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13 - L'envers du cliché

Par Basile
Steve avait vu la gêne de son ami et il avait vu ses doigts tremblants retourner la photo contre la table, face cachée. Sur l’envers du cliché étaient écris ces mots, de la main de Paul. Je t’aime, mon coquin. Par pudeur, pensant imaginer le pire – Paul, avec Bobby ou un autre, à l’une de ces fameuses soirées du mercredi soir, qu’il avait eu du mal à comprendre en voyant les affiches un peu vieillies de la rue Keller – il avait préféré éviter tout questionnement.

Un silence s’installa. Changement de musique dans le bar, douces notes de pop léchée.

Steve se perdit dans ses pensées, revenant à l’époque où avec Paul, ils s’échangeaient et se partageaient les conquêtes féminines à l’arrière des taxis en revenant de soirées très arrosées. Il n’y a pas si longtemps ! Puis, étaient venues les pertes de mémoires récurrentes, les soirées dont il ne se souvenait absolument rien, attribuées à sa trop forte consommation d’alcool et d’herbe. Il avait dû (provisoirement) s’assagir et s’était brutalement éloigné de la vie des soirées parisiennes, laissant Paul toujours en quête d’expériences nouvelles continuer les découvertes nocturnes.

Paul, pendant ce temps avait refait surface. Il avait vidé son verre, s’était rallumé une gitane, et avait effacé la stupéfaction de son visage. La photo avait disparu. Il coupa Steve dans sa rêverie.

- Bon, j’y vais. Je m’occupe de tout, je vais chercher ton sac et ta tire. Et j’appelle le pote de mon grand père. Euh…File-moi la clef USB, je vais la lui donner.

- Non, je la garde, je vais chercher sur internet. Je lui ferai une copie.

- … OK… J’y vais. Bon, il est 16 heure, on se retrouve à 18 heure au plus tard à Alesia. OK ?

- Ouais à toute Paulo. Et merci encore !

En enfilant sa veste, Paul ajouta : Quand même, on est potes, t’aurais pu m’en parler plus tôt ! J’en reviens toujours pas ! Steve, mal à l’aise, compris que Paul parlait de la photo qu’il avait trouvé ce matin dans le sac. Il venait de la lui décrire quand il avait déballé les événements de cette journée dingue. Il lui avait quasiment tout raconté sur les événements photographiés à son insu. A l’époque déjà, il avait voulu se confier mais les flics, et surtout les médias avaient délaissé l’affaire, faute de suspects et d’indices. Il avait alors décidé de tenter d’oublier. Et il avait bizarrement plutôt bien réussi jusqu’à ce qu’il découvre cette photo avec ce visage défiguré sur lequel, lui, Steve Keller, était penché. Je t’aimais tant…Pourquoi est ce que je t’ai…

La porte du bar claqua et Steve vit Paul s’éloigner d’un pas empressé vers le métro. Il le vit fouiller sa poche et sortir son téléphone portable. Il le vit composer un numéro et porter le mobile à son visage et il le vit parler. Il le vit. Mais il n’entendit pas ce que dit Paul.

Allo Sue, c’est Paul… Sally est passée voir ton fils ce matin… Elle est morte…


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