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Little Miss Sunshine

Publié le 16 octobre 2008 par Sylvainetiret
The nickeled feet family
On m’avait parlé de cinéma indépendant, avec manifestement dans le sous-titre : “Tu vas voir, c’est super, sans toute la machinerie et l’aspect commercial des studios”. Moi j’avais surtout entendu “Encore un truc prise de tête, qui s’arrête en queue de poisson histoire de ne pas dire qu’on livre une fin téléphonée”. D’autant que la mise en scène à deux têtes (Valerie Faris et Jonathan Dayton) est bien dans la lignée des oeuvres anthumes des frères X ou Y, de Coen à Dardenne ou Taviani. Juste de quoi donner envie, non ? Mais bon, on est là pour ça. Le Festival de Deauville s’est donné ça comme ligne directrice, alors qu’est-ce qu’on y peut ? Rien d’autre à faire et de toute façon le pass est payé. Alors dormir là ou ailleurs, après tout, pourquoi pas ? Au moins les fauteuils sont confortables et la salle est climatisée. Alors Banco, comme ils disent au casino juste en face. Et là, surprise ...

Affiche France (cinemovies.fr)

Faut dire que ça commence fort : une femme, Sheryl Hoover (Toni Colette), s’engueule au téléphone pendant qu’elle conduit en allant à l’hosto chercher son frère, Franck (Steve Carell) qui doit sortir faute de prise en charge financière après une tentative de suicide ratée. Elle le ramène à la maison pour ne pas le laisser seul. Et là commence la descente en vrille. On fait connaissance avec le reste de la petite famille. Le mari, Richard (Greg Kinnear), se veut coach pour loosers espérant devenir winners et tente de vendre en permanence sa méthode en 9 points dont il a fait un livre qu’il essaie de faire éditer. Le beau-père (Alan Arkin) est hébergé là après son expulsion de la maison de retraite pour comportement inapproprié tant il ne voit la vieillesse que comme l’occasion de donner sans danger libre cours aux plaisirs interdits aux jeunes pour cause de raccourcissement de l’espérance de vie. Le fils, Dwayne (Paul Dano), un ado fan de Nietzsche, a fait voeu de silence pour ne pas crier sa haine de l’enfer dans lequel il pense vivre. La fille, Olive (Abigail Breslin), 7 ou 8 ans, petite binoclarde rondouillarde, a une passion hystérique pour les concours de beauté et attend de savoir si elle a décroché sa sélection pour le prochain Little Miss Sunshine Contest. La réponse positive arrive en plein repas de famille, et après une discussion homérique, tout le monde s’installe dans le minibus familial pour le voyage qui doit conduire en Californie vers le lieu du concours, voyage semé d’embûches pour une famille pieds-nickelés en grandes manoeuvres.

Affiche USA (cinemovies.fr)

On pouvait s’attendre au pire avec un scenario comme ça : un road movie dans la grande tradition du cinéma américain, une critique aigre ou acide de la famille américaine, de la société de consommation, de la promotion du winner face à cet imbécile de looser, du mythe de la jeunesse dynamique face à la vieillesse décatie, de la révolte de la jeunesse ... Evidemment, il y a un peu de tout ça, mais d’aigreur ou d’acidité, point. Juste une comédie intelligente et enlevée où les caractères de bande dessinée se promènent en lisière de la caricature sans jamais réellement s’y perdre.
La mère de famille au milieu de cet ouragan, qui essaie malgré tout de maintenir un semblant de cohésion à sa bande d’énergumènes en goguette a quelque chose de poignant. Le frérot homosexuel éconduit, spécialiste de Proust, et sosie quasi parfait de Nanni Moretti, tiré de sa dépression par les bizarreries de ces olibrius de compagnons de route dans leur minibus Volkswagen jaune comme on n’en voit plus depuis 30 ans, ça vaut son pesant de cacahuètes.
Bien sûr, l’accumulation des mésaventures sur la tête de cette pauvre famille Hoover et sa bonne volonté indécrottable produisent un effet comique certain. Mais pour autant nul besoin d’une quelconque clownerie, les situations se suffisant à elles-mêmes. Enfin, un peu quand même … le numéro d’Olive lors du concours de Miss est un grand moment de ce point de vue. Par contre, le passage du grand-père à l’hôpital a quelque chose de l’accumulation de détails vécus dont l’empilage suffit à lui seul à créer l’impression de caricature. Il y a là-dedans comme un goût de Marx Brothers, même si la veine des comédies italiennes ne peut s’empêcher de ressusciter vers la fin du film.
Belle tentative au bout du compte. Et ce ne seront pas les applaudissements nourris en fin de projection et les mines réjouies des spectateurs à la sortie qui seront des arguments pour penser le contraire.


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