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Gaza: au-dela de l'horreur

Publié le 13 janvier 2009 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
PAR JACQUES PILET

Nous assistons en direct à l'écrasement d'un minuscule territoire où s'entassent un million et demi de Palestiniens désespérés. Ce camp était assiégé depuis des mois, bouclé, suspendu à l'aide humanitaire. Il est aujourd'hui bombardé, privé d'eau, d'électricité, de carburant, plongé dans le froid, l'obscurité, menacé de famine.

Lors d'une manifestation de protestation, une militante parisienne du "MRAP" (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) déclarait à France-Inter: "J'ai perdu une partie de ma famille à Auschwitz: mais j'ose le dire, ce qui se passe à Gaza peut se comparer au ghetto de Varsovie."

Nous voyons tout, ou presque, et nous nous sentons dépassés par tant d'abominations et d'enjeux cachés. L'interdiction faite aux journalistes de se rendre sur place n'y change rien: on ne peut rien ignorer de ce qui se passe. D'ailleurs, plusieurs chaînes de télévision réussissent malgré tout à donner la parole à des correspondants sur place. A noter au passage l'étonnant travail de Aljazeera International qui non seulement raconte heure par heure ce qui se passe à Gaza mais multiplie aussi les reportages en Israël, sur les dégâts causé par les rockets, et n'hésite pas à donner largement la parole aux dirigeants de Jérusalem.

Reste que ces regards instantanés, s'ils font monter des indignations croisées, aident peu à comprendre. Parce que, au-delà de l'horreur immédiate, les clés de la tragédie sont à chercher dans le passé et dans l'avenir.

L'histoire de la Palestine, depuis la création de l'Etat d'Israël, est un parcours sans fin d'humiliations, de frustrations, d'échecs. On peut gloser à l'infini sur les responsabilités des uns et des autres. Le fait est là: cette population est à bout. En rage. Sans la moindre perspective. Mais si ! rétorquera-t-on, quand il y aura une direction palestinienne raisonnable, la voie sera ouverte vers un véritable Etat. Utopie. Depuis que l'Autorité palestinienne joue le jeu du dialogue, elle n'a rien obtenu qui puisse la renforcer et se trouve ainsi discréditée. D'autant plus qu'aujourd'hui, Hamas se pose en dernier rempart héroïque contre l'occupation.

Ces dernières années, la carte de la Cisjordanie s'est constellée de nouvelles colonies juives - implantées à l'encontre de toutes les injonctions internationales -, de routes les reliant entre elles, de postes de contrôle israéliens. Ce puzzle dont les petites pièces flottent sans s'imbriquer ne peut plus dessiner l'image d'un véritable pays. L'avenir de ces territoires paraît plutôt comparable aux "bantoustans" d'Afrique du sud au temps de l'apartheid, dominée par les Blancs, avec quelques réserves sous étroite surveillance pour les indésirables.

Et Gaza ? L'armée israélienne, équipée des moyens les plus sophistiqués - elle se bat surtout la nuit avec des instruments de vision nocturne -, forte de son aviation, de son artillerie, de ses bateaux de guerre, ne laisse aucun espoir militaire au Hamas. Mais qu'adviendra-t-il ensuite sur ce champ de ruines ? A la détresse matérielle s'ajoutera une nouvelle humiliation. Sur ce terreau ne peut que pousser encore plus de haine. Les kamikazes se bousculeront pour commettre des attentats vengeurs. Imaginer qu'une fois éliminés les leaders du Hamas, les habitants de Gaza se rangeront gentiment aux désirs de l'occupant est évidemment absurde: une fable de la propagande israélienne.

Que ce mouvement islamiste, si détestable au regard de l'Occident, ait accumulé les fautes politiques et se soit lancé dans de stupides provocations, c'est l'évidence. Mais aux yeux des Palestiniens, il incarne la résistance. Et, même vaincu militairement, il ressortira renforcé de la guerre.

Israël n'a pas tiré la leçon de son offensive de 2006 contre le Hezbollah. Mille morts, un pays cassé et au bout du compte, un ennemi plus que fort que jamais. Celui-ci, il est vrai, ne tire plus sur son voisin. Mais il a pratiquement mis le Liban sous sa coupe.

L'avenir est plus sombre que jamais. Les tentatives de médiation, de réactivation du processus de paix, resteront longtemps lettre morte. Le sang continuera de couler. Et le poison des haines s'étendra bien au-delà de la région.

Jacques PILET


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