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APRES LES EMEUTES DE KEDOUGOU : La grande controverse

Publié le 17 janvier 2009 par Black2004

Ce qui s’est passé mardi 23 décembre ŕ Kédougou mérite et des interrogations mais aussi et surtout un diagnostic trčs approfondi. En un temps record, la ville réputée la plus pacifique du pays a vécu des événements cauchemardesques assimilables ŕ un tsunami. Un phénomčne qui a surpris tout le monde. A commencer par les autorités sénégalaises.

Un aperçu sur les composantes de la population de Kédougou permettrait aux et aux autres d’ętre éclairés. Diakhankés, Malinkés, Peuls, Bassaris et Dialonkés sont les principales ethnies qui composent la nouvelle région, mais il s’y ajoute maintenant les wolofs, les Sérčres, les Diolas,les Maures etc. Qu’est-ce qui serait ŕ l’origine de ces émeutes ? Les jeunes seraient-ils manipulés ? Y avait-il des signes annonciateurs ? Voilŕ autant de questions que nous tenterons de répondre en nous basant sur beaucoup de choses qui se sont passées dans la cité collinaire et qui constituaient des prémisses qu’on pouvait gérer si on les avait prises au sérieux tout en privilégiant de facto un dialogue permanent.

Qu’est ce qui a été ŕ l’origine de ces émeutes d’abord ?

Nous tenterons de vous donner des réponses par rapport ŕ toutes les interrogations qui ont été posées sans considération aucune. Primo, vous nous concédez qu’il y a des ennuis dans toutes les localités oů on exploite des ressources miničres. Donc, il était quasiment impossible que Kédougou fasse l’exception ; mais jusqu’ŕ en arriver lŕ oů nous sommes aujourd’hui, personne n’y avait pensé.

Quoiqu’il en soit il faut concéder ŕ l’Etat sénégalais que l’existence du fonds social minier a été une grande premičre męme si par ailleurs, il est considéré comme une nébuleuse. Ce fonds a été mis sur pied par des compagnies miničres telles que Mineral Deposits Limited (Mdl) avec sa filiale Sabodala mining company, Oromin et Arcelormittal.

Le programme social minier (Psm) résulte d’engagements spécifiques d’investissements sociaux au profit des populations des collectivités locales abritant les opérations miničres qui ont été négociées dans le cadre des conventions miničres entre l’Etat et les sociétés miničres. Il est directement exécuté par lesdites sociétés en partant des préoccupations exprimées par les populations elles-męmes, sous la supervision du ministčre en charge des mines.

Tel était l’objectif du fonds social minier tel qu’il avait été défini mais compris autrement par les populations périphériques. Ces derničres pensaient que les milliards qu’elles entendaient parler devaient ętre versés dans les caisses du trésor public afin qu’ils servent les collectivités sises dans le périmčtre minier des différentes compagnies signataires du programme social minier.

A cet effet, plusieurs Comités départementaux et régionaux ont été organisés dans ce sens uniquement pour lever cette équivoque qui planait dans la tęte des gens. Mais, ne pouvant rien contre cette décision qui vient de l’autorité, les populations sont restés toujours sceptiques. C’est pourquoi l’Etat en collaboration avec les compagnies miničres doit instaurer un dialogue sans précédent avec les populations qui ont l’obligation d’ętre informées.

Ce fonds social minier a été aussi décroché avec l’appui de quelques organisations non gouvernementales telles que « la lumičre » qui a beaucoup contribué ŕ la capacitation des élus locaux, des jeunes et des acteurs non étatiques. Sachant que la région de Kédougou dispose de ressources incommensurables comme l’or, le marbre, le fer et éventuellement de l’aluminium, il était paradoxal voire anormal que cette localité soit la plus pauvre au Sénégal.

Les étudiants de Kédougou n’osaient pas aller l’université parce que n’ayant pas de tuteurs ŕ Dakar, Saint-Louis est encore trop loin. Et c’est dans ce contexte que l’arrivée des multinationales en l’occurrence Arcelor Mittal qui exploite le fer de Boféto a permis ŕ ces jeunes de sortir un peu de l’oubli. Surtout avec les fonds mis ŕ la disposition par ces sociétés ŕ la ville qui ont permis de louer et d’équiper un immeuble flambant neuf pour plus de soixante-dix étudiants que compte Kédougou. Chaque étudiant ne versant que la somme de 3000 Fcfa mensuellement pour les éventuelles factures ŕ payer.

Le 7 décembre dernier, au moment oů les étudiants sont arrivés ŕ Kédougou pour passer la fęte de tabaski, c’est dčs leur arrivée aux environs de 14 heures qu’ils ont commencé ŕ brűler des pneus au rond-point de la ville oů Sina Sidibé serait tué ŕ moins d’une centaine de mčtres. Une situation qui a été maîtrisée par les gendarmes et sapeurs pompiers. Ils se sont entretenus avec le commandant de brigade de la gendarmerie qui les demandait de lui dire les problčmes auxquels ils ont été confrontés.

Un document a été scellé et envoyé au préfet ; mais les jeunes qui attendaient ŕ ce moment de pied ferme le chef de l’Etat Me Abdoulaye Wade qui devait effectuer un voyage sur Kédougou, continuaient ŕ tenir des réunions périodiques durant toutes les fętes. Ces derniers voulaient accueillir le président de la république avec des brassards rouges pour montrer ce qu’ils considčrent comme injustice.

Ils ont comme soucis un manque d’emploi, la construction des routes, des politiques qui ne sont pas ŕ la hauteur, la spoliation de leurs terres, les enseignants qui engrossent leurs élčves bref beaucoup de problčmes qui méritent des réflexions afin qu’ils soient résolus définitivement.

Mais, oů étaient les autorités de la région (gouverneur, préfet) et la police et la gendarmerie qui ont l’obligation de rendre compte ? Question encore sans réponse. Depuis Dakar, le président de l’association des élčves et étudiants ressortissants de Kédougou (Aeerk) disait qu’il avait suggéré ŕ ses camarades de régler les problčmes ŕ l’amiable ; ce qui n’a pas été fait.

Les camarades d’Amadou Diouldé Barry tiennent des réunions les 21 et 22 décembre auxquelles avaient assisté tous les mouvements associatifs pour que la mayonnaise puisse prendre. Ils ont été męme invités ŕ une radio de la place, mais les jeunes disaient toujours que la marche serait pacifique. La nuit du 22 au 23 décembre, les jeunes en fins stratagčmes avaient fait le tour de la ville en dénichant beaucoup de pneus qu’ils avaient prévu d’incendier le lendemain sans cependant oublier les affiches qui cachaient les façades des murs des points stratégiques.

Le lendemain, ce qui devait arriver sans que personne ne le souhaite, arriva. Mais, seraient-ils vraiment manipulés politiquement ? Cette hypothčse est dégagée et balayée d’un revers de main par tous parce qu’aucun politique n’aurait recommandé aux jeunes d’incendier des institutions de la république. Auraient-ils un coup de pouce de personnes malintentionnées ; L’hypothčse est probable de l’avis de certaines personnes.

Les contours encore flous de la révolte

Elle sera répondue en triade. Et les jeunes et leurs parents et l’Etat. Chacune de ces parties en a une grande part de responsabilité sur ce qui s’est passé le mardi 23 décembre dernier ŕ Kédougou. Les jeunes encadrés par les étudiants, commencent ŕ ętre éveillés aujourd’hui ; ce qui échappe beaucoup d’autorités administratives qui continuent ŕ croire que le pays de feu Mamba Guirassy continue ŕ ętre un lieu de pénitence.

Me Abdoulaye Wade, dčs son accession au pouvoir, avait recommandé ŕ qui le voulait, de porter un brassard rouge quand il n’était pas content ; c’est ce que les jeunes de Kédougou ont ŕ plusieurs reprises fait lors du passage de certains ministres.

Le troisičme responsable de ces émeutes sanglantes du mardi noir, estiment certaines personnes ŕ Kédougou est l’Etat sénégalais qui n’a pas voulu, selon elles, jouer franc jeu avec les jeunes. Quand le ministre des mines déclare ŕ l’opinion publique que l’usine de Sabodala, une fois ouverte peut prendre 20.000 emplois alors que les géologues et techniciens en la matičre soutiennent vraiment le contraire donc il y a problčme.

Dans le męme ordre d’idées, il faut signaler que des compagnies comme Oromin et Arcelor Mittal pour ne citer que celles-ci sont en phase d’exploration. Et comme le comprennent bien certains jeunes, « vous savez pertinemment que celui qui cherche peut ne pas trouver et si c’est le cas il taille la route. » Donc les jeunes de Kédougou devraient penser ŕ se former pour ętre les premiers bénéficiaires des retombées de l’exploitation de ces ressources.

Des plaies qui mettront du temps ŕ guérir

Les émeutes du 23 décembre ont causé des dégâts collatéraux inimaginables. Deux morts du côté des marcheurs et de nombreux blessés sans oublier les dix-huit autres jeunes qui vont purger une peine de 5, 7 et 10 ans d’emprisonnement ferme en attendant un éventuel appel de ce jugement bien sévčre. L’administration, elle aussi, en a beaucoup souffert. La préfecture, l’inspection départementale de l’éducation, le service des eaux et forets, celui de l’agriculture, la douane, la Brigade mobile de sűreté du territoire (Bms) surtout le domicile du commissaire, la gendarmerie (domicile du commandant de brigade) et le tribunal flambant neuf en ont beaucoup souffert. Tous ces services ont été calcinés y compris leurs mobiliers ŕ part quelques petits matériels qui ont pu ętre sauvés.

Des archives de l’époque coloniale, des dossiers de certains détenus, des requętes pour les audiences foraines ont été emportées par les flammes. Aujourd’hui, il n’existe pratiquement plus d’administration ŕ Kédougou. Et pourtant, des personnes animées d’une bonne foi ont toujours joué la carte de l’apaisement.L’imam Thierno Alpha Bâ, l’ancien député maire socialiste El Hadj Bocar Sidibé, la présidente des groupements féminins Adja Aya Ndiaye qui ont été rejoint par Mamadou Sylla, conseiller technique ŕ la présidence de la république ont joué également un rôle prépondérant dans cette période de crise.

« J’ai amené la premičre délégation composée de dix membres chez le gouverneur pour qu’on installe le dialogue afin que la paix revienne », indiquait le sieur Sylla qui était venu au lendemain des émeutes et qui y est resté jusqu’ŕ la veille de la rencontre entre Wade et la délégation de Kédougou. « En pareilles circonstances, précise M. Sylla, on a besoin d’ętre sereins et de conjuguer nos efforts sans considération aucune pour que les populations sentent que nous compatissons ŕ la profonde affliction qui les anime. »

Cependant, il faut aussi signaler que la délégation qui était partie rencontrer le président de la République se trouve dans l’Etat de disgrâce des populations. Męme si elles ont été rabrouées par l’autorité ; il apparaissait ŕ n’ont pas eu le courage de faire la restitution telle qu’ils l’avaient annoncée ŕ Dakar.

Une cité encore sous état de sičge

Aujourd’hui, on constate que depuis le mardi noir de décembre, une forte présence d’hommes en uniformes et remarquée dans les rues. On assure c’est pour « la sécurité »des populations.Un contingent de la légion de la gendarmerie d’intervention (lgi) et une troupe du groupement mobile d’intervention (Gmi) sur commande des autorités sont lŕ. Cette force de dissuasion rassure les populations de Kédougou, ville frontaličre de la Guinée et du Mali. Cela, parce que les jeunes délinquants et autres malfaiteurs en errance, n’ont plus droit de cité.

Selon nos sources, les hommes en bleu en ont pour six mois avant d’ętre remplacés par d’autres troupes. Par ailleurs, il est bon de préciser que les activités économiques, sociales, professionnelles et męme « politiques » ont repris. La situation que vient de vivre la petite ville verte du sud-est, pose de maničre lointaine toute la stratégie de gouvernance des villes africaines proches des mines de pétrole, d’or et de diamant. Des sortes de No man’s land laissés aux multinationales et ŕ la logique de l’argent qui mine toute forme de vie. Au seul nom de la rentabilité économique et financičre.


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