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L’exercice du Dimanche (2) : la dignité dans tous ses états (l’autre folle du logis)

Publié le 11 janvier 2009 par Combatsdh

Sujet: la sauvegarde de la dignité de la personne humaine est-elle, dans la jurisprudence administrative et judiciaire, l'autre "folle du logis"?

L’exercice du Dimanche (2) : la dignité dans tous ses états (l’autre folle du logis)
Depuis la constitutionnalisation du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine (n° 94/343 du 27 juillet 1994, Loi bioéthiques), l'affaire Benetton pour les juridictions judiciaires (TGI Paris, 1 er février 1995, X et autres c/ Sté Benetton, et CA Paris, 28 mai 1996 : la société a " utilisé une symbolique de stigmatisation dégradante pour la dignité des personnes atteintes de manière implacable en leur chair et en leur être, de nature à provoquer à leur détriment un phénomène de rejet ou de l'accentuer ")

et l'affaire du " lancer de nains" pour le Conseil d'Etat (CE 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge) ou encore par la Cour de justice des communautés européenne (CJCE 14 oct. 2004, Omega Spiehlhallen, n° 36/02 ) ou même le Comité des droits de l'homme des nations unies (Comm. n° 854/1999, 26 juill. 2002, Wackenheim c/ France), l'utilisation de la notion est récurrente mais avec des finalités diverses.

(voir par exemple l'utilisation de l'article 3 de la CEDH pour la protection de la dignité de la personne privée de liberté le premier exercice du Dimanche).

Dans cette perspective commentez l'apport des 3 affaires suivantes en insistant sur les modalités d'utilisation de la dignité comme principe de protection de la personne humaine.

1°) CE 26 novembre 2008, Syndicat mixte de la Vallée de l'Oise, Commune de Fresnières, communauté de communes du Pays des Sources

L’exercice du Dimanche (2) : la dignité dans tous ses états (l’autre folle du logis)
Le Conseil d'Etat était saisi d'une demande d'annulation d'un arrêté autorisant une société à exploiter un centre de traitement des déchets.

Or le projet portait sur un secteur ayant fait l'objet de combats durant la 1° guerre mondiale, avec une quarantaine de dépouilles de soldats reposant dans le secteur concerné.

Le Conseil d'Etat pose pour principe que " les décisions en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement doivent respecter les principes fondamentaux relatifs au respect de la dignité humaine".

Au cas d'espèce, le Conseil d'Etat constate toutefois que, si des restes humains étaient exhumés au cours du chantier, une procédure, faisant l'objet d'un protocole d'accord, a été mise en place pour leur enlèvement et leur inhumation. L'arrêté qui tient compte de ce protocole n'a pas méconnu le principe de respect de la dignité humaine.

2°) CA Paris, 28 novembre 2008 "affaire de la poupée vaudou à l'effigie du chef de l'État" en PDF : ca-paris-28-nov-2008-pouper-vaudou-sarkozy.1231681660.pdf

L’exercice du Dimanche (2) : la dignité dans tous ses états (l’autre folle du logis)
Par un arrêt du 28 novembre 2008 la cour d'appel de Paris a statué sur la commercialisation d'une poupée vaudou à l'effigie du chef de l'État.
La Cour a précisé que la poupée, porteuse des expressions reprenant les propos du président de la République ou faisant allusion à ses comportements publics, n'est pas en soi critiquable en ce qu'elle n'est qu'une caricature-objet, rattachée au livret qui l'accompagne et relate les épisodes auxquels ces expressions font allusion.

Cependant, si le manuel ne propose pas de planter les " aiguilles " dans la personne même du chef de l'État, mais seulement de " piquer " sans autre précision, en brocardant les expressions citées plus haut, il n'en va pas de même des mentions du coffret qui invitent le lecteur " Grâce aux sortilèges concoctés [...] à reconstruire le paysage politique français ".

La cour d'appel a estimé que le fait d'inciter le lecteur à avoir un rôle actif en agissant sur une poupée dont le visage est celui de l'intéressé et dont le corps porte mention d'expressions qui se rattachent à lui, avec des épingles, piquantes par nature, et alors que le fait de piquer volontairement, ne serait-ce que symboliquement, outrepasse à l'évidence les limites admises, constitue une atteinte à la dignité de cette personne.

La cour d'appel a toutefois jugé que la mesure sollicitée d'interdiction de la poupée n'est pas proportionnée et adéquate en ce qu'elle est une mesure spécialement attentatoire à la liberté d'expression et en ce qu'elle porte atteinte à l'oeuvre dont les auteurs n'ont pas été appelés dans l'instance.

Il sera enjoint à la société d'apposer, au besoin par un bandeau, sur tout coffret mis en vente ou proposé à quelque titre que ce soit au public la mention " Il a été jugé que l'incitation du lecteur à piquer la poupée jointe à l'ouvrage avec les aiguilles fournies dans le coffret, action que sous-tend l'idée d'un mal physique, serait-il symbolique, constitue une atteinte à la dignité de la personne de M. SARKOZY ".

L’exercice du Dimanche (2) : la dignité dans tous ses états (l’autre folle du logis)

v. Jules de Diner's room : Retour sur la poupée vaudou du Président Sarkozy : l'arrêt d'appel

3°) TA Versailles, réf., 24 décembre 2008, de Bourbon de Parme : Affaire exposition "koons"

[en l'absence de jugement disponible je reproduis des articles de presse]

L’exercice du Dimanche (2) : la dignité dans tous ses états (l’autre folle du logis)

Le tribunal administratif a donné raison, mercredi en fin d'après-midi, au château de Versailles qui expose les œuvres de l'artiste contemporain Jeff Koons. Le prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme, "descendant direct de Louis XIV", avait engagé une requête en référé contre l'établissement public du domaine national de Versailles pour " profanation et atteinte au respect dû aux morts ".

Il protestait contre le prolongement du 15 décembre au 4 janvier de l'exposition, qui a attiré plus de 500 000 visiteurs depuis son ouverture le 10 septembre. Mais le tribunal a rejetté sa demande.Contacté à 17 h 40, le président de l'établissement public, Jean-Jacques Aillagon, se félicite : " Toute cette requête reposait sur une idée que le descendant des Bourbon avait un droit moral et quasi patrimoniale sur le château. Lui donner raison serait revenu à nier la proclamation de la République. Le château de Versailles est un bien de la Nation."

* L'exposition koons à Versailles devant la justice , Le Point.fr, 24 décembre

Crime de lèse-majesté à Versailles ? Jeff Koons a été au centre mercredi d'une nouvelle joute entre détracteurs et partisans de l'exposition de l'artiste américain au château du Roi Soleil, devant le juge des référés. Suspendre ou non une démonstration, jugée sulfureuse et pornographique par les plaignants, telle a été la question, posée devant le tribunal administratif.

Le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a décidé de rejeter la requête du prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme qui demandait l'interdiction de l'exposition. " L'existence d'un droit de vivre sans profanation de ses ancêtres et d'un droit à accéder à la connaissance du patrimoine sans contrainte pornographique ne constituent pas des libertés fondamentales", a considéré le juge des référés. Le juge a estimé également que l'exposition ne portait "pas atteinte au respect de la vie privée et familiale des visiteurs de l'exposition et de leurs enfants".

Un argument qu'avait fait valoir l'avocat du prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme, Me Rosny Minvielle de Guilhem de Lataillade, au cours de sa plaidoirie. Attestant de la "qualité de son client comme descendant de Louis XIV", l'avocat a parlé d' atteintes à des libertés fondamentales , évoquant le devoir de mémoire et le respect dû aux ancêtres . Parlant d' atteintes considérables à l'image de Louis XIV, l'orateur avait fait également allusion au caractère pornographique des oeuvres de Jeff Koons, notamment un " dialogue charnel d'une femme avec une panthère rose". " Il existe une lecture des oeuvres à deux degrés, très pernicieuse, avec des insinuations pornographiques. Les enfants doivent avoir la liberté d'accéder au patrimoine national sans être confrontés à la vision de ces sculptures extrêmement malsaines".

"Versailles était un lieu de naissance, pas de mort"

De son côté, Me Marie Delion représentant l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles a indiqué que le château de Versailles avait pour vocation d'" accueillir des expositions". "Il ne s'agit pas uniquement d'oeuvres du passé mais également du présent", a-t-elle dit, parlant d'une "confrontation", d'une "mise en perspective entre le passé et le présent". " Le public est invité à renouveler son regard sur le passé, à entreprendre une réflexion sur l'histoire de l'art", a avancé le conseil. Me Delion a fait valoir que le château de Versailles " n'est nullement un tombeau", ayant été " sous Louis XIV un lieu de vie". " Les rois étaient enterrés à la basilique de Saint-Denis. Versailles était un lieu de naissance, pas de mort", a précisé le conseil.

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Pour ce commentaire comparé vous pourrez utiliser les documents suivants.

- la liste des références sur la dignité du cours de Danièle Lochak de M1 droit public à Nanterre

- ce fascicule de TD en PDF du cours de droit des libertés fondamentales de l'IEJ de Nanterre

NB: la folle du logis c'est le qualificatif donné par René Chapus à la voie de fait dans son Droit administratif général, tome 1 (voir ce billet ).


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