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1h12 Am

Publié le 02 janvier 2009 par Lironjeremy

Les pensées ne laissent pas le temps de se laisser saisir. On les échappe. On en perd partout tandis qu’on marche ou qu’on s’escrime. Quand enfin l’occasion se présente de rasseoir dedans soi, comme disait Montaigne, et de poser des mots, calmement, ce n’est plus tout à fait pareil. Quelque chose s’est disjoint. On ne voit plus de ce dont on voulait parler que le reflet en soi, assez corrompu. Il y a une manière d’observer le monde qui est déjà le ranger, le soumettre à des schémas, on fait des empreintes partout sur la scène du crime. Fâcheuse habitude de considérer depuis soi, de se mettre en sujet partout. Comme si l’on se tâtait soi en touchant les choses. Il semble que l’on ne sache faire autrement, et lorsque l’on essaie de s’élever de soi, de prendre de la hauteur par quelque philosophie, le monde devient cet univers glacé, asphyxiant des idées pures. Quelque chose d’autre encore. On y retrouve mal sa baguette de pain.

J’en fais l’expérience à l’instant après avoir surpris la main levée quelques belles divagations : quand les méditations sont à point, se pencher sur le papier c’est comme leur tourner le dos. C’est comme ces malédictions qui préservent les secrets : « tu ne pourras pas dire ce que tu as vu, quand tu essaieras on te prendra pour fou. » C’est peut-être présomptueux, on n’aura peut-être rien surpris de tellement formidable. Que dire du monde alors qui est, désespérant, immense, étoilé de chemins divers qu’il faudrait parcourir d’un seul mouvement sans rien en négliger. Le beau, avançait Valéry, est ce qui est désespérant. On le croit. Si on veut aventurer des mots, des images à nous, bref si on veut penser le monde, ce ne peut être qu’avec des pensées multiples et simultanées, des contradictions nombreuses et qui ne s’empêchent pas – un art monstrueux. Sûr que ça ne peut se faire tout seul. Et c’est pas sans risque d’inviter comme ça chez soi un monstre qui viendrait grignoter nos décors, tordre nos phrases, qu’on y verrait un sombre abîme derrière. Allé ! Toute conscience du monde sera monstrueuse ou ne sera pas.


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