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The Company - le pilote [Mini-Série]

Publié le 10 août 2007 par Heather

TheCompany-Poster.jpgDiffusée sur : TNT (Câble - Etats-Unis)
Depuis le : 5 août 2007

Format : Mini-série (3 x 90 minutes)
Avec qui ?
Chris O'Donnell, Alfred Molina, Michael Keaton, Rory Cochrane, Alessandro Nivola, Natasha McElhone, Alexandra Maria Lara.
Ca parle de quoi ?
Adaptée du superbe roman de Robert Littell, "La Compagnie : le roman de la CIA", cette mini-série de prestige diffusée sur TNT comportera trois épisodes de 90 minutes chacun. The Company débute en 1954 à Berlin, coeur même de la guerre froide où Harvey Torriti, le chef local de la CIA – surnommé « le sorcier » - et son « assistant », Jack McCauliffe, tentent de faire passer à l’ouest des transfuges du KGB. Les informations que ces derniers peuvent livrer sont capitales ; elles concernent la présence d’une taupe aux plus hauts échelons de la CIA. L’échec d’une des principales défections apporte la preuve de cette trahison. Mais reste à trouver le coupable… Cette quête sera le combat personnel de Torriti et McCauliffe pour les années à venir, impliquant aussi bien le MI6, le Mossad, que le KGB… Mais une fois le traître découvert, les problèmes rencontrés lors des crises de Budapest puis de Cuba apportent à leur tour la preuve qu’il n’agissait pas seul. Une autre taupe, aussi dangereuse, met en péril toutes les opérations de The Company, avec en réalité pour objectif la destruction définitive du camp occidental, grâce à un plan machiavélique… (source : www.serieslive.com)


Et alors ?

TNT propose à ses téléspectateurs de se replonger dans les tumultes de la guerre froide au sein des services de renseignement américains et russes. Entre manipulations et faux semblants, la mini-série cherche à retranscrire l'ambiance si particulière et trouble de ces années. En guise de préambule, une précision nécessaire, car ma critique va sans doute être plus partiale qu'à l'accoutumée. A mon avis, selon que vous connaissez ou non le roman de Robert Littell, dont la mini-série est une adaptation, vous aurez sans doute une approche et une vision différentes de l'épisode. En ce qui me concerne, "La Compagnie" est un de mes romans d'espionnage favoris. Il m'est donc impossible de me détacher du livre pour écrire une review sur la mini-série. Et cette review sera forcément marquée par l'affectif d'une lectrice.

Ils étaient trois amis, étudiants à Yale, diplômés en 1950. Encore idéalistes à l'époque, ils vont se retrouver happer dans un conflit qui les dépasse, oubliant peu à peu leurs idéaux pour se réfugier dans un pragmatisme plus détaché, seule voie de survie dans le monde où ils évoluent.

Le personnage qui peut faire office de héros de la mini-série est Jack McCauliffe. Dans cet épisode, il s'initie à ce nouveau monde de l'espionnage dans la zone de jonction et d'affrontement de tous les services de renseignement de l'Ouest et du Bloc soviétique : Berlin, encore divisée en quatre zones réparties entre "alliés" de la Seconde Guerre Mondiale. Nous sommes en 1954, le mur ne sera construit qu'en 1961. Il règne comme un faux air, si particulier et fascinant, de L'espion qui venait du froiddans le récit qui est fait de Berlin. Ville où se concentrent les oppositions, où chaque individu croisé semble devoir espionner ou être espionné. C'est une guerre n'en portant pas le nom qui s'y déroule. La vie à Berlin pour les agents étrangers consistent à faire circuler de l'Est vers l'Ouest, transfuges comme informations. Celui qui y dirige la cellule de la CIA est surnommé le Sorcier (de son vrai nom, Torriti). Mentor de Jack, il est l'agent expérimenté qui maîtrise toutes les subtilités et la complexité de ces jeux d'espion. Archétype de l'espion rodé à toutes les difficultés de sa profession, il tient parfaitement son rôle. Lorsqu'une extraction tourne mal, il déduit immédiatement qu'une taupe, au sein des renseignements du "monde libre", a transmis les renseignements au KGB. Décidé à l'identifier, cela se transforme en une croisade personnelle. Il transmet des informations en guise d'appât, pour amener cet espion à réagir. Peu après avoir transmis un mémo selon lequel il pouvait identifier celui que l'on connaît uniquement sous le surnom de PARSIFAL, il échappe de peu à une tentative d'assassinat. Mais cela le conforte dans ses soupçons à l'égard d'un diplomate et haut gradé du MI-6, en poste à Washington

Cet épisode pose ainsi déjà le thème récurrent, fil rouge qui rythme toutes les étapes historiques marquant de la guerre froide : la recherche d'une taupe infiltré au sein des services secrets du bloc occidental. Celui que le Sorcier démasque dans cet épisode travaille pour les services britanniques. Il s'agit de Kim Philby, sans doute le membre le plus emblématique du célèbre 'Cambridge Five', ce groupe d'anciens étudiants de Cambridge recrutés par les services russes dans les années 30 et qui s'infiltrèrent au sein des services britanniques pour transmettre de nombreux renseignements au KGB. La chute de Philby achève de faire basculer l'obsessionnel paranoïaque qu'est Angleton, le chef du contre-espionnage à la CIA (figure dont le personnage de Matt Damon est inspiré dans le récent film Raisons d'Etat). Jusqu'au bout, il refuse de voir en Philby le traître que lui présente le Sorcier. La victoire de l'identification d'une taupe n'en est pas vraiment une. En effet, si le KGB perd un ancien agent, à terme, l'acte constitue plus une victoire pour le général russe en charge de ces opérations, Starik, dans le duel à distance, froid et détaché, qui l'oppose à Angleton. En sapant les dernières manifestations de confiance de ce dernier par la révélation de la trahison de Philby, Starik entend ainsi provoquer une véritable chasse aux sorcières au sein de la CIA. Angleton devient alors en quelque sorte un allié malgré lui, par son action qui déstabilise des services entiers dans son agence-même. J'espère que dans le prochain épisode, la mini-série s'arrêtera plus sur l'importance des agissements d'Angleton et leur impact.

Mais aussi extrême dans sa paranoïa que soit Angleton, sa quête a une légitimité. En effet, Yevgeny évoque en fin d'épisode une "autre taupe". Un agent soviétique a bel et bien infiltré la CIA, son nom de code : SASHA. La découverte de son identité va être un fil conducteur de de la mini-série. Cependant, j'aurais quelques réserves concernant le traitement de SASHA dans ce premier épisode : il faut que son personnage soit plus développé. Mais sans que le téléspectateur puisse déterminer avec certitude son identité, sans quoi une bonne partie de la tension de la suite de l'histoire perdrait tout fondement. Or, il y a notamment un enchaînement de scènes dans ce premier épisode, où le réalisateur, par sa façon de filmer, se montre trop suggestif.

Les autres compagnons d'université de Jack ont suivi un parcours similaire. Moins aventureux, Leo n'est pas attiré par le travail sur le terrain, il se construit méthodiquement une belle carrière au sein de la CIA à Washington, gravissant rapidement les échelons, proche conseiller de différents dirigeants. Preuve supplémentaire d'une certaine ambition, il épouse la fille d'un sénateur. De son côté, à la différence de ses deux anciens amis, Yevgeny était russe. Il est rentré en Russie, où Starik a immédiatement vu quelle utilité il pouvait trouver dans un jeune russe polyglotte, parlant anglais sans une trace d'accent, et pouvant aisément passer pour un américain. Après une brève romance avec une jeune juive malheureusement trop curieuse, Yevgeny choisit de servir son pays et est envoyé aux Etats-Unis pour faire office d'agent de liaison. Pendant ce temps, le KGB "s'occupe" de la jeune femme dont il s'était épris : elle avait eu la mauvaise idée de faire des listings de tous les gens qui furent déportés par Staline. La figure de Starik apparaît assez caricaturale, ne se départissant pas d'un certain fanatisme, mêlant dogmes politiques et nationalisme. Cependant, il est vrai qu'avec le fameux projet KHOLSTOMER, qu'il évoque pour la première fois en fin d'épisode en parlant avec Khrouchtchev, la mini-série dépeint de façon assez réaliste le personnage.

Chacun perd peu à peu son innocence initiale, en s'immergeant dans le monde de l'espionnage. Les anciens camarades d'université sont devenus des adversaires dans ces jeux d'espions mortels auxquels se livrent les deux camps. Ainsi, Jack s'éprend d'une jeune femme qui leur livre des renseignements à Berlin. La frontière le professionnel et la vie privée se trouble, les sentiments font prendre et courir des risques. Le personnel se mêle de façon dangereuse avec le travail. De la vie qu'il subit et de ses erreurs, chacun apprend. La relation de mentor/apprenti entre Torriti et Jack est particulièrement révélatrice de cette progressive maturation. Inexpérimenté et en période d'apprentissage initialement, la scène qui clôture l'épisode berlinois résume l'évolution accomplie par Jack. La jeune femme dont il était amoureux s'est suicidée pour éviter d'être arrêtée par le KGB, il demande alors simplement au Sorcier si elle était un des renseignements qu'il a utilisé pour servir d'appât et coincer Philby. Torriti, avec un aplomb digne des plus grands espions, sans sourciller une seconde, répond par la négative. Un mensonge de nécessité qui souligne tout le poids pesant sur tous ces personnages.

Sur la forme, la mini-série tient parfaitement son rang événementiel. La photographie est belle et très soignée, les différentes teintes s'accordant avec l'ambiance sombre du monde de l'espionnage. La réalisation est propre tout en restant assez rigide, comme on pouvait s'y attendre. Mais cette fixité retranscrit ainsi très bien la période. La mise en scène de qualité se révèle donc convaincante.

Bilan : Le monde de l'espionnage et plus particulièrement la guerre froide sont des thèmes qui m'ont toujours passionné. La force de cette fiction est d'allier personnages réels et fictifs pour donner un résultat convaincant, sans effet de style. C'est un monde sombre, manipulateur, où règnent méfiance et stratégie. Il est impossible que je n'y adhère pas.

Mais dans le même temps, je reste réservée, comme je m'y attendais. Parce qu'il est impossible de passer du chef d'oeuvre si riche que constitue le roman à une mini-série de 3x90 minutes sans perdre une certaine saveur. Par moment, j'avais l'impression de reparcourir le livre, mais en accéléré : seules certaines scènes clés apparaissent, laissant de côté toute l'introspection des personnages et les dessous de chaque stratégie qui sont exposés avec minutie dans le roman original. Il m'est donc difficile d'apprécier objectivement ce pilote. Il est très intéressant sans aucun doute, mais il effleure seulement du doigt une complexité que son format empêche de mettre à jour réellement. L'épisode ne laisse apparaître qu'un pan de l'histoire mais sans pouvoir nous immerger totalement dans ce monde de l'espionnage. L'intention est là, mais limité par les exigences scénaristiques, on ne retrouve pas la même richesse. Les nuances disparaissent. On oublie le détail des rouages des histoires pour aller à l'essentiel. La mini-série garde une saveur appréciable. Vu le thème traité, je ne pouvais qu'accrocher, mais cela reste une adaptation. Cependant un téléspectateur qui n'a jamais lu le livre aura sans doute une vision différente.

Je vous conseille donc de vous intéresser à cette mini-série -dont France 2 a déjà acheté les droits- qui ne démérite pas, à la réalisation soignée et au casting impeccable. Si vous aimez le genre, que vous avez apprécié Raisons d'Etat cet été, vous aimerez The Company. Mais une fois le visionnage terminé, je ne saurais trop vous conseiller de vous plonger dans le roman. Vous verrez alors en quelque sorte l'envers du décor exposé dans la mini-série et toutes les subtilités que la retranscription à l'écran a gommées, contrainte de résumer, ne pouvant tout mettre en lumière. Si je comprends ces absences, elles m'empêchent d'apprécier pleinement la mini-série.

Pour vous faire une idée, voici la bande-annonce de The Company diffusée sur TNT :


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