Magazine Société

Robocops et drones, Roméo et Juliette, racailles et gueux, quel Plan Marshall pour les banlieues ?

Publié le 18 octobre 2008 par Jean-Paul Chapon

Trois ans après les émeutes de Clichy-sous-bois, il serait faux et même malhonnête de continuer à dire que rien n’a été fait pour les banlieues et leurs quartiers sensibles. D’accord on peine à reconnaître le Plan Marshall pour les banlieues promis par le Président de la République Nicolas Sarkozy dans le poussif et sous financé Plan Espoir Banlieues porté par sa secrétaire d’Etat à la ville Fadela Amara*. Mais à l’approche de la troisième commémoration ( ?) de ce triste événement, le Monde dans son édition datée du 18 octobre nous apprend que pour les banlieues « la France promeut un modèle anti-émeute d’exception ».
 
« Devant des responsables policiers des pays européens, l’état major de la direction centrale de la sécurité publique française (DCSP) a présenté, mardi 14 et mercredi 15 octobre, au cours d’un symposium réuni près de Lyon sur “les défis des violences urbaines”, son modèle de maintien de l’ordre dans les quartiers difficiles. En recourant de plus en plus à la technologie et en spécialisant ses forces d’intervention, le ministère de l’intérieur met en place un régime d’exception pour les banlieues » écrivent Luc Bronner et Isabelle Mandraud du Monde.

Mobilité des escadrons pour répondre à celle des émeutiers, rapidité, mix d’effectifs en uniformes et en civil, mais aussi Flash-balls, balles en caoutchouc, caméras embarquées sur les véhicules et caméras individuelles agrafées à la poitrine des hommes, moyens aériens, hélicoptères et petits avions, en attendant les drones, sans oublier sur le plan judiciaire « une arme jugée “très efficace” : la possibilité de placer les émeutiers en garde à vue pendant 96 heures - comme pour les affaires de terrorisme. » Bref la police française serait « convaincue de disposer de techniques de maintien de l’ordre lui permettant de faire face à de nouvelles émeutes en banlieue. »

Mais est-ce vraiment ce genre de Plan Marshall que les banlieues attendaient ? Et développe-t-on ce genre de réponse, parce qu’on a abandonné l’idée de chasser la cause de ces émeutes, comme pourraient le faire penser les inquiétudes grandissantes sur la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et sur la poursuite des aides de l’ANRU. Qu’il s’agisse de causes sociales ou même pourquoi pas de voyoucratie et de racailles comme aimait les dénoncer le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, va-t-on désormais assimiler cette délinquance urbaine à du terrorisme ? Et que veulent dire ces gardes à vue de 96 heures ? Car enfin, de quoi et surtout de qui parle-t-on ?

Hier j’entendais sur ITélé le défenseur du meurtrier du jeune Sid-Ahmed, le garçon de 11 ans tué à la Courneuve en juin 2005. D’une façon assez paradoxale il faisait entrer un peu d’humanité dans le débat autour de la violence dans les cités de banlieue. Il comparait l’affrontement entre les deux familles qui se solde par la mort d’un garçon pris entre deux tirs à une version moderne de l’histoire de Roméo et Juliette, une histoire d’amour impossible entre un noir et une beurette, sur fond de « préjugés ancestraux qui pèsent sur les différentes communautés ethniques ». Cela n’est bien sûr pas une excuse des causes de l’affrontement et ne saurait faire oublier la mort d’un gamin. Au contraire, ces « préjugés ancestraux » doivent être combattus, surtout lorsqu’ils peuvent entraîner de telles violences. Mais que l’on est loin de la version à base de guerres de territoires et d’économie souterraine, et du si tristement célèbre nettoyage au Kärcher de la cité des 4000 promis par Nicolas Sarkozy.

Et finalement, cela nous ramène toujours à cette revendication de l’association des maires de Ville & Banlieue, que j’aime relayer sur Paris est sa banlieue, rentrer dans le droit commun, et ne plus être en situation d’exception : être comme les autres et avoir comme les autres. Tout comme cette réponse du maire de Sevran, Stéphane Gatignon, dans l’interview qu’il accordait récemment à Paris est sa banlieue qui s’écriait à propos du Plan Marshall des banlieues, « on n’est pas des gueux, on veut être traité dans le droit commun… le Plan Marshall, c’est quand on rentrera dans le droit commun ! » (
voir la dernière question de l’interview)

Pour revenir à l’article du Monde et au super dispositif anti-émeute, les deux journalistes écrivent que si « de nombreux responsables européens ont salué le haut niveau de performance française en matière de maintien de l’ordre », certains ne cachaient pas leur scepticisme, citant un responsable policier d’un état voisin « la police française envoie des Robocop en banlieue mais ne peut plus parler avec les habitants. Nous, on fait le choix d’envoyer des hommes pratiquement sans équipement pour avoir un dialogue ». C’est peut-être ça aussi rentrer dans le droit commun.

Jean-Paul Chapon

* A propos de l’avancement du Plan Espoir Banlieues, la consultation de liste des communiqués de presse est assez instructive, avec comme thème principal, la rubrique “déplacements” ;-)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jean-Paul Chapon 20 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine