des écrans.

Dans le secteur bancaire, sa partie banque d'investissement et asset management, cette appellation me fait marrer elle veut tout simplement dire gestion d'actifs, les traders cherchaient à réaliser des profits colossaux à n'importe quel prix. Tout le monde le savait, la finance internationale (le volume des flux monétaires) dépassent largement l'économie réelle et ses besoins. Mais qu'à cela ne tienne, continuons cette course folle vers le profit rapide et facile. Sauf que la réalité finit tjrs par rattraper. La preuve les banques se recentrent et surtout s'appuient sur leur métier de base autrement dit sur leurs banques de détails.

Incompétents et pourtant bien rémunérés :

Parmi les règles imposées par la bulle financière c'est la culture de résultat poussé à son paroxysme. Tout doit être rentable. Les entreprises ont été découpées en centres de profit et de coûts. Ces derniers devant être, bien évidemment, réduits en maximum. On a poussé le cynisme au point de fermer des sites qui étaient rentables sur les continents européen et américain parce qu'on pouvait réaliser des chiffres encore plus importants en Asie, Afrique ou Amérique latine. On a testé en fonction des recettes et surtout des modes des recettes sans se soucier des conséquences sur les personnes qui créent de la valeur dans ces entreprises (la valeur un autre mot débarqué de la planète finance et imposé aux entreprises). Il s'agissait des fois du reenginering, du management de la qualité, des fusions-acquisitions etc... etc...

Les maitres mots étaient et demeurent la performance et la rentabilité. Paradoxalement, quand un PDG montre une incompétence avérée qui a mené la boite droit vers le mur, il n'était nullement inquiété. Bien au contraire, il était récompensé ! Les stocks-options et les parachutes dorés leur garantissaint des départs des plus confortables. Même en période de crise, certains d'entre eux n'ont pas froid aux yeux. Le cas du DG de Dexia en est un exemple illustratif. Je suis tombée des nus quand j'ai appris que Bercy était obligé d'exiger qu'il renonce à ses 300 millions d'euros d'indeminités de départ alors même que la banque était au bord du gouffre et avait besoin de 6,3 milliards pour la renflouer. On aura tout vu...

Je recommande à ceux intéressés par le management et la gouvernance des entreprises l'excellent bouquin de Henri Mintzberg intitulé "des managers des vrais ! Pas des MBA".

Pour info, dans les années 80 la différence entre le salaire d'un employé et celui d'un DG était de 1 à 20. Actuellement, elle est de 1 à 200 dans certains cas c'est carrément le double de 1 à 400. En outre, la rémunération du travail a progressé de seulement 1,2%. Celle du capital de 40%.

Le génie des auteurs de la crise :

Ce génie réside dans cette fabuleuse idée d'embarquer tout le monde dans cette course folle au profit. L'économie mondiale, ou le colosse aux pieds d'argile, est batie comme un château de cartes où le mot interconnexion et complexité prennent tout leur sens. ll suffit de retirer une pièce maitresse pour voir le tout s'écrouler (le cas de l'assureur AIG ou la banque Lehman Brothers). Ils ont monté leurs anarques comme une arraignée qui tisse sa toile autour d'une proie. Tout le monde est pris au piège.

La solidarité inversée ou le dindon de la farce :

Dans tous les cours d'économie, de gestion et les séminaires de management que j'ai suivis (et Dieu sait qu'ils sont nombreux), on m'a tjrs expliqué que ce sont les riches, par le biais des impôts, qui étaient solidaires avec les pauvres. Avec cette crise financière, je découvre stupéfaite que c'est à nous simples contribuables qui nous levons le matin pour quelques misérables milliers d'euros qui devront être solidaires avec ces délinquants en col blanc qui ont déclenché cette folie furieuse. Mais, on marche sur la tête ! Dans quel monde vivons-nous ?! Ce qui est encore plus révoltant c'est de savoir que ces délinquants ont empoché,des commissons pour le cas des traders, des salaires, des stocks-options et des parachutes dorés pharamineux. Et qui doit payer l'ardoise des renflouement des banques américaines et européennes ? Eh ben c'est tout bonnement nous simples contribuables. Ca me met mais hors de moi. Moi qui devrais me taper un crédit sur 30 ans pour un miniscule appart ou pavillon je dois payer les erreurs d'incompétents qui se sont offerts des apparts donnant sur central park ou des villas sur la côté d'azur, la toscane ou je ne sais dans quelle autre paradie. Mais de qui se moque-t-on ?

Dans les années 90, la déroute de Crédit Lyonais français a coûté quelque 260 millions d'euros. A l'époque ce chiffre avait fait scandale. Actuellement, on est passé à la vitesse supérieure : les milliards. On a calculé un ratio de 2000 euros par français pour éponger cette débacle. Je vous laisse imaginer quel serait le montant par habitant pour chaque pays européen et pour le contribuable américain.

Autre point, conséquence de crise inéluctable est le resserrement de crédit ou le credit crunch. Les conditions d'octroi de crédits seront de plus en plus difficiles. Qui dit resserrement de crédits dit ralentissement de l'économie. En France, on est déjà entré en récession et depuis un certain temps. Le gouvernement a toutefois, par le biais d'Eric Woerth ministre du budget, parlé de récession technique avant de se reprendre et parler de "croissance négative" ! Waaaw quelle belle trouvaille...

Quelques chiffres (je précise qu'au début de la crise je relisais les chiffres histoire de m'assurer si c'était bien des milliards et non pas des millions. Réflexe de pauvre sûrement !!!)

On parle du plan Paulson qui se chiffre à 700 milliards de dollar afin de sauver l'économie américaine. Auquel il faut rajouter les 200 milliards injectés à part égale dans Freddie et Frannie. Ainsi que les 70 milliards injectés dans le plus grand assureur au monde AIG (75 millions d'assurés et 1050 milliards d'actifs). Au total, on arrive à presque 1.000 milliards.

En Europe, la cacophonie est totale. Même l'union économique monétaire est loin d'être réalisée ! L'Irlande a ouvert le bal en déclarant garantir totalement les dépôts de ces 7 banques. L'Allemagne qui avait critiqué cette décision a fait de même quelques jours après. La France n'est pas en reste. J'avais cru, naive que je suis, que les caisses étaient vides (déclarations et du premier ministre et du président pas plus tard qu'en début de cette année). L'espagne débloque 30 milliards pour faire face à la crise. L'Angleterre étudie la possbilité de nationaliser certaines banques. Vous avez bien lu. Dans le berceau du capitalisme "moderne" on songe à nationaliser certaines banques. L'Islande a  procédé à la nationalisation de la deuxième banque du pays, Landbanski, après celle de Glitnir. Le président russe russe Dmitri Medvedev a promis quelque 26,7 milliards d'euros de crédits aux banques pour consolider leurs fonds propres. Tiens un article intéressant au regard de ces nationalisations à tire larigot. 

Je ne sais pas pour vous mais moi ça me donne le tournis ! Le fameux réflexe de pauvre...

Les bourses : panique à bord !

Si les bourses européennes et asiatiques, après Wall Street, plongent. A titre d'exemple, le CAC 40 a affiché lundi (06/10) son taux le plus faible -9% en 20 ans càd depuis sa création en 1988. La bourse de Tokyo quant à elle s'effondrait ainsi de 7,32% mercredi après-midi, une des plus grosses chutes de son histoire. Je disais si les bourses plongent c'est que malgré les mesures prises par les pouvoirs publics, le marché interbancaire est quasiment paralysé. En plus clair, les banques ne se prêtent plus entre elles. Chacune d'elle se dit "si moi j'ai  blanqué des cadavres les autres banques l'ont fait aussi..." Vive la confiance !

La crise financière et moi :

J'avais commenté ici et cette crise. 7didane qui selon ses propres mots "il m'aime bien et je suis sa blogueuse préférée" m'a conscaré un billet. Je ne vais pas raconter ma vie. Mais compte tenu de la nature de mon job et du secteur d'activité dans lequel je travaille, je dirai que cette crise a des répercussions directes sur ma vie professionnelle. Pour résumer : qui dit projet dit budget et qui dit crise dit diminution des coûts et donc des budgets. Le lendemain de mon retour du Maroc, croyant avoir échappé à la réunion hebdo, j'ai découvert manque de bol qu'elle était reportée au jour de ma reprise. Une fois le tour de table relatif aux dernières nouvelles sur le projet terminé, le message transmis est "jusqu'à la fin de l'année nous avons une visibilité sur le budget (normal il a été chiffré et bloqué en 2007) en revanche sur 2009 nous n'avons aucune visibilité. Mais une chose est sûre les budgets seront drastiquement diminués". Perso, le contraire m'aurait étonné. Le bénéfice de l'année dernière se chiffrait à 1 milliard et quelques 20 millions d'euros. Le résultat du premier semestre 2008 dépasse à peine les 10 millions !!!

PS : quoi que les officiels diront le Maroc ne sera pas en reste...


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