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Nuit de chien

Par Rob Gordon
Nuit de chienCe chien-là est un peu foufou, extrêmement joueur, un peu dangereux aussi : il faut dire que son maître se nomme Werner Schroeter, fêlé de première, qui n'a jamais fait comme tout le monde. Sa dernière oeuvre est encore moins orthodoxe que les précédentes, et c'est en cela qu'elle a de l'intérêt. Juste en cela. Nuit de chien, c'est un opéra baroque aux accents dépressifs, un voyage de nulle part vers nulle part où l'excès est roi. Les dialogues sont gonflés à l'hélium, s'envolant parfois vers des sommets de n'importe quoi, d'autres fois vers une sorte de douce poésie un peu inquiétante. Les acteurs sont excessifs au possible, s'abandonnant totalement à une théâtralité souvent gênante mais qui renforce la bizarrerie totale de l'ensemble.
Nuit de chien s'annonce déjà comme l'un des favoris au tire de film le plus opaque de l'année. Il se base sur une crise politique et militaire dont on ne connaîtra jamais la nature, mais dont la structure nous est toutefois expliquée par quelques une des protagonistes, et notamment des chauffeurs de taxis hyper calés en géopolitique. Il montre aussi comment un homme peut prendre tous les risques pour aller retrouver celle qu'il aime mais annihile tout en montrant régulièrement son dédain pour ce faux acte d'héroïsme. De deux choses l'une : soit c'est philosophiquement très poussé et donc inaccessible pour nous mortels, soit c'est juste une oeuvre utilisant l'entropie comme matériau, se satisfaisant pleinement de la perplexité du spectateur. Spectateur dont l'intérêt croît et décroît régulièrement, balloté par un Schroeter qui mêle les tonalités avec un sens absolu du contraste.
Au final, ce qui sauve un peu le film, c'est sa photographie atypique mais concordant pleinement avec le fond. Quelques séquences un peu moches ne feront pas oublier la beauté des ciels de cette ville-là, la profondeur insoupçonnée de certains petits salons, la noirceur exquise des bureaux. L'image permet de se raccrocher sans cesse à un film plus glissant qu'un savon, plus insaisissable qu'une bille de mercure, dont on ignore toujours si c'est de l'art ou du cochon (© Thiéfaine), mais qui parvient à marquer durablement l'esprit. À la sortie, on a tout de même sacrément envie d'aller se laver l'esprit en se tapant un gros blockbuster sans cervelle.
4/10

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