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"L'échange"

Publié le 06 janvier 2009 par Jb
eastwood_echange.jpg Note : 9/10
Mais comment fait donc Clint Eastwood pour être aussi fécond et surtout aussi brillant ? Après avoir signé un diptyque en forme de chef-d'œuvre avec Mémoires de nos pères et Lettres d'Iwo Jima, le bougre remet ça avec L'échange, une réussite totale. Il offre en passant l'un de ses meilleurs rôles (en même temps on ne lui avait pas non plus proposé 60.000 bons films) à Angelina Jolie, au demeurant maigrissime : je me fais du souci pour elle !
L'ex-Lara Croft incarne Christine Collins, une femme active qui vit seule avec son fils à Los Angeles. Nous sommes en 1928. Un jour qu'elle rentre de son travail (au sein d'une grande entreprise téléphonique, elle occupe des responsabilités ordinairement confiées à des hommes), elle trouve sa maison vide : son fils a disparu.
Après plusieurs mois, des policiers débarquent à son travail et lui annoncent que Michael a été retrouvé. Après un moment d'euphorie, sur le quai de la gare, Christine Collins déchante rapidement : le jeune garçon, contrairement à ce qu'il affirme sans en démordre, n'est pas son fils.
Mais la tragédie ne s'arrête pas là : la police de Los Angeles, en proie à d'incessantes critiques (justifiées) de la société civile, qui veut du coup absolument redorer son blason, n'admet pas son erreur et exhorte Christine à penser qu'elle se trompe et que le garçon est bien son fils.
Le film bascule alors dans une ambiance kafkaïenne : Christine, sûre de son fait, soutient avec force que le garçon que la police lui demande d'accueillir chez elle n'est pas son fils ; le capitaine Jones, de son côté, ne veut rien entendre. Il convoque un expert médical qui l'examine. Alors que Christine affirme que, plusieurs mois avant sa disparition, son fils mesurait 8 cm de plus que le garçon qu'elle a aujourd'hui en face d'elle, ce médecin parvient, convoquant à lui de pseudos arguments scientifiques, à asséner que tout cela est normal et ne prouve rien.
A bout d'arguments, Christine croise heureusement la route du Révérend Briegleb, un pasteur presbytérien qui n'a de cesse de dénoncer, durant l'émission de radio qu'il anime, la corruption et l'incompétence de la police de L.A. Le révérend a immédiatement confiance en sa version des faits et lui offre son soutien, la mettant toutefois en garde contre la puissance de la police.
Briegleb ne croit pas si bien dire : conscient que Christine Collins risque de lui mettre la ville à dos, alertant la presse et comptant bien se battre, le capitaine Jones la convoque à son bureau en catimini et, d'un claquement de doigt, la fait interner en hôpital psychiatrique. Le psy chef de service étant à la solde de l'administration policière, le cas de Christine ne souffre aucune discussion.
Parallèlement à ce film politique sur la puissance de l'administration et ses dérives, où les pouvoirs policiers, médicaux et plus particulièrement psychiatriques s'alimentent l'un l'autre et ne cherchent même plus à aider les citoyens (sommes-nous si loin des régimes totalitaires ?), Clint Eastwood ouvre un deuxième film qui flirte davantage avec l'enquête policière et le film noir et s'avère même être une authentique réflexion sur le mal.
En effet, grâce à la ténacité de l'un des agents du LAPD (l'un des rares qui semblent encore avoir un minimum de conscience), un tueur en série qui kidnappe des enfants et les tue les uns après les autres dans son ranch est arrêté. Gordon Northcott a-t-il tué Michael Collins ? Il semble en tous cas établi qu’il l’a kidnappé, même si un doute subsiste quant à sa mort.
Le révérend Briegleb parvient alors à arracher Christine Collins de l’hôpital psychiatrique dans lequel la police l’avait jetée et, plus encore, lui offre les services de l’un des meilleurs avocats de la ville.
C’est alors que commence un troisième et dernier film, qui ressemble un peu à certains films de procès qu’on a déjà pu voir par le passé. La police de Los Angeles, monstre froid ayant eu tous les droits, passe enfin dans le box des accusés. Le pouvoir judiciaire se retourne contre elle et la sanctionne lourdement, ce qui permet à la société civile de Los Angeles, au bord de l’implosion sociale, de retrouver un peu d’espoir. Christine Collins a certes gagné sa bataille contre la police mais cela ne lui ramènera pas son fils.
L’échange a ceci de particulier, qu’il est à la fois très classique dans sa forme et sa réalisation, mais aussi extrêmement fouillé, riche et quasi subversif puisque Clint Eastwood, malgré son grand âge, n’est pas loin de vanter la révolte citoyenne des habitants de Los Angeles.
Bien sûr c’est une autre époque mais il ne sera pas très difficile de voir dans cette intrigue un clin d’œil à nos temps actuels, un peu comme Eastwood l’avait déjà fait avec Mémoires de nos pères. Comme toujours le cinéaste est à la fois subtil et méticuleux, proposant à ses spectateurs plusieurs grilles de lecture et plusieurs objets de réflexion éthique et morale.
On retrouve donc avec L’échange les principales qualités de ce très grand réalisateur hollywoodien (au sens le plus positif du terme) : limpidité et profondeur, dépouillement et émotion, sens historique et qualités d’imagination. Beaucoup tueraient pour ne faire qu’un seul film de la sorte, lui les enchaîne et ça force le respect. Un film qui aurait intégré mon best of 2008 si je l’avais vu quelques jours plus tôt !

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