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Le meurtre de Samedi-Gloria, Raphaël Confiant

Par Alain Bagnoud

Marché sous les parasols, par Cathy Mélin

J'avais assisté il y a quelque temps à une conférence de Jean Rouaud sur la littérature-monde. Vous vous en souvenez peu-être. Je vous en avais parlé ici .
Jean Rouaud et ses amis n'apprécient pas le parisiano-centrisme germanopratin. Ils pensent que la langue française se féconde quand elle vient des provinces et des autres pays francophones. Ce n'est pas nous, en Suisse romande, qui allons contester ça.
Ni Raphaël Confiant, qui est probablement un parfait exemple de ce dont Rouaud parlait. Raphaël Confiant, né en Martinique en 1951 et dont l'ambition, dans Le meurtre de Samedi-Gloria, est de faire résonner la langue populaire de son île et de dresser le portrait des petites gens qui la peuplent.
Le meurtre de Samedi-Gloria est en fait un polar. Quelqu'un a assassiné le « major » d'un bidonville, qui y faisait régner l'ordre et affrontait en danse-combat ritualisée les majors des autres quartiers. Il s'agit de découvrir qui a fait le coup.

Je le dis tout de suite: en tant que roman policier, le livre est raté. Pas de suspense ni de construction bien solide. On ne s'intéresse pas une seconde à celui qui a tué et à ses raisons. Ce meurtre est simplement un prétexte qui sert à faire le portrait des petites gens du quartier (la prostituée somptueuse, les crieurs des rues, les ramasseurs de tinettes, les mères dont chacun des enfants a un père différent et la plupart du temps inconnu) à raconter leurs habitudes, leurs superstitions, leur culture populaire, leurs croyances mêlées.

On remonte un peu dans le passé de l'île. On écoute une langue chatoyante, bigarrée, inventive. On apprend aussi le découpage sociologique de l'île, entre les blancs encore propriétaires de plantations et tout-puissants et les indiens, coolies, tamouls, méprisés de tous, avec entre deux toutes les couches intermédiaires de métis et de noirs...
Raphaël Confiant a situé son récit en 1966, probablement parce qu'à cette époque, les traditions n'avaient pas été émoussées par la modernité et que les différences sociales étaient encore tranchées. Pourtant le livre n'est pas nostalgique. Une célébration, plutôt, de ce peuple ensoleillé, vivant, chamarré, et de sa langue inventive.

Raphaël Confiant, Le meurtre de Samedi-Gloriam  Folio


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