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Agathe clÉry

Par Rob Gordon
Agathe clÉryPour Étienne Chatiliez, il y a définitivement un avant et un après Bonheur est dans le pré. Avant : deux comédies, un peu grossières mais gentiment populaires, épinglant notamment la médiocrité française. Puis vint donc son meilleur film, aussi truculent qu'acide. Et l'après : exit Florence Quentin, bonjour Laurent Chouchan... et adieu la qualité. Rappelez-vous le consternant Tanguy et le platissime La confiance règne. Agathe Cléry est le parfait successeur de ces deux-là, partant d'une idée plutôt originale et la traitant avec une criante absence de savoir-faire.
Une fois n'est pas coutume, parlons d'abord du meilleur, ou plutôt de la meilleure : il n'y a pour ainsi dire rien à reprocher à Valérie Lemercier, qui paie de sa personne pour faire croire à ce personnage de femme blanche devenant noire. Elle s'agite, elle danse, elle est à peu près crédible, et nul doute que s'il y avait un peu de matière comique à défendre, elle aurait été formidablement drôle. Mais il n'y a malheureusement rien, rien de rien, derrière ce postulat. Juste un scénario poussif et schématique qui verra la vilaine raciste considérer sa nouvelle couleur avec effroi, puis l'accepter, puis devenir tolérante, et ainsi de suite, au gré d'une succession de chapitres aussi attendus qu'insipides. Les gags ? Ils sont totalement absents. Pour tout humour, Chatiliez et Chouchan se contentent d'exploiter maladroitement quelques clichés qui finissent par se retourner contre eux, ou de broder quelques situations péniblement boulevardières.
Et que fait-on, en France comme ailleurs, pour combler le manque de trouvailles scénaristiques ? De la comédie musicale, pardi. Car Agathe Cléry, c'est aussi un enchaînement de numéros chantés et dansés, souvent courts (il y a un Dieu) mais tout aussi affligeants. Les comédiens sont nuls, les textes affligeants, et le pire, c'est que Chatiliez filme tout ça comme une pub Eram ou Dunlopillo, lui qui fut longtemps le grand roi du spot télé. Même quand Lemercier se lâche et nous la joue Michael Jackson, c'est foiré, l'image étant d'une pauvreté folle. À croire que la crise financière a vraiment touché tous les milieux : visiblement, le chef opérateur n'a pas eu droit à autre chose que des ampoules 20 watts. Mais relativisons : Agathe Cléry, ce n'est qu'une bonne idée gâchée parmi tant d'autres, le cinéma français prenant un plaisir toujours renouvelé à saccager consciencieusement les quelques bonnes idées qu'il parvient à expulser.
2/10

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