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"Leave her to heaven" ("Péché mortel") Gene Tierney, angélique et diabolique

Par Vierasouto

John M Stahl (1945), nominations aux oscars comme meilleure actrice

"Péché mortel" est le film dont les fans de Gene Tierney vous diront qu’elle y est la plus belle et la plus troublante de toute sa carrière d’actrice, c’est le moins qu’on puisse dire… Le regard que pose l’inconnue sur son vis à vis, l’écrivain Richard Harland dont elle est justement en train de lire le dernier ouvrage, dans le luxueux compartiment du train tendu de velours bleu pétrole, ce regard est indescriptible, du jamais vu et jamais revu, la beauté absolue, l’océan mortel, comme le péché, du regard bleu infini de la femme enfant, demeurée à jamais l’enfant inconsolable que rien ni personne ne saura consoler…

Drame noir plus que film noir, "Péché mortel" décrit un univers idéal et idéalisé baignant dans les bonnes manières et les rires partagés, où on jardine, on joue du piano, on se baigne dans le lac, tandis que les ingrédients imperceptibles et souterrains d’un drame que nul ne verra venir se mettent lentement en place. Des sentiments monstrueux poussent parmi les fleurs du jardin d'une Amérique parfaite et aseptisée.


L’écrivain Richard Harland sort de prison et revient chez lui en bateau, les habitants du village le plaignent entre eux "pauvre homme!", son avocat, venu à se rencontre, raconte à un tiers son mariage avec la séduisante Ellen Berent, flash-back…

Dès leur première rencontre dans le train, Ellen dit à Dick qu’il ressemble à s'y méprendre à son père jeune. Plus tard, amenés à faire plus amplement connaissance par l’entremise d’un ami commun, Dick est invité à loger dans la même demeure que tout la famille d’Ellen. Avec sa sœur Ruth et sa mère, Ellen s'en va à cheval dans la campagne disperser les cendres de son père qu’elle adulait. Quelques jours plus tard, la jeune femme, obnubilée par la ressemblance de l’écrivain avec son père, rompt brusquement ses fiançailles et annonce son mariage avec Dick, médusé… Il accepte.

Le couple part en voyage de noces visiter Danny, le petit frère infirme de Dick, dans un hôpital. Ellen supplie le directeur de l’établissement de ne pas le laisser sortir pour habiter avec eux car elle veut rester seule avec Dick. Dans cette maison isolée au bord du lac, elle ne veut pas non plus de domestiques pour troubler leur intimité et l’arrivée surprise de sa mère et de sa sœur la plonge dans une vive colère. Un après-midi qu’elle apprend à nager à Danny, elle tente de le convaincre d’aller vivre avec sa sœur et sa mère, l’adolescent refuse, elle met ses lunettes noires et se renferme sur elle-même… Quand Danny appelle au secours qu’il a une crampe, elle le laisse se noyer… mais entendant soudain la voix de son mari sur la rive, elle se jette à l'eau en maillot bleu ciel (sublime..) en feignant d’aller le sauver… Bien que Dick n’ait aucune preuve contre Ellen, le chagrin et les soupçons le rongent, le couple ne s’en remettra pas… Sur le conseils de sa sœur, Ellen se laisse convaincre d’attendre un enfant pour consoler Dick mais cette grossesse, qui suppose l’arrivée d’un enfant la privant d’un tête a tête exclusif avec son mari, lui fait horreur… Arrive alors l'inoubliable scène culte du film : le regard perdu et maléfique de Gene Tierney en déshabillé et mules en satin bleu pâle en haut de l’escalier, un must… La machine dramatique va s’emballer encore bien au delà, le rapprochement de Dick pour sa douce belle-soeur Ruth dans les bras desquels la jalousie maladive d’Ellen l’a poussé, envenimant encore la situation.

Film dédié à son actrice principale et focalisé sur son personnage de femme fragile vénéneuse et psychopathe, les apparitions de Gene Tierney sont un étourdissement, les maillots une pièce vert anis, bleu ciel, rouge sang, le manteau blanc au col d’hermine, les robes sanglées à la taille de guêpe, les cheveux mi-longs crantés, le réalisateur joue à la poupée, pendant que le regard magnétique de l’actrice météore d’Hollywood subjugue la caméra et les spectateurs.

Gene Tierney, dont on ne savait jamais comment l’employer dans les studios à cause de son physique atypique au regard de chat, aux pommettes hautes, vouée souvent à des rôles semi-exotiques, aura une carrière courte et une fin de vie misérable malgré ses origines bourgeoises, inconnue et ruinée, employée vers la fin de ses jours comme caissière d’un supermarché, elle a raconté notamment dans ses mémoires "Mademoiselle, vous devriez faire du cinéma" ses séjours abusifs en hôpital psychiatrique qui l’ont définitivement brisée.

Ce film hypercolorisé fin des années 40, à la mise en scène classique et soignée mais sans éclat particulier, ne vaut que pour elle et elle le vaut bien, l’effet hypnotique garanti que Gene Tierney au sommet de sa beauté et de son art, exerce sur tous, du réalisateur au simple spectateur du DVD, surprendra les plus blasés, attention, certaines scènes sont indélébiles pour la mémoire cinéphile…


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