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Musée historique de Peshawar

Publié le 24 décembre 2008 par Argoul

Le musée historique de Peshawar au Pakistan est installé dans un vieux bâtiment de réception anglais qui date de 1905. Il présente dès l’entrée l’archéologie préislamique de la région. Y sont rassemblées des stèles de pierre présentant la vie de Bouddha. Depuis sa naissance, à gauche en entrant, où on le voit naître « de côté » comme par césarienne. Jusqu’à sa mort, à droite de la même salle, en passant par sa période ascétique. La statue qui le montre en cet état est faite pour horrifier, tant on perçoit le squelette – image de la mort - sous la peau.

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Je préfère les scènes de sa vie d’enfant, comme cette stèle de style hellénistique montrant le Bambin au centre, lavé et toiletté par Indra et Brahma. La composition en est très symétrique, figurant l’ordre du monde humain, l’enfant debout sur un tabouret aux pattes de lion, signe de puissance royale et spirituelle à la fois. Figurent ensuite plusieurs statues de Bouddha adulte, debout et une tête de Boddhisattva (un sage bouddhiste) à la chevelure alexandrine. Il faut préciser qu’Alexandre le Grand est passé par là, influençant l’art de la civilisation bouddhiste du Gandhara. Karim, notre guide d’Islamabad, nous a rappelé qu’il s’était arrêté à l’Indus, dans sa conquête fiévreuse des terres inconnues, parce que ses soldats, las, ont refusés d’aller plus loin. Eternel combat des explorateurs et des casaniers, de ceux qui veulent aller de l’avant toujours et de ceux qui ont de façon régulière la nostalgie de revenir.
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Alexandre franchit la passe de Khyber au printemps 326 ; il est victorieux du roi Poros sur le fleuve Hyphase à l’est de l’Indus, à l’été 326 ; il rejoint le Beas, la rivière à l’est de Lahore à l’automne 326 pour aller jusqu’au Gange. Mais il atteint les limites de l’empire perse et les soldats refusent de continuer. Démocrate, en bon général grec qui ne peut rien réaliser sans la confiance de ses soldats, il élève un monument et consent à redescendre la vallée de l’Indus pour rentrer en Grèce. Ce pays, il ne le reverra jamais : son cheval Bucéphale était déjà mort, c’est au tour de son vieux chien, puis de son ami Ephestion. Lui-même trouvera la mort du côté de Suse.

Une statue dite « de » Maytreya (j’en doute), le Bouddha de l’avenir, datée du IVème siècle Anno Domini (A.D.= de notre ère) montre un torse et un déhanchement grec, mais une moustache qui l’est moins. Figurent encore des frises aux Amours nus de sept ou huit ans portant guirlandes, plus grands que les putti classiques, des Titans aux épaules surdéveloppées comme n’en ont jamais eu les populations de l’Indus, plutôt caricatures de géants blonds venus de Grèce, des scènes de luttes, le drapé grec de certaines statues de Bouddhas. Des têtes de lions chevelus et gargouilleux ont de grands yeux et des crocs découverts dans un mauvais sourire. Le style, une fois de plus, amplifie des détails dans une caricature qui montre l’imitation. Outre les faces grossières (gros nez, moustaches, traits lourds), quelques têtes présentent des paupières étirées, un nez droit et un sourire perdu dans l’infini – un mélange étonnant de Grèce et d’Asie qui laisse dans notre regard d’aujourd’hui la beauté ambiguë d’un possible qui ne s’est pas réalisé. Les salles sont mal éclairées, avec des néons jaunes frontaux qui écrasent les formes. Peu d’explications. Les « restes d’art » sont rangés comme des objets d’un quelconque fatras préislamique redécouvert dans un grenier. Aucun souci de savoir ni d’expliquer : tout cela est « barbare », balbutiement d’homme sans Dieu – sans intérêt, quoi. Des écoliers, des familles locales viennent visiter en ce mardi ; c’est un but de promenade, gratuit pour les Peshawaris.

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A l’étage figure l’art islamique. Il faut monter pour le découvrir, comme un trésor placé plus haut parce que « spirituellement » plus élevé. Mais je note que les salles comprennent moins de monde. Il faut dire que le système électrique est si défaillant que nombre de salles ne sont pas éclairées. Un portail de mosquée en bois sculpté voisine avec une collection de Corans dont un tout petit qui tient dans la paume. Des pierres gravées d’arabesques qui indiquent qui a fait quoi, commençant toutes par Bismillah – « Au Nom de Dieu ». Des plats gravés en argent et même un samovar kashmiri (sans date). Du siècle colonial anglais restent des miniatures peintes de scènes bouddhiques et islamiques, de la poterie bleue. Dans une galerie, le buste en bronze du British Governor rappelle que cette bâtisse aujourd’hui musée a servi de palais et que la reine Victoria y aurait même séjourné.

Une partie ethnographique rassemble des tissus brodés, des blouses de la vallée kailash du Swat ornées de vieux rose et de fuchsia sur tissu noir, des pots et des gobelets de cuivre martelé, des poignards et différentes sandales dont de grossières, en paille de Chitral. Nous irons à Chitral. Figurent en vitrine nombre de bijoux d’argent, très lourds pour notre goût, très chargés, montrant plus la virtuosité de l’artiste en ses fioritures que l’harmonie. Comme dans toute société peu affinée, le poids de métal précieux est la mesure de l’art ; ce dernier n’existe que pour étaler la richesse. Les bijoux ont donc une valeur sociale, pas de rehausser la beauté féminine, pensons aux torques gaulois ! Les tribus aiment les armes et plusieurs vitrines sont consacrées aux mille et une façons de trucider son prochain : épées et lances, arcs, pistolets, fusils… D’étranges statues de bois grossièrement taillées montent la garde dans une galerie : ce sont des statues funéraires kailash qui ornaient le couvercle du cercueil. Dans un bureau ouvert sur le jardin, nous pouvons surprendre une scène intime, paisible, de vie quotidienne d’aujourd’hui : le jeune fils du gardien dessine à côté de sa mère qui brode.


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