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AYA de Clément Oubrerie et Marguerite Abouet

Publié le 19 décembre 2008 par Magdala
Depuis 2005, le dessinateur Clément Oubrerie et la scénariste Clément Oubrerie racontent dans Aya de Yopougon - quatre albums au compteur - l’histoire d’une jeune Ivoirienne et de sa famille, ses amis, ses voisins… Une véritable saga pleine de rebondissements, qui plonge ses lecteurs dans le quotidien d’un village africain de la fin des années 70. Et qui puise dans l’imaginaire et l’expérience de Marguerite Abouet, née à Abidjan et arrivée en France à l’âge de 12 ans. Dans la première partie de cet entretien, les auteurs reviennent sur ce feuilleton gai et vivant. Pour lire la deuxième partie, axée sur leur méthode de travail et leurs projets, cliquez ici
Images © Gallimard 2008
Propos recueillis par Laurence Le Saux RDV sur bodoi.info

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Dans ce quatrième épisode d‘Aya, on assiste à l’arrivée pas franchement aisée d’Innocent en France. Pourquoi éloigner l’intrigue de Yopougon ?
Marguerite Abouet :
Pour permettre au dessinateur de respirer ! Et puis cela permettait de montrer autre chose que l’Afrique. Mais je ne me suis pas basée sur mon propre vécu, puisque je suis venue dans d’autres conditions. Je suis arrivée à Paris en 1983, à un moment où l’on n’avait pas besoin de visa. À l’époque, peu d’Africains faisaient le voyage : ils avaient peur du froid ! À la télé, des chanteurs connus disaient que, lorsqu’ils venaient en France, ils restaient à l’intérieur pendant des jours, que les Français ne se lavaient pas et dormaient avec des ours pour se réchauffer… Et moi, je pensais que les Blancs ressemblaient tous à Rahan, dont j’étais amoureuse !
Clément Oubrerie : Cet élément nouveau dans l’histoire permet de ne pas ressentir de lassitude. Cela offre aussi un point de vue original sur la découverte de Paris par un Ivoirien, le décalage culturel est fort et induit de la drôlerie.

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Pourquoi avoir choisi de donner ce côté feuilletonnant à la série, qui regorge de personnages et d’intrigues parallèles ?
M. A. : J’ai été élevée aux séries télé. En Afrique, on ne jurait que par Dallas, et je n’ai pas honte de le dire ! Ce feuilleton ressemblait beaucoup à la vie locale, avec des grandes familles, des parents, cousins, neveux et voisins vivant ensemble, s’engueulant et se réconciliant, comme à Yopougon. Il m’a donc semblé naturel d’aller vers ça.
C. O. : Il y a certes un côté sitcom dans Aya, mais on peut selon moi lire les tomes séparément. Deux histoires principales se croisent, et les albums peuvent être regroupés en triptyques. Le troisième épisode aurait pu marquer la fin de la série, puisque ses dernières pages ne comportaient pas de relance. Et là, avec ce quatrième tome, on redémarre un nouveau bloc de trois livres.

Comment Aya est-elle née ?
C. O. : Aya est une excroissance d’Akissi, une petite fille africaine dont Marguerite voulait raconter les aventures en 2004. Nous en avons parlé à Thierry Laroche, éditeur chez Gallimard, juste pour avoir son avis. À l’époque, je ne faisais que des livres jeunesse, et je ne savais pas qu’il travaillait justement sur une collection BD avec Joann Sfar ! Thierry nous a dit qu’il aimait l’idée, mais préfèrerait un personnage un peu plus vieux.
M A. : Aya, ce n’est pas moi. Je n’ai pas vécu tout ça. Cette série est plutôt une fiction documentée, qui permet de parler des dérives de la société africaine. Comme les MST ou Moyennes Sexuellement Transmissibles, un phénomène dont Aya est victime dans cet épisode : l’un de ses profs lui demande des faveurs sexuelles en échange de bonnes notes. Plus jeune, j’entendais parler de cette pratique, et tous les Africains savent que ça existe !

La nostalgie est-elle toujours le moteur d’Aya ?

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M. A. : Elle l’a été au début mais s’estompe aujourd’hui, puisque j’ai la chance de pouvoir retourner tous les ans en Afrique voir mes parents.
C. O. : Aya est plutôt née du constat que l’on parle toujours de l’Afrique sous le même angle. Celui, un peu lassant, de la guerre et de la misère, dont Marguerite et moi ne nions absolument pas l’existence. Mais avec Aya, œuvre littéraire et artistique, nous sommes libres de choisir un autre point de vue. De plus, il paraît difficile de relier tous les drames du continent africain : il est tellement vaste que cela pourrait s’apparenter à comparer la Crète et la Norvège… Quand le premier tome d’Aya est sorti, un article dans Libération jugeait scandaleux que nous n’y abordions pas les problèmes de l’Afrique. Je me suis même fait engueuler sur mon blog parce qu’on ne parlait pas de préservatifs. Or personne ne fait de procès d’intention à un écrivain français quand il publie un bouquin positif sur l’Afrique, de même que personne n’a reproché à J.K. Rowling de ne pas parler de préservatifs dans Harry Potter ! Pourtant, cela relève de la même logique…
M. A. : Ces critiques sur Aya me font rire. Je ne veux pas parler des grands maux de l’Afrique, je laisse aux autres le soin de le faire. Je préfère montrer comment vivent les Africains, et égrener leurs petites blessures du quotidien.

Propos recueillis par Laurence Le Saux RDV sur bodoi.info Images © Gallimard 2008


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