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Niou Ouhorld Ordère

Publié le 21 octobre 2008 par H16

Ça y est les enfants, c'est fini ! La crise est terminée ! Wrap it up, guys, show's over. C'est pas moi qui le dit, c'est la Bourse, Sarko, Fillon, le gouvernement et les médias. Et je peux dire que nous l'avons échappée belle. Grâce aux interventions énergiques et éclairées de nos gouvernants, chaque jour qui passe maintenant nous écarte un peu plus de la catastrophe. Pfiou. Tout va bien. Je vais mettre du champagne au frais, tiens.

Finalement, Ce Pays n'Est pas Foutu. Eh non. J'ai pêché par excès de pessimisme. Ce n'est pas mon genre pourtant : le lecteur habitué de ce blog sait que j'ai toujours balayé d'un revers vigoureux de la main les incessants signaux idiots que le bon sens envoyait, de ci, de là, pour indiquer une décrépitude toujours plus grande d'un pays qui, dit-on, fut jadis glorieux.

Non, maintenant, tout ça, c'est du passé. Il y a bien eu quelques petites contractions gastriques, quasi-intestinales, de la Bourse, mais à présent, on peut respirer : ça repart. D'ailleurs, Christine Gaston Lagarde nous l'a fièrement annoncé : la croissance revient ! Et on peut certainement espérer, dans les mois à venir, le plein-emploi des fonctionnaires de l'ANPE.

Certes, il a bien quelques petits soucis de trésorerie dans certaines collectivités locales et il est vrai que les vertes campagnes de Seine-Saint-Denis riront un petit peu moins, mais il ne faut pas s'attarder sur des détails de la peinture lorsque le tableau général est à ce point enchanteur ! Jugez plutôt : nous avions un petit président triste et méconnu, s'agitant sans cesse pour des broutilles nationales, et ce krachounet lui aura permis, par sa maîtrise et son entregent, de se dévoiler, à notre face ébahie, comme un Homme Providentiel, de celui qui change l'eau en vin et le vin en jus de boudin.

Mais surtout, et c'est ce qui motive ce billet en premier lieux, cette crisounette rikiki aura été l'occasion de démontrer plusieurs choses essentielles.

Premièrement, le néo-ultralibéralisme anglo-saxon, c'est, passez-moi l'expression, de la couille en barre : depuis vingt ans qu'on dérégule à tour de bras, que l'Etat n'intervient plus du tout pour relancer le crédit ou l'accession à la propriété avec des organismes comme Freddie ou Fannie, depuis que les institutions financières planétaires ne sont plus du tout cul et chemise avec les banques centrales toutes puissantes, elles-mêmes totalement détachées de la politique et des gouvernants, on a bien vu ce que ça donnait !

Ah, ils vont avoir du mal à remonter la pente, tout ces cancrelats exploiteurs mangeurs d'enfants pro-capitalistes après cette déculottée magistrale ! Pensez donc ! Cet abruti de Hayek qui, dans les années 30, prévoyait déjà ce qui allait se passer dans les années 40, avec ses théories fumeuses autrichiennes, s'il était encore vivant, il fermerait son caquet, hein, l'ultralibéral ! Et puis, ils sont où, maintenant, les libéraux de salon quand il faut sauver la mise au système ? Plus personne ! Fini ! Envolés, les individualistes en culotte-courte ! D'ailleurs, je ne vais prendre que les exemples les plus parlants de libéraux reconnus, adulés pour leur orthodoxie économique : par exemple Sarkozy qui réclamait il y a un an du subprime à la Française ! Fini, le libéralisme dans son discours ! Ses convictions ont pour le moins changé. Quant aux grands patrons, notamment de banque, qui sont comme chacun le sait les vrais porte-étendards du libéralisme économique (par opposition au politique, vous savez bien, le gentil, celui qui prône la justice sociale à la moraline cadencée), on n'en entend pas un moufter dans le silence gêné des coursives de l'Élysée où ils défilent les uns après les autres pour aller demander l'aumône d'un ou deux petit (milliard de) billets !

Voilà, au moins, ça, c'est fait : le libéralisme, non seulement, c'est moche, mais en plus, on n'en a plus besoin. C'est comme la crise : c'est fini, qu'on vous dit. Ramassez vos blogs, repliez vos petits pamphlets ridicules sur le droit de faire des affaires sans payer des impôts, maintenant, on revient à la réalité !

Et deuxièmement, c'est justement sur ce retour à la réalité que je voulais venir. En effet, vous ne vouliez pas de libéralisme ? Vous crachiez sur ce terme, au travers des édifiants commentaires sur les articles finement ciselés d'un Labération online furieusement tendance ? Vous conspuiez le capitaliste qui sommeillait chez votre voisin, celui-là même qui laissait des commentaires abrutissants sur Vomigorox ? Le libéralisme, c'était pour vous l'ennemi à abattre, l'idéologie nauséabonde par excellence, le terme fourre-tout regroupant les ennemis du genre humain à tendance sociale ?

Eh bien ça tombe très bien ! Vous n'en aurez pas. Et plutôt deux fois qu'une !

Parce qu'avec ce que nous préparent nos élites et leurs opposants (ou ceux-là, encore plus rigolos), vous allez pouvoir tester tout un tas de nouvelles façon de faire de la politique citoyenne et festive, du vivre-ensemble les uns sur les autres, et du je-m'occupe-de-tes-affaires version Grandiose.

Parce qu'il ne faut pas se leurrer : puisqu'avec du libéralisme à dose homéopathique, on provoque une crise qui nous a approché d'une fin du monde catastrophique, il va falloir encore réduire la posologie.

Et les mesures qu'il faut appliquer, évidemment, tout le monde les connaît : les paradis fiscaux, repaires de social-traîtres et de spoliateurs en haut de forme, vont être fermés. Les titulaires de comptes au Liechtenstein, au Luxembourg, à Monte-Carlo ou dans les Caïmans vont se les voir confisquer. Bien fait, après tout. Comme devenir riche, c'est forcément appauvrir des millions de gens, comme être capitaliste, c'est obligatoirement au détriment du droit des plus faibles, les fortunes seront lourdement taxées, à commencer par les successions, puis - et ce ne sera que justice, que diable ! - confisquées. Les biens essentiels à la survie du peuple seront rendus au peuple : les nationalisations seront d'abord encouragées, officialisées, puis rendues obligatoires par l'incurie des capitalistes qui fuiront le navire alors qu'il coule, les félons !

Comme le libre-échange a provoqué tant de malheurs, on brûlera les idioties de Bastiat sur les grand-places, dans de grand bûchers festifs de livres libéraux et pro-libre-entreprise ; la foule, heureuse, dansera autour en fredonnant de fiers chants à la gloire de nos élites socialement responsables.

On fermera les frontières, on ouvrira les postes de douane, on fera péter les droits de douane plus haut que les cours de bourse, qu'on s'empressera de fermer pour éviter la spéculation, ce vilain mot d'un autre âge où le loup était un homme pour le loup... ou l'inverse, peu importe. Ainsi et par exemple, on pourra s'assurer que les pauvres céréaliers européens, puis spécifiquement fraônçais, ne soient pas spoliés par les prix plus bas de leurs confrères africains ; on conservera, éventuellement par les impôts, les taxes, les emprunts d'état et une inflation galopante, des prix élevés : chacun sait que lorsque les prix baissent, les pauvres peuvent manger... Or ça, c'est le début du spectre hideux du libéralisme gluant qui revient à la surface.

Et on vous l'a dit : vous ne vouliez plus de ce méchant libéralisme ! Alors, on va vous l'enlever. Complètement.

...

Et quand vous entendrez des pas cadencés dans votre rue, faudra pas venir vous plaindre.

Franchement, moi, je vous le dis : rien de tel qu'une bonne crise pour remettre les pendules à l'heure et envoyer ad-patres les gens qui placent la liberté au-dessus de l'égalité, qui placent la responsabilité et l'individu au-dessus de la masse et de la socialisation forcée des pertes ! Une bonne crise ? Et ça repart. Et si ça repart pas ? Une bonne guerre, pardi !


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