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Australia

Par Rob Gordon
AustraliaIl faut souligner ici la difficulté d'être un critique de cinéma amateur doublé d'un cinéphage légèrement accro. Aller voir un film comme Australia, vigoureusement vilipendé par la critique depuis quelques semaines, un lendemain de Noël en somme, peut s'apparenter soit à de l'inconscience pure et dure soit à un professionnalisme admirable (je vous fais juges). Entrer dans une salle en prévoyant de s'y ennuyer pendant cent-soixante minutes a quelque chose d'héroïque et de pathétique à la fois.
Le bilan de fin de film est légèrement surprenant. Baz Luhrmann mérite-t-il la volée de bois vert qu'il reçoit quotidiennement ? Sans aucun doute. Australia est-il un film sans intérêt, ennuyeux et laid du début à la fin ? Pas tout à fait. Pour sûr, Luhrmann s'est planté, mais demeurent dans le film quelques petites choses qui méritent de lui laisser une petite chance. À condition, cependant, de n'avoir rien de mieux à faire.
Le giga défaut d'Australia, en fait, c'est son hétérogénéité totale. Comme si, dévoré par un enthousiasme d'adolescent, le réalisateur avait voulu regrouper sous un même titre un film d'aventures, une fresque historique, une inoubliable romance, un conte initiatique et fantastique, et une parodie de chacun de ces genres. D'une séquence à l'autre, on change de genre sans être prévenu, et ce mélange passe franchement mal. Au début de chaque scène, il faut une minute d'acclimatation afin de comprendre s'il s'agit d'un instant srieux ou fantasque. C'est très pénible. Dans de telles conditions, difficiles d'accuser Nicole Kidman de mal jouer. La pauvre s'adapte comme elle peut aux sautes d'humeur permanentes du film. Au début, elle joue les angliches coincées, fait des oeillades pas possibles et pousse des cris lorsqu'elle est choquée. Une demi-heure plus tard, on aura l'impression de voir Karen Blixen, belle et digne, courageuse comme pas deux. Pas évident. Hugh Jackman est mieux servi dans un rôle plus linéaire, dont il s'acquitte avec une vraie facilité, s'imposant une fois encore comme un type capable de tout jouer. Même lorsqu'il s'asperge d'eau avec un tonnelet dans une scène bien kitsch, il parvient à rester digne.
Cette courte scène, justement, donne le ton. Pas possible que Luhrmann ait pu tourner ça au premier degré. Sa façon de diriger Kidman et son amour pour les effets numériques datés sont d'autres indices, tout comme sa filmographie passée. Ce type n'est pas un cinéaste, c'est le roi du patchwork. Sauf que ce qui pouvait passer dans sa trilogie du rideau rouge (on est beaucoup plus tolérant avec les comédies musicales) devient passablement ridicule ici, dans le cadre de cette longue fresque. Il aurait fallu livrer un mode d'emploi pour expliquer au spectateur quand rire et quand s'émouvoir. Ou se concentrer sur la partie comique, de loin la plus réussie. Beaucoup de scènes drôles, explicitement ou non, viennent sans cesse relancer l'intérêt de ce film bien malade. On peut prendre, de façon épisodique, un certain plaisir devant quelques petits bouts de ce qui a forcément été conçu comme une parodie... En revanche, certains passages sont difficiles à digérer, quel que soit le degré de lecture. Les scènes avec l'aborigène sont très sérieuses (Luhrmann n'allait tout de même pas se moquer d'eux) mais très ridicules. La longue fin avec bons sentiments, happy end et tout le tralala aussi. L'ennui gagne un peu en fin de film, mais c'est presque une bonne nouvelle, indiquant que ce qui précède est passé plutôt vite, comme une kermesse un peu pathétique donc attachante, qu'on n'est pas mécontent de voir s'achever mais qui aurait pu être bien pire que cela. Allez, Baz, ça va pour cette fois. Mais ne nous refais pas le coup trop souvent quand même...
4/10

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