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L’Europe vagabonde : Constance, sans amnésie, et les chutes du Rhin sur les pas de Hugo,

Publié le 15 août 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Une chronique de William Petitjean pour RELATIO avec la complicité de Jacki F., internaute amoureux,et d’ Yves Simon, « L’homme arc en ciel » et de  Victor H., « L’homme Océan »... « Le lac de Constance, j’ai longtemps cru qu’il était français. A cause de la chanson  d’Yves Simon  peut-être… « Amnésie », a chanté « L’homme arc en ciel » « Les mots d'amour mots de guerre
Et d'indifférence
Seront noyés dans les eaux
Du lac de Constance »
Mais Constance, c’est Konstanz…  Entre le France et lui : la Suisse. Qui  partage ses eaux avec l’Autriche (la Bavière vient s’y mouiller un bras) et l’Allemagne. Bodensee, le lac ! Une vraie mer sur le Rhein, pardon, le Rhin. Au pied des Alpes. Le Lagus Brigantinus des Romains a trois belles poches : l’Obersee ou lac supérieur, entre Bregenz (Autriche) et Constance ; le lac inférieur (Untersee) et le lac d’Überlingen. C’est une région fantastique… Cette année, bien sûr, la pluie était un peu trop généreuse, mais ce ciel fâché a donné aux Chutes du Rhin voisines, à Shaffouse, un coté infernal qui remue les tripes. » Nous y reviendons… Jacky F. a découvert le Bodensee par amour des ballons… Friedrichshaffen,  capitale  des Zepplin. Un mode de transport du futur ces autobus de l’air contrariés dans leur développement par la grande dépression, l’hitlérisme, l’angoisse des accidents (qui a fait le succès du film « L'Odyssée du Hindenburg »)…et le développement des avions.

Mais en cette ère d’économies forcées d’une énergie raréfiée, le Zeppelin n’est pas condamné à dormir dans le magnifique « Zeppenlinmuseum » de Friedrichshaffen.  Il va loin, et vite le Zepplin du XXI ième siècle

« Le Zepplin ne fait pas prendre que de  l’altitude : comme les ballons, les dirigeables, ces aéronefs nous font prendre de la hauteur d’esprit…»,  sourit Jacky F. Les paysages sont tellement différents, vu du ciel. Ils nous attirent, magnétiques. Ils nous donnent envie de nous poser et de les explorer. Au Bodensee, l’aire, l’eau et la terre ! Des paysages mystiques, ou du moins qui inspirent des élans mystiques. Pas étonnant qu’il y ait autant de petites églises. Des paysages qui te poussent à entrer en toi-même, dans le labyrinthe du « moi » profond» Pas étonnant que cette région soit celle de Carl Gustav Jung,  l’ami-ennemi de Freud. Cet « explorateur de l’âme humaine dans ses profondeurs les plus cachées », comme on dit dans les syndicats d’initiatives du coin est né à Kesswil,   un vrai village où il n’y a rien à voir mais toute une atmosphère à sentir sur la rive suisse du lac ». La théorie des climats est d’abord celle des paysages, en effet. Et l’on voit (aussi) ce que l’esprit projette… « Il suffit de se balader sur les rives du Bodensee, de s’arrêter dans les villages, pour se sentir à la fois profond et léger,  serein et troublé, calme  et inspirés », insiste Jacki F qui dit préférer ces villages peu fréquentés aux hauts lieux de la région célébrés par les guides, comme l’île Mainau où un micro-climat fait pousser des fleurs surprenantes dans cette Suisse pleine de secrets. Romantisme… « Oui cette région est très romantique », soupire Jacki F. « Un romantisme qui fait sourire et non pleurer , avec cette pointe d’ironie que donnent ces châteaux et ces églises baroques qui font le bonheur des photographes du dimanche… Meersburg, par exemple. J’ai aimé à Meersburg : on en ferait une chanson, non ? Le fort de la mer… »  

Là, se rencontrent l'Obersee et l'Überlinger See.  Une ville de cartes postales qui semble narguer, de loin, la fière Constance. , juste en face, sur l’autre rive. On raconte qu’elle a été construite par le Roi Dagobert Ier  , celui de la culotte à l’envers

De Constance,  ville impériale et gravée dans l’Histoire par un Concile à l’heure de l’œcuménisme puisqu’il mit fin eu Grand schisme d’Occident en 1418  La ville en a conservé une trace visible érigée en 1993 : la statue Impéria  qui tourne sur elle-même toutes les trois minutes. La Suisse horlogère n’est pas loin… « Mais en été, c’est sur la rive autrichienne qu’il faut aller. Bregenz ! La capitale du Vorarlberg  la partie la plus à l’ouest de l’Autriche. Cette cité deux fois millénaire, celte et fière de l’être,  qui a pour emblème la Tour Saint-Martin dans la vieille ville médiévale, est devenue une véritable Mecque des amateurs d'architecture moderne. Des architectes tels que Hans Hollein, Jean Nouvel et Peter Zumthor ainsi que le groupe des « Vorarlberger Baukünstler » ont apporté ces dernières années des contributions décisives au site urbain de cette ville de 28 000 habitants qui est riche parce qu’on y travaille beaucoup. Comme toute la région d’ailleurs. Mais on essaie de concilier industrie et environnement » Tout à fait, grâce à une coopération transfrontalière très active. Qui sait conduire un projet de « développement durable » où la protection de l’environnement tient une place primordiale. Mais Bregenz, c’est surtout, la ville qui fait rêver tous le mateurs d’Opéra. Pour cette année, c’est un peu tard : le festival se termine ce 19 août…  Jacky F. y était. Avec sa fée de Meersburg, bien sûr…  « J’ai pris mon pied. Malgré la pluie. Fantastique, cette scène lacustre ! La plus grande du monde… Et j’avais réservé des places depuis longtemps : cette Tosca-là ne se rate pas, même quand on est pas un  esthète de l’oreille…Grandiose. Comme l’Orchestre de Vienne dans ce décor…Puissant, surtout avec cette mise en scène d’avant-garde. Giacomo Puccini et les nouvelles technologies !   D’ailleurs, j’ai lu quelques critiques d’experts : elles sont unanimes. » Et le programme  ne se résumait pas à cela : un haut lieu de l’Europe culturelle, Bregenz ! « Pour que la fête soit totale, je suis allé écouter et voir les chutes du Rhin ! Avec ce temps, cette année, c’était géant. Océan »…  Comme Hugo  , « l’Homme Océan » qui mieux que quiconque a su décrire ce qui donne à Schaffhouse une célébrité mondiale.   Cela n’a rien à voir avec le Niagara, : c’est plus tourmenté.  Il faut y aller, coté suisse et coté allemand, en osant la navigation et la montée glissante vers le belvédère qui  domine les rochers. Frissons assurés. « Là aussi, le paysage est mystique », soupire Jacki F. en nous contant son « expédition ». Mais qu’il nous pardonne, Jacki F. ! C’est Hugo, sur Schaffhouse, qui aura ici le dernier mot… « Je suis descendu un peu plus bas, vers le gouffre. Le ciel était gris et voilé. La cascade fait un rugissement de tigre. Bruit effrayant, rapidité terrible. Poussière d'eau, tout à la fois fumée et pluie. à travers cette brume on voit la cataracte dans tout son développement. Cinq gros rochers la coupent en cinq nappes d'aspects divers et de grandeurs différentes. On croit voir les cinq piles rongées d'un pont de titans. L'hiver, les glaces font des arches bleues sur ces culées noires.
Le plus rapproché de ces rochers est d'une forme étrange ; il semble voir sortir de l'eau pleine de rage la tête hideuse et impassible d'une idole hindoue, à trompe d'éléphant. Des arbres et des broussailles qui s'entremêlent à son sommet lui font des cheveux hérissés et horribles.
à l'endroit le plus épouvantable de la chute, un grand rocher disparaît et reparaît sous l'écume comme le crâne d'un géant englouti, battu depuis six mille ans de cette douche effroyable. (…)
 Là, tout vous remue à la fois. On est ébloui, étourdi, bouleversé, terrifié, charmé. (…). On est enveloppé d'une effroyable averse tonnante. (…) Les deux géants qui redressent la tête, je veux dire les deux plus grands rochers, semblent se parler. Ce tonnerre est leur voix. Au-dessus d'une épouvantable croupe d'écume, on aperçoit une maisonnette paisible avec son petit verger. On dirait que cette affreuse hydre est condamnée à porter éternellement sur son dos cette douce et heureuse cabane. Je suis allé jusqu'à l'extrémité du balcon ; je me suis adossé au rocher.
L'aspect devient encore plus terrible. C'est un écroulement effrayant. Le gouffre hideux et splendide jette avec rage une pluie de perles au visage de ceux qui osent le regarder de si près. C'est admirable. Les quatre grands gonflements de la cataracte tombent, remontent et redescendent sans cesse. On croit voir tourner devant soi les quatre roues fulgurantes du char de la tempête » Victor Hugo termine sa lettre  par un des ces détails que seul l’œil d’un génie peut voir :  « Dans une anfractuosité du roc, j'ai remarqué une petite touffe d'herbe desséchée. Desséchée sous la cataracte de Schaffhouse ! Dans ce déluge, une goutte d'eau lui a manqué. Il y a des cœurs qui ressemblent à cette touffe d'herbe. Au milieu du tourbillon des prospérités humaines, ils se dessèchent. Hélas ! C'est qu'il leur a manqué cette goutte d'eau qui ne sort pas de la terre, mais qui tombe du ciel, l'amour ! » Cette « goutte » qui ne manque ni à Jacki F. et à sa fée du « fort de la mer », ni à Yves Simon, le « voyageur magnifique » : « Demain, je t’aime »…

 

William PETIJEAN

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