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Samedi 11 et dimanche 12 octobre 2008 : les clunisiens à Gevrey-Chambertin

Publié le 03 novembre 2008 par Memoiredeurope @echternach

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Il y a des noms qui créent un effet d’attraction. Les villes et les villages qui se trouvent situés dans les territoires de grands crus, sont de ceux-là. Par nature, les sites clunisiens les plus anciens ; ceux qui correspondent à la première implantation des Abbés de Cluny correspondent parfaitement à cette renommée. 

Comme l’écrivent les promoteurs de l’anniversaire qui se prépare pour 2010 : « Onze siècles après sa fondation en septembre 909 ou 910 par Guillaume le Pieux, et malgré l’interruption de son activité spirituelle et religieuse en 1791, l’abbaye de Cluny continue de nourrir l’imaginaire européen. Son réseau de filiales (plus de 1400), tissé au fil des siècles sur l’ensemble du continent, en a fait une abbaye ancrée dans la société de son temps, en symbiose avec le monde qui l’entourait. Se projetant dans l’éternité par le culte des défunts, Cluny a ainsi contribué au rayonnement de la connaissance à travers sa bibliothèque, son scriptorium et son école. » 

Il est vrai qu’aujourd’hui, puisque Cluny abrite l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers et que le Directeur a été élu maire de la ville l’an passé, le rapport de la recherche spirituelle, de l’aménagement du territoire dont les moines ont été les premiers promoteurs après les Romains, s’établit très naturellement avec la recherche de la réalité augmentée et de la virtualité. Une grande logique puisque le site même de Cluny a été détruit dans sa plus grande partie. Première grande église d’Occident avant la construction de Saint-Pierre de Rome, l’énorme bâtiment est devenu une carrière à la Révolution française et après. Un merveilleux travail a donc été réalisé pour donner au visiteur aujourd’hui une véritable interprétation, pour ne pas dire la sensation physique d’un site en très grande partie disparu. Et de là, le travail va se poursuivre vers les autres grands parcours clunisiens. 

Il y aura bien sûr des grands événements spécialement préparés pour cet anniversaire ; un rassemblement européen à Moissac, un « Grand Tour » des sites du Royaume-Uni, un symposium au Sénat à Paris, la mobilisation de Payerne en Suisse et de Calw-Hirsau en Allemagne et de multiples expositions et manifestations culturelles.

Mais ces deux jours passés au milieude l’or des vignes, dans l’odeur entêtante du moût et le défilé des vignerons qui signalent la fin des vendanges, m’ont également permis de rentrer un peu plus dans un des aspects des itinéraires culturels qui prend toute son importance ; celui des vignobles. 

« C’est vers 1015 que le seigneur Geoffroy Ier de Semur et son épouse, Mahaut, font don à l’abbaye de Cluny des biens qu’ils possèdent sur les terres de Gevrey. Cette donation est complétée en 1019 par celle d’Hugues, évêque d’Auxerre, qui remet à Cluny l’autre moitié du domaine qu’il possédait. L’abbaye reconstitue ainsi son domaine, qui a la particularité de n’avoir ni prieuré, ni église. Il est néanmoins pillé par les hommes du duc Hugues IV, vers 1250, à titre de représailles contre les moines…En 1257, l’abbé de Cluny s’appelle Yves de Chazan, c’est un Vergy de la branche Beaumont. Il entreprend la fortification de la grosse maison au centre du domaine, qui se poursuivra jusqu’en 1275. » 

Pour abréger ce commentaire que l’on peut retrouver sur le site web de la Fédération, il faut donc comprendre que « Le site de Gevrey présente ainsi la particularité de ne pas abriter de patrimoine monastique, mais des bâtiments qui étaient administrés, au même titre que les édifices religieux, par les moines de Cluny. »

Certes, et un château qui fut l’objet d’intérêts divers puisqu’il contenait un trésor qui allait bien au-delà du vin de messe et qui circulait vers les édifices religieux les plus prestigieux, mais aussi pour l’usage des princes et des empereurs qui en avaient compris l’intérêt de commerce et de prestige, donc de revenu et de pouvoir.

La rencontre entre plusieurs itinéraires se produit là, sur ces coteaux magnifiques dont les « climats » ont été constitués, analysés, mis en place par les moines qui en goûtaient le sol et en mesurait le rayonnement solaire, comme nous l’a expliqué longuement et avec bouteilles de Meursault, de Saint Romain et de Gevrey à l’appui, cet homme extraordinaire qu’est Jacky Rigaux, chargé de mission auprès de l’Université de Bourgogne. Mais j’y reviendrai demain.

Il reste que nous sommes là situés à un moment important.Plusieurs plaques du réseau et de l’itinéraire ont été posées dans un village qui avait oublié même l’existence de cette destinée monastique, pris dans le tourbillon des prix et de la production du vin de qualité. Une sorte de revendication a posteriori par rapport aux sites Cisterciens, plus célèbres et célébrés depuis l’anniversaire de Bernard de Clervaux en Bourgogne.Une conscience européenne qui prouve que même la renommée doit s’enrichir d’une image plus fouillée, établie sur un réseau actuel, avouant des réseaux anciens.

La prévision des mutations économiques et touristiques qui caractérisera l’Europe dans les cinquante ans à venir est aussi une condition à la prise d’un virage essentiel. Comme l’écrit plaisamment Alessandro Baricco : « Il ne pleuvait pas le jour où Noé commença à construire l’Arche. Il y avait un soleil à faire péter les pierres. » Et le jour où les moines ont créé toutes ces richesses de la terre, la globalisation n’allait pas au-delà de Rome, de Jérusalem et de Compostelle.  

J’avais évoqué la cérémonie de remise de mention. Elle m’a fait revenir ce week-end à une sorte de plan de travail où les valeurs premières de l’inerprétation, en dehors des vignobles, sont la confrontation religieuse et géopolitique qui caractérise la fin du Moyen Âge et la manière dont les moines de Cluny structurent aussi bien leur pré carré que les grands chemins de la chrétienté.

Un anniversaire, c’est toujours un moyen de faire voir. C’est aussi un moment pour faire mieux comprendre.


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