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Mercredi 10 septembre 2008, retour à Gubbio

Publié le 23 octobre 2008 par Memoiredeurope @echternach

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Je suis toujours heureux lorsque je constate que le travail réalisé avec des porteurs de projets aboutit à l’adoption de buts ambitieux, surtout quand le projet de départ avait des objectifs somme toutes assez classiques. 

Depuis février dernier, nous travaillons avec un ensemble de villes italiennes – dans l’optique de constituer un réseau de villes européennes – pour envisager la réalisation d’un itinéraire reliant la Baltique au cœur de l’Italie. Cette route Lübeck – Rome, sous titrée aujourd’hui « Un parcours historique vers la paix » a posé maintenant ses objectifs. 

Je me suis déjà rendu par deux fois et je dois le dire avec plaisir en Ombrie et dans les Marques pour voir et pour conseiller, pour comprendre et pour préparer la mise en place d’une collaboration et d’une équipe.Après l’été, il était devenu urgent de pousser à la présentation d’un dossier complet qui pose à priori la notion de paix comme un processus jamais atteint, comme un but dont les freins sont clairement identifiés, même si les mécanismes psychologiques sont plus difficiles à détecter.

Autrement dit, il est certainement plus facile de cerner les déséquilibres qui peuvent déclancher la guerre que ce qui conforte la paix.Les concepteurs du projet sont arrivés aujourd’hui à identifier quatre domaines : les conflits ethniques culturels et donc la sauvegarde de la diversité culturelle, les conflits religieux et donc la tolérance et la réconciliation religieuse, les conflits environnementaux et donc la « durabilité » environnementale des transformations faites par l’homme et enfin les conflits socio-économiques et donc la capacité d’harmoniser globalisation économique et identités locales.

Certes le point de départ reste le même : « L‘origine de l’itinéraire Lübeck Rome comme itinéraire de pérégrination vers Cologne, Thann, Gubbio, Assise et Rome est bien documentée. C’est aussi une ancienne route parcourue par de grands personnages (César, Attila, Charlemagne, Barberousse, Otton Ier et Otton II) et, à l’époque du Grand Tour, par les nobles, les savants, les écrivains et les poètes, poussés par le désir de connaissance des lieux antiques, riches en histoire et en art, et de merveilleux paysages. »Une route initiatique en quelque sorte !

Mais en quelques mois, grâce à l’intervention de l’architecte Nicola Savarese qui a relayé Giambaldo Belardi et Maria Vittoria Ambrogi, deux dimensions importantes sont apparues dans la réflexion. 

La dimension virtuelle ou mentale. « En renonçant à l’idée d’un parcours avec un point de départ et une destination finale, il est possible d’imaginer un itinéraire segmenté, c’est-à-dire parcouru en parties, en moments différents et dans un ordre non séquentiel. La ligne qui relie les deux nœuds pourra ainsi suivre des tracés différents et personnalisés. L’unité de l’itinéraire peut revenir dans la mémoire de l’usager, comme lorsqu’on lit un livre ou on regarde un film : nous connectons un de nos voyages à l’expérience vécue par d’autres, avec des motivations différentes. » 

Une autre vision a priori du voyage qui pourrait en effet correspondre à une vision contemporaine du Grand Tour.

La configuration ouverte et processuelle. « La conception polycentrique et réticulaire que nous avons donnée à l’itinéraire suggère deux autres propriétés importantes : tout d’abord la possibilité d’accueillir de nouveaux partenaires et de nouveaux segments (soit entre deux ou plusieurs nœuds, soit, surtout, dans un sens transversal au cours longitudinal du parcours)…La signification symbolique de cet aspect se trouve dans la confluence vers les nœuds – considérée comme le mouvement de rencontre – de nouvelles motivations / aspirations à la paix, exprimées par des communautés et des territoires différents de ceux traversés par l’itinéraire. »

Il y a des moments où, compte tenu de mon âge, je regrette de ne pas pouvoir connaître l’avenir du tourisme européen dont je peux légitimement me demander s’il va vraiment évoluer vers cette initiation à la Paix, par le voyage, non plus pour quelques riches citoyens capables, comme Lord Byron, Johann Wolfgang von Goethe, Washington Irving dont les récits influencent les parcours d’une multitude dejeunes gens bien encadrés, comme en témoigne le délicieux film « Chambre avec vue », mais pour le plus grand nombre. 

Il faut dire que le voyage en chambre de Jules Verne n’a pas perdu de son actualité et que le voyage initiatique, idéal ou réel, laissant plus qu’un journal, aujourd’hui un blog, une interaction par téléphone portable, et la mise en place d’un réseau de voyageurs de la paix connectés à une base de données centrales, sont de nouveau à reconsidérer. 

Au fond de mon passage émerveillé à Orvieto en mars dernier, à la mise au point d’un dossier qui interroge sur le fond le concept d’itinéraire et de parcours, à une époque de crise, j’ai l’impression que je n’ai pas perdu mon temps.D’une vision passionnante mais statique qui ressemblait beaucoup aux parcours de l’Europe que j’ai faits grâce à mes parents et où les Guides Bleus constituait mon viatique, un viatique que je devais nourrir des repères historiques complètement épars qui m’avaient été donnés à l’école et des journaux locaux, je sens venir un idéal participatif qui me passionne beaucoup plus.

Viendra-t-il de cette initiative là ?

Cornelius Castoriadis dans son « Post-scriptum sur l’insignifiance » écrit : « Les institutions actuelles repoussent, éloignent, dissuadent les gens de participer aux affaires. Alors que la meilleure éducation en politique, c’est la participation active, ce qui implique une transformation des institutions qui permette et incite à cette participation. L’éducation devrait être beaucoup plus axée vers la chose commune. Il faudrait comprendre les mécanismes de l’économie, de la société, de la politique, etc. Les enfants s’ennuient en apprenant l’histoire alors que c’est passionnant. Il faudrait enseigner une véritable anatomie de la société contemporaine, comment elle est, comment elle fonctionne. Apprendre à se défendre des croyances et des idéologies. »

Je regrette que Castoriadis ait disparu l’année même de la création de notre Institut. J’aurais aimé lui présenter ce projet de Route vers la Paix.

Vues de Gubio et d’Orvieto


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