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Essai : Le travail de l'acteur

Par Alban Ravassard
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Bonjour à tous,

Je continue de publier des « essais » sur le cinéma dans la lignée de l’article précédent « Le plaisir de la salle ». Aujourd’hui intéressons nous au « Travail de l’acteur ». Cet article présente bien sûr une vision totalement subjective de ce travail et ne saurait être représentatif de l’éventail de visions que l’on peut avoir sur la question. Pour commencer cet article il est nécessaire de parler des diverses visions que l’on peut rencontrer par rapport à ce travail de l’acteur et au travail avec l’acteur. Pour cela intéressons nous à celles de quelques grands cinéastes. Bien entendu cette liste est loin d’être exhaustive car chacun possède sa manière de voir les choses et sa propre méthode de travail avec les acteurs. C’est d’ailleurs une des caractéristiques qui rend ce métier si riche et humainement très intéressant.

Ainsi, chaque cinéaste évolue à sa manière : certains ont une peur panique voire une haine des acteurs (Lars Von Trier par exemple) probablement (et souvent de leur propre aveu) car ils ont peur que ceux-ci « s’emparent » du film ; alors que d’autres les aiment profondément (ce qui est notamment le cas de Pedro Almodovar). Certains réalisateurs refuseront de diriger les acteurs y voyant une forme d’autorité malvenue, d’autres ne jugeront que par cela, parfois même un peu trop, ce qui les amène à réduire la liberté de leurs acteurs. Certains d’entre eux vont jusqu’à considérer les acteurs comme des outils les aidant à mener à bien leur film au même titre que le ferait une caméra. De même, certains préfèreront travailler avec des acteurs exclusivement amateurs (Bruno Dumont par exemple).

 

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Il y a même parfois des cas très particuliers qui mènent à des travaux et des emplois intéressants tels ceux de Robert Bresson qui se refusait à parler d’acteurs mais qui recherchait ce qu’il nommait des « modèles ». Essayons de résumer sa vision : pour Bresson différence est faite entre le cinéma, art descendant du théâtre ou tout n’est que paraître et donc par extension le jeu des acteurs qui justement jouent quelqu’un qu’ils ne sont pas; et le cinématographe qui lui est un art « pur » (avec toutes les réserves que l’emploi de ce terme implique) et qui utilise des modèles qui sont les personnages, qui les vivent; ce qui fait du cinématographe un art plus proche du réel et donc non affilié au théâtre. J’invite ceux que cette vision particulière intéresse, et qui veulent approfondir le sujet, à lire ou consulter « Notes sur le cinématographe » de Robert Bresson (aux éditions folio).

 

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Nous en venons donc à des problématiques telles que : « Qui construit le personnage ? Le réalisateur ? L’acteur ? Les deux ? », « Un acteur doit-il forcément être dirigé ? ». Et puisqu’on ne le répétera jamais assez, il serait stupide de dire que telle théorie serait meilleure qu’une autre. Tout dépend de l’emploi que l’on en fait et de la personne qui l’emploie. Un exemple très représentatif est l’ « Actor’s studio » américain au sein duquel s’oppose deux méthodes de formation et donc deux visions du travail de l’acteur sur son personnage. Approfondissons cela.

 

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L’une privilégie l’intériorisation et l’utilisation de ses sentiments et souvenirs personnels, une autre s’oriente vers l’extériorisation. Robert De Niro et Al Pacino viennent de l’Actor’s Studio et ont été chacun formés respectivement à une de ces méthodes ce qui oppose leur façon de travailler en tant qu’acteur. Mais pouvons nous pour autant dire que l’un est foncièrement meilleur que l’autre ? (ce qui au passage reviendrait à comparer les deux méthodes). Ce serait stupide. Que ceux qui ont du mal à s’en convaincre revoient « Heat » de Michael Mann. Voyons voir désormais comment je considère la question.

 

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Selon moi, l'acteur doit être quelqu'un d'ouvert sur le monde, capable de capter en lui comme dans la vie en général le matériel dont il aura besoin dans la création et la composition des différents personnages qu'il aura à incarner. La mission de l'acteur est de s'approprier et de construire ces personnages en collaboration avec le réalisateur, il doit se faire littéralement "habiter" par son rôle pour cela il doit être ouvert au dialogue et surtout ne pas s'effacer, proposer des choses et accepter les remarques, travailler dans le sens de son personnage et accepter de parfois perdre un peu de vue la frontière qui sépare fiction et réalité c'est ainsi qu'il devient le personnage, il doit le vivre et ne pas se contenter de le jouer en cela sa ou ses techniques l'aident mais ne doivent pas le limiter.

 

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De même, lorsque l’on est acteur il faut apprendre à parfois lâcher prise et accepter de ne pas savoir ce que l’on fait et où l’on va. L’acteur doit donc créer une relation de confiance avec le réalisateur. Ce dernier doit être pour lui un soutien, un appui. Leur travail commun se doit d’être une collaboration et non pas se transformer en diktat de la part d’un ou de l’autre. Les visions et conceptions sont certes différentes mais chacun doit essayer de comprendre l’autre. Acteur et réalisateur sont en effet interdépendants et doivent apprendre à co-exister sur le plateau. Pour cela, l’outil majeur est la communication. A l’image d’un couple, une bonne communication est la base de toute entente cordiale (et si possible de longue durée).

 

Il me paraît évident que le personnage se construit à deux : il n’appartient entièrement ni au réalisateur ni à l’acteur mais bel et bien aux deux (et aussi au scénariste si celui-ci est différent du réalisateur). Chacun possède sa vision du personnage et je pense que l’acteur doit arriver plus ou moins à s’approprier le personnage par le biais de la vision que le réalisateur en a. Une telle méthode, n’est bien sûr pas simple à mettre en œuvre mais elle permet à l’acteur de garder une plus grande liberté artistique. De la direction d’acteurs donc, oui, mais pas n’importe laquelle. Le réalisateur doit savoir exprimer sa volonté dans des termes « traduisibles » aisément par l’acteur ce qui fait de la direction d’acteur une chose assez délicate et très personnelle. Mais cette direction reste nécessaire sous peine que l’acteur produise une performance qui ne correspondra pas aux attentes du réalisateur. Preuve que rien n’est simple et que le travail de l’acteur est avant tout un art de la négociation et du compromis.

 

Je terminerais en vous redirigeant vers une série d’articles vraiment très bien faits. Il s’agit de portraits d’acteurs et d’actrices coréens/coréennes. Les portraits sont de grande qualité et l’article de départ vous permet de voter pour vos acteurs préférés. Si comme moi vous êtes fan de cinéma coréen je vous invite à découvrir ces articles sur le blog de Pierre et Hyewon.


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