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Tombeau de la Dame aux camélias

Publié le 29 octobre 2008 par Frontere

Tombeau de la Dame aux caméliasIsabelle Adjani, une merveilleuse dame aux camélias dans l’adaptation théâtrale fin 2000 (1).

Chères lectrices, chers lecteurs, prenez une œuvre comme « La Dame aux camélias » (1848) d’Alexandre Dumas fils, dont l’héroïne, Marguerite Gautier, confine au mythe, à l’éternel. Au fil du temps avouez que la réception semble n’en être plus la même auprès du public : la demoiselle se serait-elle parfumée entre-temps à l’eau de rose? Le roman serait-il tombé dans la naphtaline? Ou faut-il invoquer la désuétude des bons sentiments? Ce serait oublier la fascination de la deuxième génération romantique, et de l’époque, pour la mort et sa bimbeloterie, son attirail, macabre. Songez à La Comédie de la mort (1838) de Théophile Gautier où dialoguent un ver avec la trépassée qu’il est en train de déguster ou à cet autre ver_s ! (2) de Baudelaire : « Et le ver rongera ta peau comme un remords ». 

En cette période de la Toussaint et de fête des morts, l’opportunité se présentait d’aller effeuiller la Marguerite … ou ce qu’il en reste.

Par recours au procédé de l’analepse cher  à Gérard Genette, la scène se situe en tout début de roman au cimetière au moment de la reconnaissance du corps par Armand Duval, un fils de famille, qui fut l’amant de la belle courtisane :

« La bière était en chêne, et ils se mirent à dévisser la paroi supérieure qui faisait couvercle. L’humidité de la terre avait rouillé les vis et ce ne fut pas sans effort que la bière s’ouvrit. Une odeur infecte s’en exhala, malgré les plantes aromatiques dont elle était semée.

_ O mon Dieu! mon Dieu! murmura Armand, et il pâlit encore.Les fossoyeurs eux-mêmes se reculèrent.

Un grand linceul blanc couvrait le cadavre dont il dessinait quelques sinuosités. Ce linceul était presque complètement mangé à l’un des bouts, et laissait passer un pied de la morte.
J’étais bien près de me trouver mal, et à l’heure où j’écris ces lignes, le souvenir de cette scène m’apparaît encore dans son imposante réalité.
_ Hâtons-nous, dit le commissaire.
 Alors un des deux hommes étendit la main, se mit à découdre le linceul, et le prenant par le bout, découvrit brusquement le visage de Marguerite.
C’était terrible à voir, c’est horrible à raconter.
 Les yeux ne faisaient plus que deux trous, les lèvres avaient disparu, et les dents blanches étaient serrés les unes contre les autres. Les longs cheveux noirs et secs étaient collés sur les tempes et voilaient un peu les cavités vertes des joues, et cependant je reconnaissais dans ce visage le visage blanc, rose et joyeux que j’avais vu si souvent.
Armand sans pouvoir détourner son regard de cette figure, avait porté son mouchoir à sa bouche et le mordait.
Pour moi, il me sembla qu’un cercle de fer m’étreignait la tête, un voile couvrit mes yeux, des bourdonnements m’emplirent les oreilles, et tout ce que je pus faire fut d’ouvrir un flacon que j’avais apporté à tout hasard et de respirer fortement les sels qu’il refermait. »

De profundis.

Nous savons que le roman de Marguerite Gautier et d’Armand Duval est l’histoire, à peine romancée, de la liaison entre Alexandre Dumas fils et Mlle Marie Duplessis qui mourra le 3 février 1847 à 23 ans. À peine un an plus tard Dumas fils écrira ce chef-d’œuvre, et au préalable il composera un poème intitulé sobrement : « M.D. », inclus dans le recueil « Péchés de jeunesse ».

L’un et l’autre, à (re)lire toutes affaires cessantes. Tudieu!

Notes

(1) in Remords posthumes, « Les Fleurs du Mal », Spleen et Idéal, XXXIII

(2) j’ai vu la pièce au théâtre à Paris le 29 décembre 2000


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