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Les partis politiques, les élections et la science

Publié le 11 octobre 2008 par Raymond Viger

Les partis politiques, les élections et la science
Pascal Lapointe — Agence Science-Presse

N’eut été des changements climatiques, la science aurait été complètement absente de la campagne électorale. Des recherches sur les gènes jusqu’à celles sur le vieillissement en passant par la culture scientifique des citoyens, les nanotechnologies ou les bactéries résistantes, certains des enjeux les plus lourds de conséquences pour les générations futures ont complètement échappé aux écrans radars.

Par exemple, des mots comme « cellules souches », « clonage » ou « reproduction assistée », n’apparaissent dans aucun des cinq programmes des partis politiques. Même « gènes » et « génétique », pourtant des vedettes, ne reviennent que trois fois, uniquement lorsqu’il est question de promettre un étiquetage des OGM (deux fois dans le programme du NPD et une fois dans celui des Verts). Le décodage du génome humain, les bases de données génétiques et les risques qu’elles posent pour la confidentialité, le brevetage des gènes et bien d’autres sujets, sont donc balayés sous le tapis.

C’est jusqu’à l’adjectif « scientifique » qui n’apparaît nulle part dans les deux plus courts documents mis en ligne (Bloc et Verts), et une seule fois dans les 48 pages de la plate-forme du NPD, lorsque ce parti y promet davantage de recherches scientifiques… pour asseoir la souveraineté canadienne dans l’Arctique. Du côté conservateur, dans les 33 pages du programme publié le 7 octobre, les mots « science » ou « scientifique » ne reviennent qu’en trois endroits, dont un concerne, là aussi, la souveraineté canadienne dans l’Arctique. 

Le programme libéral se démarque : « crédit d’impôt à la recherche scientifique », subvention à la recherche interdisciplinaire; le mot « recherche » revient 36 fois en 88 pages, quoique généralement assorti du mot « développement », comme dans « recherche-développement ». Cela s’ajoute aux promesses partagées par tous ses adversaires : réduction des gaz à effet de serre (les conservateurs sont les moins ambitieux des cinq), investissements dans des technologies « vertes » pour la production d’énergie (tous les partis s’en mêlent), les transports ou la maison, amélioration de la qualité de l’eau et de l’air, etc.

Et c’est dans le Plan vert des libéraux qu’on retrouve cette phrase qui semble taillée sur mesure pour flatter les scientifiques : « nos investissements en recherche-développement vont faire en sorte que les politiques publiques soient toujours influencées par la recherche et les sciences ».

Sur le rôle particulier des scientifiques, le Bloc québécois va toutefois plus loin encore, dans sa réponse à l’une des 10 questions posées aux cinq partis par l’Agence Science-Presse : « que les scientifiques soient à l’emploi de n’importe quelle institution ou entreprise, ils devraient pouvoir exposer librement les conclusions de leurs recherches, afin d’orienter de nouvelles politiques et/ou d’adapter celles qui sont en place à de nouvelles réalités ».

Si le NPD et le Parti libéral ont accusé réception de ces 10 questions, envoyées le 23 septembre aux cinq partis, seul le Bloc y a répondu. On peut lire la version complète ici. http://jevotepourlascience.blogspot.com/2008/03/questions-les-rponses-du-bloc-qubcois.html

Ces 10 questions à teneur scientifique l’entraînent parfois en territoire inexploré : « les cellules souches offrent un potentiel énorme pour aider à mieux comprendre le développement humain et traiter des maladies dégénératives ». Mais la politique reprend vite le dessus : « il est toutefois très important de rappeler la compétence constitutionnelle du Québec en matière de santé, de réglementation et d’encadrement de la pratique médicale et de la recherche à l’intérieur des établissements du réseau québécois de santé ».

Au final, même si l’item « science et technologie » n’est pas un élément négligeable des dépenses gouvernementales (9,2 milliards $ dans le budget 2007-2008), les doléances des scientifiques auront eu peu d’échos pendant la campagne. Les quelques sorties publiques, comme celle du climatologue Andrew Weaver, de l’Université de Victoria, un des coauteurs du rapport du GIEC (le groupe d’étude des Nations Unies sur les changements climatiques), qui a dénoncé les coupes dans la recherche, n’ont eu droit qu’à quelques entrefilets. Si jadis, on disait que les élections ne se gagnent pas avec des prières, aujourd’hui, elles ne se gagnent pas avec de la science!

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