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Sylvie Goulard:"La jeunesse vit l'Europe comm elle respire"

Publié le 29 juillet 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

SELECTION RELATIO SUR DELTOIDEA: Une ITW de Sylvie GOULARD, Présidente du Mouvement Européen - France, enseignante à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris  et au Collège de Bruges. Des propos recuiellis par Ludovic Fresse

DELTOIDEA : La construction européenne est étroitement liée à la coopération franco-allemande, mais le dernier sommet de Bruxelles a montré qu'un rapprochement avec les nouveaux Etats-Membres, et en particulier la Pologne, était indispensable à une poursuite du processus d'intégration. Comment opérer ce rapprochement dans un contexte politique difficile ?

Sylvie GOULARD : La relation franco-allemande n’est pas exclusive. La qualité des rapports franco-allemands n’empêche pas d’autres liens étroits. De bonnes relations germano- polonaises sont tout à fait capitales en Europe, en raison de l’Histoire et du poids de ces deux pays. Les Allemands et les précédents gouvernements polonais ont accompli de gros efforts tels que la création de l’Office germano-polonais pour la jeunesse, la mise en place de jumelages, d’échanges, de travaux sur la mémoire.

Le contexte politique est rendu difficile par l’actuel gouvernement polonais, qui campe sur des positions marginales et adopte un ton inacceptable.

Ne confondons pas un gouvernement, appelé à passer et l’état d’esprit d’un peuple entier. Nombre de Polonais ont été les premiers choqués par certaines déclarations déplacées  l’encontre de l’Allemagne.  Il appartient aux Français de rappeler inlassablement l’importance de la réconciliation comme préalable à tout rapprochement européen et de souligner aussi, avec gratitude et amitié,  l’extraordinaire contribution politique et financière de la démocratie allemande à la construction européenne. Les faits parlent d’eux-mêmes, en faveur des Allemands ; Mme Merkel a montré ses qualités de femme d’Etat. L’Histoire jugera de quel côté était l’outrance. Sylvie Goulard
DELTOIDEA : L'Europe fait-elle partie, selon vous, des sujets qui transcendent les clivages gauche-droite (clivages qui ont des significations très différentes de part et d'autre de l'ancien rideau de fer) ?
Sylvie GOULARD : C’est incontestable. Le débat partisan est nécessaire mais les partis de gouvernement ont le devoir de préserver le cadre d’action commune, vulnérable, quitte à ce que les alternances entraînent des infléchissements dans le contenu des politiques européennes.

DELTOIDEA : Le caractère contraignant ou non de la Charte des Droits Fondamentaux pose la question des valeurs européennes. Ces valeurs doivent-elles être définies de façon consensuelle pour respecter les différentes cultures politiques, ou concerner des sujets aussi sensibles que les droits des étrangers ou la liberté d'orientation sexuelle ?


Sylvie GOULARD : Prétendre ouvrir aujourd’hui un  débat sur le contenu de la Charte est, en 2007, un peu décalé ; ce texte a été rédigé par une Convention, composée de Parlementaires nationaux et européens, ainsi que  de représentants des Etats et de la Commission, à la fin des années 90. Le débat sur son contenu a eu lieu, en public, sous la présidence de l’ancien chef d’Etat allemand, grand constitutionnaliste, Roman Herzog. La Charte a été solennellement proclamée en 2000. Elle représente un point d’équilibre qu’il est hasardeux de remettre en cause.

A ceux qui ont l’obsession des questions de morale ou d’orientation sexuelle, je conseille la lecture de l’excellent document du groupe de travail constitué par les évêques (COMECE)  pour les cinquante ans du traité de Rome Pour le texte intégral et la liste complète des participants, voir le site de la Comece www.comece.org. Ce groupe comptait en son sein de grands Européens croyants comme Pat Cox, Mario Monti , Karl Lamers ou Philippe de Schoutheete. Ce document est extraordinaire car il écarte enfin les questions relevant de la sphère intime pour se concentrer sur les valeurs spécifiques à la construction européenne. Là est l’essentiel.

Enfin, les droits de l’homme ne sont pas à géométrie variable. S’ils sont nés en Europe, ils sont universels. S’y dérober  au nom de particularismes me semble dangereux ; cela créerait un précédent pour admettre demain par exemple la Charia. De même qu’il est curieux que les Britanniques se soient dérobés sur un point aussi central. Contrairement à ce que les gouvernements ont fait semblant de croire, la Charte ne peut pas faire l’objet « d’opting out ». Celui qui s’en écarte, se met en marge. Il met aussi en péril  le processus d’élargissement futur  ; que dirons nous aux pays qui veulent nous rejoindre ? Que nos avis divergent sur les questions fondamentales  ? Quelles valeurs devront-ils respecter ? Des obligations claires ou des textes à la carte ?

DELTOIDEA : Avez-vous le sentiment que la jeunesse (de plus en plus impliquée dans des programmes d'échanges internationaux mais aussi de plus en plus inquiète de la montée du chômage et de la précarité) est plus favorable à l'idée européenne qu'auparavant - ce qui ne ferait de l'avènement de l'Europe politique qu'une question de temps ?

Sylvie GOULARD : La jeunesse vit l’Europe comme elle respire ; sans s’en rendre compte. C’est le plus grand succès du processus d’intégration européen : la guerre est devenue une idée absurde, impensable. Mais comme l’air que nous respirons, l’UE est fragile ; des pollutions menacent qui, en Europe s’appellent, égoïsmes, nationalismes étroits, repli sur soi. Ce qui semble éternel mérite parfois qu’on se batte pour le préserver.


 


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