Anthologie permanente : Mary-Laure Zoss

En écho à la note de lecture de Entre chien et loup jetés, proposée hier par Antoine Emaz, deux extraits.

          qui tira pour eux à la courte paille à qui verrait les mères tomber de tout leur poids sur leur souffle, et dans la caillasse, les pères flancher à pas de coton ? seraient-ils les seuls à faire tomber la neige sur le dos des cerfs, quand ils escaladent le brouillard ? et eux s’efforcent de gravir le même silence raide, des nuages passent la porte des bergeries, d’un mur à l’autre abattent leurs feutrages blancs, dans cette combe sans mots, ils enfournent leur rêve entre les plans d’avalanches, finissent toujours par trouver un angle où jeter une allumette, faire battre contre la suie le bleu d’une fumée – avec un tel brouillard dans la gorge, quel dieu héler, si loin des hommes ?

          qu’est-ce qui jettera sur nos épaules un pli de laine, nous sauvant du désastre ? la mère aux derniers jours laisse une pensée en miettes entre les meubles, la lampe reste introuvable au sortir de la nuit, maintenant il faut s’appliquer à mieux tasser le temps sous les semelles, qu’on évite l’enfilade des faux-pas dans la parole de plus en plus trouble, sachant pousser plus souvent la porte à deux battants, laisser ce qui gît sur le bas-côté de la phrase, on retourne par saccades aux limites de la neige dans le ciel, les rochers bleus dressent leurs tables pour les nuages, on cesse de se précipiter sur tous les fronts, l’angoisse se détache presque dans l’eau d’un après-midi d’avril, le long d’un quai

Mary-Laure Zoss, Entre chien et loup jetés, Cheyne éditeur, 2008, pp. 64 et 87.

Mary-Laure Zoss dans Poezibao :
biobibliographie, extrait 1, Entre chien et loup jetés (lecture d’Antoine Emaz)

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