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La princesse et la Jument

Par Amaury Piedfer
Les contes et légendes des pays francophones ont préservé à travers les siècles un très vieux fonds celtique, d'une richesse souvent insoupçonnée. Les légendes relatives à la Vouivre, par exemple, sont l'héritage direct de la mythologie celtique relative au monde souterrain, qui comptait beaucoup pour nos ancêtres gaulois. Il est beaucoup d'autres légendes de ce type, qui ont contribué à véhiculer, de génération en génération, tout un imaginaire, une vision du monde, propres aux pays de la Keltia, dont les mentalités sont ainsi en partie structurées par des repères qui ni ne s'achètent, ni ne se vendent.
A travers la publication d'une série de contes des pays celtiques, Entre Guillemets se propose de vous faire (re)découvrir cet héritage, qui montre que ce que nos prédécesseurs avaient longtemps cru perdu est toujours bien vivant, à portée de main ! Pour aujourd'hui, partons vers les Ardennes, ce beau massif au nom bien celtique...
A. L.

Il existe de nombreuses versions de ce récit dont le thème principal est l'aide apportée par des animaux à un jeune héros que lui-même a aidé généreusement. Mais ce thème se mêle à celui de la quête de la princesse lointaine, inaccessible, soit qu'elle soit prisonnière d'un mauvais seigneur, d'un géant ou d'un sorcier, soit qu'elle soit victime d'une série d'interdits magiques. Ici, en réalité, l'écharpe et le collier ne sont que les symboles d'un interdit que la princesse ne peut transgresser. Le héros est en fait celui qui lève les enchantements. Dans certaines versions, la princesse oblige le vieux roi à passer lui-même dans le four, ce qui l'élimine définitivement et lui permet d'épouser le jeune héros. Mais dans ce conte wallon, analogue à un conte de la Lorraine toute proche, c'est la jument féerique qui est choisie par le héros. J'ai publié une version très complète de ce type de conte sous le titre «Saga de Yann » dans la Tradition celtique en Bretagne armoricaine, Paris, Payot, 1975, p. 148-168, avec d'abondants commentaires. Il est remarquable que le personnage de la jument, ou de la femme métamorphosée en jument. recoupe intégralement le mythe celtique de l'Epona gauloise, appelée Khan non au pays de Galles et Macha en Irlande. C'est la preuve que l'Ardenne et ses régions avoisinantes ont conservé de façon très précise les éléments les plus caractéristiques de la mythologie celtique.
La Princesse et la Jument, conte wallon
À Stoumont, autrefois, il y avait un garçon qu'on nommait le Djean. C'était le fils unique d'un couple de braves paysans qui n'avaient pas de fortune. Quand il fut en âge, le Djean quitta son père et sa mère pour aller chercher fortune. Il n'avait qu'un petit sac sur son dos, où il n'y avait pas beaucoup d'affaires. Mais sa mère lui avait donné un gros morceau de pain pour se nourrir pendant son voyage.
Comme il était fatigué, il s'assit sur le bord d'un étang et se mit à rêver en regardant le soleil se refléter sur la surface de l'eau. C'est ainsi qu'il aperçut un poisson qui nageait entre deux eaux et qui s'approcha du rivage. Là, il se coucha sur le sable et ne bougea plus.– Pauvre petit poisson, dit le Djean, il a l'air encore plus fatigué que moi. Si je lui donnais un peu de mon pain, cela le réconforterait. Il tira son pain hors de son sac et en prit un morceau qu'il lança vers le poisson. Celui-ci ouvrit la bouche et dévora le morceau de pain. Aussitôt, il se mit à frétiller, fit deux ou trois pirouettes et, passant sa tête hors de l'eau, il parla ainsi au Djean :– Mon garçon, tu as bon coeur et je te remercie. J'étais épuisé par un long parcours que j'ai fait dans toutes les rivières et dans tous les lacs du pays. Sache en effet que je suis le roi des poissons, et que je dois visiter mes sujets où qu'ils se trouvent, ce qui est parfois bien pénible. Mais puisque tu as été bon envers moi, je te prouverai ma reconnaissance. Chaque fois que tu auras besoin de moi, tu n'auras qu'à m'appeler. Tu diras trois fois : « roi des poissons, viens me voir », et j'arriverai immédiatement. Maintenant, mon garçon, je vais reprendre mon voyage. Au revoir et bonne chance à toi !
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