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87ème semaine de Sarkofrance : les paris risqués de Sarkozy

Publié le 03 janvier 2009 par Juan
87ème semaine de Sarkofrance : les paris risqués de SarkozyNous sommes en 2009. Voici le temps de vœux. L'omniprésident a délivré les siens. 2008 fut marquée par une avalanche d'évènements que nul n'aurait pu prévoir. L'année qui débute s'annonce périlleuse. Nicolas Sarkozy a fait des paris que d'aucuns jugeront risqués : sur la crise, sur le monde, sur nos enfants.
Un monarque trop narcissique
Nicolas Sarkozy est évidemment très doué. Il a gagné la présidence de l'UMP (2004), puis celle de la France (2007). Pour 2009, son chantier principal n'est pas tant de répondre à la crise que de préparer sa réélection. Il va réorganiser l'UMP, jusqu'à intégrer ses proches rivaux, et reprendre le contrôle de la scène politique nationale. Alors que son opposition reste éparpillée aux quatre coins du puzzle politique, Nicolas Sarkozy est rôdé à la conquête du pouvoir.
Il a aussi cette qualité de savoir communiquer. Moins il agit, plus il parle. Il fallait y penser. Cette semaine, ses vœux furent un modèle du genre : "2008 a été dure pour vous; 2009 le sera également ; mais j'ai bien bossé."  Il prend des vessies pour des lanternes, et confond son narcissisme avec du volontarisme. Chacun de ses discours est inondé de "je".  Même ses vœux du 31 décembre dernier, supposés généreux, furent pollués de quelques 23 "je" (contre à peine une quinzaine de "nous" plus collectifs) : "J’ai promis", "Les initiatives que j’ai prises", "je vous ai toujours dit la vérité et j’ai agi", "Je suis plus décidé que jamais", "j’ai voulu", etc.
Voilà qui pourrait le perdre. Il suffirait d'une chose: un basculement social. Comme l'écrivait un confrère, la "vague est en formation, elle est partie." Le système sarkozyen, qui gravite tout entier et sans fusibles autour du Monarque, pourrait se révéler terriblement contre-productif. En effet, le Monarque est bien peu visionnaire, tout occupé qu'il est à courir après ses propres lubbies.
Un président peu visionnaire
Rappelez-vous il y a un an. Nicolas Sarkozy s'était inventé un dessein pour ses vœux du 31 décembre 2007 : il nous parlait de "politique de civilisation", un concept chipé au sociologue Edgar Morin. A l'époque, Sarkozy avait besoin de nous faire oublier ses agapes à Disneyland et sa conquête express de Carla Bruni. Au plus bas dans les sondages, il nous annonçait presque mystique que le monde (et surtout lui) avait besoin de sens (si possible religieux). Quelques mois plus tôt, alors que la crise des subprimes éclatait aux Etats-Unis, il avait fait voter la défiscalisation des intérêts d'emprunts immobilier, et souhaitait encore relancer le crédit hypothécaire pour les ménages les plus fragiles. Tous les observateurs économiques prévoyaient un ralentissement de l'économie, et contredisaient jour après jour les prévisions erronées de la ministre Christine Lagarde. Sarkozy défiscalisait quand même les heures supplémentaires, créant un effet d'aubaine pour les entreprises et la ruine de l'intérim.
Puis la "grande" catastrophe arriva. Le système financier américain puis mondial échappa de peu à une faillite générale. Au prix de centaines de milliards d'euros, les Etats le sauvèrent. Sarkozy, immobile pendant 15 jours, suivit Gordon Brown (pour le sauvetage des banques) et Angela Merkel (pour la relance de l'économie).
La relance incertaine
Si le premier eut "la" bonne idée (recapitalisation massive du secteur, injection de liquidités, garanties interbancaires), la seconde fut critiquée pour sa timidité. En France, on crut même que Sarkozy s'opposait à Merkel. Pourtant, le propre plan de relance français a beaucoup de similitudes avec son voisin allemand. Tous les deux parient sur une reprise rapide de l'économie, dès la fin 2009. Tous deux n'ont pas jugé bon de soutenir l'économie à court terme. Sur les 26 milliards d'euros, à peine 4 milliards correspondent véritablement à un soutien rapide de l'activité. Face aux 160 000 destructions d'emplois des 4 derniers mois et la récession qui menace, le Monarque accélère la construction de 2 TGV et le renouvellement de l'équipement des armées. Belle audace !
Nicolas Sarkozy a bien annoncé un renforcement du traitement social du chômage pour quelque 100 000 contrats, un terme élégant pour désigner les subventions accordées aux entreprises pour maintenir les embauches. Mais le plan ne semble pas à la hauteur des enjeux. Même le Figaro s'inquiètait ces derniers jours d'un embrasement social généralisé. On attend près de 10 millions de chômeurs dans les pays développés d'ici 2010, contre 7 actuellement. L'OCDE estimait récemment que «les jeunes, les immigrants les travailleurs peu qualifiés et les seniors souffriront le plus».
Un pays plombé
La France paye aujourd'hui ses erreurs du passé, avant même le déclenchement de la crise : la dette atteint un niveau record. En 1995, Jacques Chirac avait préféré lâcher des baisses d'impôt aux classes supérieures. En 2007, Nicolas Sarkozy préféra dépenser une quinzaine de milliards d'euros d'abattements fiscaux inutiles et contre-productifs. En 2009, le déficit budgétaire frôlera les 80 milliards d'euros, un record historique sous la Vème République. Le slogan anachronique du "Travailler plus pour gagner plus" a un prix que nous payons aujourd'hui : la destruction de l'emploi intérimaire et des CDD, rendus inutiles par la loi TEPA. Voici 64 000 chômeurs de plus en novembre, alors que la récession ne fait que démarrer... L'Insee attend un quatrième trimestre 2008 en récession de -0,8% du PIB français, et 170 000 destructions d'emplois au premier semestre de cette nouvelle année.
Lundi dernier sur France inter, le député-lobbyiste Frédéric Lefebvre répétait encore que ce "paquet fiscal" était en fait le premier plan de relance européen (sic !). Il a tout faux. La loi TEPA a ... accéléré l'effet de la crise mondiale sur l'emploi en France: en période de ralentissement économique, les entreprises suppriment les heures supplémentaires; puis elles coupent l'intérim et les CDD; puis vient le temps des plans sociaux. Grâce à la défiscalisations des heures supplémentaires, elles ont directement rogné sur l'intérim et les CDD dès avril, précipitant des milliers de travailleurs précaires au chômage. Cela fait 7 mois que celui-ci augmente... bien avant l'effondrement des Bourses et le resserrement du crédit en septembre.
L'idéologie contre le pragmatisme
Pourquoi un président qui s'affiche si pragmatique pour justifier ses pirouettes ferait-il autant d'erreurs ? A y regarder de plus près, Nicolas Sarkozy semble bloqué dans un logiciel de pensée peu structuré qui s'est révélé franchement obsolète à l'épreuve des faits : son obsession libérale en faveur d'une déréglementation du travail le conduit aux pires anachronismes. On l'a vu précédemment avec les heures supplémentaires, une mesure inutile et coûteuse. Mais ce n'est pas tout. Au printemps dernier, sous prétexte d'encourager l'emploi des seniors, il a supprimé la dispense de recherche d'emploi pour les plus de 57 ans : l'âge limite de dispense sera relevé de six mois par an, passant dès 2009 de 57,5 à 58 ans. Supprimer les pré-retraites alors l'emploi se dégrade depuis plus de 7 mois, il fallait y penser !  
Un autre entêtement ? La traque aux sans-papiers. Voici un ministère qui peine chaque année à trouver 26 000 immigrés clandestins à expulser (heureusement que Mayotte lui fournit 17 000 "éloignements" par an !), qui gaspille son temps et notre argent (une expulsion coûte 20 970 euros d'après la commission des finances du Sénat !) pour éloigner du territoire des personnes souvent intégrés, qui travaillent et cotisent, et que même leurs employeurs veulent garder.  
Autre exemple, la "réforme" de l'Education Nationale. Pourquoi s'entêter à réduire l'enseignement et ses moyens ? Au dernier recensement, on apprenait que la France avait gagné 3 millions d'habitants en 7 ans. Notre pays bénéficie de l'une des natalités les plus dynamiques d'Europe. Le ratio si régulièrement affiché d'une douzaine d'élèves par enseignant est l'une des statistiques les plus grossières jamais utilisée que n'importe quel parent conteste avec facilité. Le monarque et son zélé Xavier Darcos ont entrepris de diminuer la durée des enseignements, du primaire au lycée. Il a fallu des émeutes de la jeunesse grecque pour que le pouvoir recule ... en France sur la "réforme" du lycée. Mais Sarkozy s'entête. Il l'a redit lors de ses voeux de l'année.
Code du travail, immigration, éducation, les entêtements sarkozystes ne manquent pas.
La France aborde la crise sans moyens, avec un pouvoir sans idées.
Bonne année.&alt;=rss

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