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Errances parisiennes… Les oeufs durs de la rue de Liège

Publié le 20 janvier 2009 par Paristoujoursparis

Lundi après midi. Je laisse passer un homme souriant, qui sort de ce café bien parisien. Civilités urbaines de bon aloi. L'âge venant, je dois maintenant fréquenter les cafés régulièrement, pour des raisons… hygiéniques. C'est l'après coup de feu. Derrière le comptoir, on s'affaire. parmi trois personnes, un homme plus âgé, en pull et cheveux blancs immaculés.

- Vous désirez?

Pour moi, ce sera un café, comme d'habitude. J'attends, en humant l'ambiance. Ca sent surtout le cawa, le petit noir, l'express, la noisette. Et mes yeux, tout à coup, se heurtent à un très jolie chose : dans un charmant petit panier garni de paille, gisent deux oeufs durs. Une véritable surprise, car les oeufs, depuis longtemps, ont déserté les comptoirs parisiens… Ils en étaient pourtant l'un des principaux ornements, souvent présentés sur un support de bakélite, par six, faisant la ronde autour d'une indispensable salière.

Et puis le règlement est passé par là. Pas hygiénique le petit oeuf heurté sur le zinc. C'était pourtant bien pratique, pour calmer une petite faim. Ou parfois une grosse :

Il est terrible
le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l'homme
la tête de l'homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glace du grand magasin
une tête couleur de poussière

Forcément… Comment ne pas penser à Prévert à ce moment précis? D'autant plus qu'en sortant du métro Liège, j'ai aperçu un homme qui tendait la main… A quelques mètres de lui, l'oeuf dur est là, aussi inaccessible que le jour où Prévert coucha ces quelques mots dans La grasse matinée

mireurs.jpg

Compteurs mireurs aux Halles de Paris, vers 1900


Sur le comptoir, dans une soucoupe de faïence blanche, gisent quelques coquilles de l'oeuf mangé par mon voisin de droite. Il est sorti, a humé l'air parisien, et s'est éloigné, avec en bouche les goûts étranges et mélangés d'un modeste oeuf dur et d'une bière. Un repas de roi pour l'affamé de 2009, à la tête “couleur de poussière”.

Puis je suis sorti à mon tour, envahi par la mélancolie. Tiens? Il ne pleut plus!

Et je me rendu à mon rendez-vous, toujours troublé par la simple vision de quelques coquilles sur un comptoir.


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