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Un Iroquois pour l’écologie et les Peuples Premiers ?

Publié le 30 octobre 2008 par Anne-Sophie

L’espace d’un article je voudrais vous parler de mon idole de jeunesse: le compositeur et interprète Jamiroquai. Adolescent, j’étais fasciné par ce chanteur-interprète qui avait un vrai engagement envers l’écologie et les Peuples Premiers.

L’ascension d’un jeune prodige

Alors qu’il a tout juste 20 ans, le jeune Jason Kay se jure, après une mauvaise expérience de travail, de ne plus jamais rien faire d’autre que de la musique. Décidé, il se présente à une audition pour devenir chanteur dans le groupe de jazz et Hip-Hop “The Brand New Heavies”, à laquelle il se fait recaler. Il décide alors de créer son propre groupe et crée le futur et mondialement connu aujourd’hui “Jamiroquai”. Ce mot vient de “Jam”, en référence à l’improvisation de type Jazz de notre chanteur et de “Iroquois”, la célèbre tribu Amérindienne. Après six mois de répétition, la maquette audio atterrit sur la table du directeur de la maison de disque “Sony Music”. Jason Kay y débarque quelques temps plus tard, skateboard sous le bras et chapeau enfoncé jusqu’au yeux. Le producteur n’en revient pas de se retrouver face à ce “troll” si jeune et demande où est la chanteuse noire à la voix de soul qu’il a entendu sur la cassette. “C’est moi” répond notre prodige.

Le producteur signe et Jamiroquai connaît son premier succès dès son premier opus, intitulé “Emergency On Planet Earth”. Sortie en Juin 1993, l’album enregistre le record des ventes de l’année en Angleterre. La même année d’ailleurs naissant le mouvement appelé “Acid-Jazz”. “Jay Kay” en devient l’ambassadeur et les critiques le compare à Stevie Wonder: ses paroles sont percutantes et engagés, son chant énergique et rythmé, sa danse tribale et unique en son genre, modulé par une musique d’un groove oublié depuis les années 70. Sur scène, un poster représentant un homme avec une tête de bison, dessinés par lui-même*, s’ouvre sur des sons de pluie et des cris d’oiseaux, suivi de solo de didgeridoo : sa musique est un voyage.

En 1993, notre monde commence tout juste à prendre conscience des désastres humains et écologiques graves qui le menace, mais cette conscience est encore faible, les sirènes de la consommation encore très fortes… Pourtant, au début des années 90, le cri de Jamiroquai est entendu.

Un engagement précoce et déterminé

En effet, Jay Kay est engagé sur un plan écologique : il mange bio, annonce publiquement trier ses déchets, faire son compost et retraiter ses eaux de pluie, il défend la cause des Peuples Premiers, milite aux côtés de Greenpeace… Le voyant trop virulent, sa maison de disque souhaite lui coller un producteur dans les pattes pour l’enregistrement de son premier album, mais le jeune homme refuse jusqu’à rompre son contrat et prône la liberté d’expression. De part ses valeurs bien définies, notre artiste, la vingtaine assumée, devient alors l’égérie des jeunes de l’époque. Lui dira simplement : “Je pense qu’il est temps de prendre les choses au sérieux. Il faut confronter régulièrement les gens avec la réalité, jusqu’à ce qu’ils disent ’stop’”. Plein d’hommes politiques veulent changer des choses, mais une fois qu’ils se sont bagarrés et ont réussi à se faire élire, ils s’en foutent en fin de compte. C’est une attitude typiquement humaine.” En Angleterre on titre “le jeune homme en colère”. Lui répond : “Il y a des tonnes de jeunes en colère, des filles comme des garçons. Je ne suis pas le premier et je ne serai pas le dernier. J’ai soudainement la possibilité de parler, de donner mon avis, de faire des interviews. Donc je me fait entendre.”

Caché sous son chapeau, Jay Kay intrigue et joue sur son physique laissant un doute sur de potentielles origines Amérindiennes. Il dénoncera des faits très précis d’actualités lors de multiples interviews télévisés : “Je n’ai pas envie d’être drôle ou ironique, car c’est très sérieux. Les problèmes d’aujourd’hui sont dus à l’ignorance, à l’entêtement et à l’avidité des hommes ; et tant qu’on ne se sera pas débarrassé de ça, on ne pourra pas se débarrasser des problèmes. Si tu arrives à te prendre par la main et à faire quelque chose de positif alors tu peux changer les choses. Il faut changer d’attitude, c’est ça la révolution. Nous devons changer d’attitude.”

À l’heure où la Techno connaît son heure de gloire, un jeune Iroquois, sorti de nulle part, propose une musique qui a du sens et le message passe. Mais quelle histoire à suscité, chez notre chanteur, ces engagements aussi matures que précoces ?

Jason Kay le dit lui-même : “je tiens tout de ma mère“. Son enfance n’est pas rose puisque le jeune homme grandit seul avec sa mère, chanteuse de jazz, sans connaître son père, dont il sait seulement ses origines portugaises. Ensemble, ils habiteront en Afrique, aux Etats-Unis, en Amérique du sud, Thaïland. Habitant au petit bonheur la chance, de cabarets en bateaux, mère et fils atterrissent à Londres, sans un sous. Jason a 13 ans.

Son premier album

Voici donc le clip “When You Gonna Learn ?” (quand aurez-vous compris ?), issu de l’album “Emergency On Planet Earth” (Urgence sur Planète Terre, 1993).

Une petite traduction (assez libre) des paroles :

“Avez-vous entendu les news aujourd’hui ?
Victimes du monde moderne, les circonstances nous amené où nous en sommes aujourd’hui :
Armaggedon arrivera plus vite que prévu,
L’instinct est ce qui sauvera la destinée de nos enfants,
Les conséquences sont si grave, si grave maintenant,
Car nous sommes devenu les esclaves des hypocrites.
Peuples, il faut arrêter cela car nous sommes dépendant les uns des autres,
Des montagnes hautes et des rivières profondes.
Nous devons arrêter ce qui se passe,
Nous devons réveiller ce monde de sa somnolence,
Nous devons arrêter tout cela. Maintenant.
Avez-vous lu les news aujourd’hui ?
L’argent est au menu de mon restaurant préféré,
Ne parlons pas de quantité, il n’y a plus de poisson dans la mer.
Les hommes gourmands ont tués toutes les vies qui existaient jusque là,
Nous devrions plutôt jouer le jeu de la nature ou elle enverra tout en l’air,
Et ne me dites pas que vous connaissez plus qu’elle ce qui est bon ou mauvais,
Nous avons vexé la balance du monde, avons fait ce que nous avons voulu,
Maintenant ma vie est entre vos mains, oui entre vos mains.
Montagnes hautes et rivières profondes, nous devons arrêter le massacre.
Nous devons réveiller le monde de sa somnolence,
S’il vous plait, réveillez-vous. Maintenant !
J’espère que les gourmands de ce monde s’effaceront,
Quand nous aurons tous compris qu’il est temps d’arrêter,
Il n’y a que comme cela que ça peut marcher,
Et je demande alors : quand aurez-vous compris qu’il nous faut arrêter ?
Quand aurez-vous compris ?
Quand aurez-vous compris ?
Quand aurez-vous compris ?”

Le deuxième album

Le premier album est un carton. Jamiroquai enregistre alors son second l’année suivante : “The return of the space cowboy”, où cette fois son goût pour la marijuana y est aussi affiché. Il est aussi moins en colère et parle d’amour.

L’album est musicalement novateur, encore plus extrait du Jazz, et est reconnu à l’international. Jay à changé de chapeau et développe son identité musicale:

Le troisième album

Le troisième album débarque en automne 1996 et est tout aussi génial. Les chansons tropicales teintés de didgeridoo sont aux rendez-vous, les paroles sont toujours très engagés. Le disque se vend comme des petits pains. Son tube, “Virtual Insanity”, est toujours très engagé:

Le futur est aujourd’hui fait d’une folle virtualité,
Qui semble être toujours gouverné par l’amour,
De nos technologies inutiles et étourdissantes.

Toutefois, apparaît un élément contradictoire, et de taille : Jay Kay s’est découvert une passion pour les voitures. Considéré jusqu’alors comme une des personnalités les plus écolos, le voici devenu une des plus polluantes (classé par le magazine britannique “What Car?”). On découvre que Monsieur Kay roule en ferrari, dugati, lamborghini, bref la fortune qu’il a maintenant amassé lui permet de s’offrir une collection de voiture qu’il stocke dans son immense propriété (écolo) des banlieues chic de Londres.

Comme une revanche sur son passé, le jeune homme de 27 ans s’amuse.

La suite…

Le quatrième album ne se passe pas aussi bien que prévu : le bassiste du groupe annonce son départ à la fin de l’enregistrement du CD. Le groupe est contraint de tout réécrire. Au final, une musique plate et décevante, à l’image des suivants, loin de son esprit et de ses valeurs de jeunesse, autant sur le fond (textes), que sur la forme (musique). Jay fait la Une des journaux à scandale, qui se gave de ses aventures alcooliques aux amoureuses puis financières…

Je n’écoute déjà plus Jamiroquai à ce moment-là. Le modèle avec lequel j’ai grandit m’a déçu. Victime de son succès, notre golden boy à rejoint une dimension parallèle où les voitures sont cylindrées et les femmes funkies et sexy. Fini l’écologie et les Indiens, Jay Kay devient un produit infaillible pour les soirées et night-club…

En 2005, “Magazine” titre “The lost boy”. L’artiste approche la quarantaine et semble être en crise…En 2007, les titres annonceront “Jay Kay a perdu son inspiration, il arrête la musique”, ce qu’il démentira aussitôt.

En faisant des recherches pour rédiger cet article, je tombe sur ce clip, que je trouve aussi nostalgique que ridicule:

Seulement l’image exotique de ses engagements est restée. L’énergie authentique “de vérité” est enfouie sous des petites pièces…ou plutôt sous de gros billets. Dommage.

Aujourd’hui, le chanteur a quitté sa maison de disque et annonce qu’il a enregistré un album dans son studio, loin des pressions commerciales. La tenue de ses débuts, qu’il a revêtu lors de ses derniers concerts, seraient-il le signe d’un retour aux sources ?

Cette histoire peut faire réfléchir sur nos propres engagements au quotidien envers l’écologie, la nature… Bref, le respect de la vie et non de l’argent. “Une attitude typiquement humaine” disait-il à ses débuts… Les sirènes sont parfois trop “étourdissantes” et notre passé trop présent… Pour ma part, j’espère que l’écologie restera authentique…à commencer par mes propres attitudes.

++ Notes ++

* Les tueries des bisons en Amérique du Nord a décimé les amérindiens de cette région, notamment les Iroquois.


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