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Les cireurs et le parquet

Publié le 14 décembre 2008 par Lgb

Le rapport qu’entretient Nicolas Sarkozy à la justice a toujours laissé filtrer quelques relents obsessionnels. L’ancien avocat quiLes cireurs et le parquet transforme jour après jour ce pays en bateau ivre et en Barnum populiste n’aime pas l’institution judiciaire. Il entend donc la punir.

La première punition qu’il lui aura infligée aura été Dadame Dati: la punition par l’incompétence, la vulgarité, le mépris, l’obscénité, le gâchis budgétaire, le rabaissement symbolique et l’autotélisme. Seconde punition : la réforme de la carte judiciaire.

Mais le meilleur est toujours pour la fin: la troisième punition devrait se faire par la mise au pas de l’instruction, dans l’indifférence (ou l’approbation) générale, ce qui rend évidemment la chose plus jouissive encore.

En octobre dernier, Dadame Dati a donc rassemblé une commission appelée à plancher sur la procédure pénale et le procès criminel, soit deux piliers du fonctionnement judiciaire sur lesquels la clique sarkozyste n’a cessé de s’acharner.

La composition même de cette commission montrait que l’on allait, une fois encore, faire sonner haut le clairon de l’indépendance par rapport au pouvoir politique. Et que les débats ne seraient pas orientés. Parmi de hauts magistrats et deux ou trois universitaires, on trouve en effet quelques figures moins attendues. L’éminent maître Herzog, par exemple, fin connaisseur de la procédure pénale dans sa version “défense des politiques”, qui sut sortir les Tiberi d’affaire à maintes reprises, obtenir la relaxe du malheureux Jean Sarkozy dans sa glorieuse affaire de délit de fuite, et assister Notre Président dans la trouble carambouille Clearstream. Ou le très-éminent maître Portejoie, qui s’est occupé de poids encore plus lourds, lui qui a défendu Mellick et Tapie (et même Mazarine!).

La commission intègre donc des hommes qui ont beaucoup oeuvré pour la sauvegarde de l’honneur politique français face aux juges d’instruction dont chacun sait combien ils sont agressifs et mal intentionnés dès qu’il s’agit de nos malheureux élus… Quelle peut donc être la position de ces fins connaisseurs du droit, de ces pourfendeurs de l’injustice amoureux des grands principes? Viennent-ils expliquer combien la machine judiciaire française est agressive à l’égard des puissants, elle qui devrait, en bonne doctrine sarkozyste, laisser tranquilles les gens de bien et se concentrer exclusivement sur ceux qui méritent d’être punis, les faibles, les pauvres et les délinquants innés? Envisagerait-on, en parallèle à la dépénalisation du droit des affaires, de donner l’immunité totale à tous les nobles élus de la République?

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Le suspense vient de prendre fin. On nous prépare simplement le brouet judiciaire auquel nous pouvions nous attendre: une justice qui se fera de plus en plus discrète dès que les puissants seront mis en cause.

Dans une déclaration anodine fait au Monde, l’éminent maître Herzog résume tout l’enjeu de cette entreprise de démolition. Il explique ainsi que le juge d’instruction perdra ses fonctions d’enquête et que l’on mettra en place “une enquête menée par le parquet.” Et, plus capital encore, que l’on maintiendra “la dépendance hiérarchique avec le ministre de la justice.” Ce qui signifie donc que les enquêtes seront intégralement menées par des magistrats directement dépendants du pouvoir politique.

Formidable, il suffisait d’y penser! Pour éviter que les juges d’instruction n’aillent mettre leur nez morveux dans les affaires de nos irréprochables hommes politiques, rien de plus simple que de leur retirer leurs pouvoirs d’enquête. Rien de plus simple que de confier ce pouvoir à un parquet structurellement dépendant des ordres gouvernementaux, et donc des Volontés de Notre Président (puisque le gouvernement n’est plus qu’un simple Politburo)…

Réjouissez-vous citoyens: le juge d’instruction disparaît. Dans Son Infinie Sagesse, Sa Très-Grande Clairvoyance, et Sa Profonde Compassion, Nicolas Sarkozy décidera lui-même quelles affaires devront être instruites, transmettra ses ordres au porte-manteau Dior de la place Vendôme, qui aboiera ensuite ses Volontés au parquet en grands glapissements hystériques.

On cessera enfin de déranger grossièrement ceux qu’il faut laisser bien tranquilles. On n’entendra plus soupçonner de façon déplacée notre irréprochable classe politique. On pourra enfin se concentrer paisiblement sur les faits divers sordides et faire trembler et pleurer dans les chaumières. Bref, on reviendra tranquillement en 1830, délicieuse époque où la moralité du bourgeois se mesurait à l’ampleur de son tour de taille et la perversion du petit peuple à la crasse qui couvrait ses vêtements.

Nous pouvons être entièrement rassurés : les mailles du filet judiciaires seront parfaitement ajustées pour les ablettes et les sardines. Quant aux requins, ils retrouveront la liberté qui sied naturellement aux grands prédateurs. Une liberté gagnée de haute lutte, sur notre dos…

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