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Economie pour Obama / par Alain Sueur

Publié le 21 janvier 2009 par Argoul

Article repris par Medium4You

Le modèle du laisser-faire intégral s’est écroulé avec le laxisme des subprimes et l’impuissance de la SEC, de la Fed et du Trésor à endiguer la catastrophe. Les mesures prises depuis six mois ont été des improvisations parfois réussies (baisse rapide des taux, adossement de Bear Stearns, soutien aux banques semi-publiques Fannie Mae et Freddie Mac), parfois stupides (réticences envers le plan Paulson des Républicains, faillite de Lehman). Mais l’équipe Bush ne gère que les affaires courantes depuis quelques mois. Reste à trouver à la nouvelle équipe Obama une stratégie pour s’en sortir.

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La première priorité est le paquet massif de stimulus économique de 825 md$, présenté au Congrès. Il est balancé entre un tiers de relance par la consommation et deux tiers de dépenses d’investissement à long terme. Car le pays est en récession et une croissance ‘normale’ ne reviendra probablement pas avant 2 ou 3 ans. Le soutien aux ménages par des baisses d’impôts pour les classes moyennes et populaires (« pour rémunérer le travail et créer des emplois », dit le projet), et le soutien aux défauts de crédit immobilier sont indispensables pour passer le cap. On ne pourra plus compter comme avant sur l’effet richesse des hausses de la bourse et de l’immobilier pour soutenir la consommation et provisionner les retraites !

A plus long terme, l’accent est mis sur la reconversion de l’économie américaine du tout finance vers la production efficace. Les incitations à une productivité accrue dans les infrastructures (90 md$), l’énergie (54 md$) et la technologie (16 md$) manifestent que la focalisation maniaque sur la seule rentabilité financière a montré sa fragilité. Seul ce qui est réel est rationnel – pas le virtuel du levier ni de la dette. Le ‘deleveraging’ (fin du levier, désendettement massif) fera retourner l’Amérique à ses qualités historiques : esprit d’entreprise, réactivité des gens et des capitaux, amour de la technique et de la technologie, souplesse du contrat.

En ce sens, les Etats-Unis d’Obama ne vont pas tomber dans l’erreur commune en Europe de soutenir par les deniers publics les industries mal gérées et les secteurs condamnés par la concurrence mondiale. D’autant que la préoccupation de réduire le déficit cumulé (financé par le reste du monde) est vif là-bas. Le souci légitime de l’emploi et du savoir-faire technologique dans l’automobile, l’aviation, l’acier, ne peut contrebalancer l’obsolescence des outils, des règles et des produits. Ces industries seront soutenues sous réserve de profondes réformes, en faveur d’une moindre consommation de carburant, de réorganisation et d’extinction des privilèges directoriaux ou d’actionnaires indus. Les emplois perdus seront soutenus par des indemnités plus longues (102 md$) et une couverture santé (24 md$), mais c’est bien au secteur privé de redonner des emplois à terme, pas à l’Etat. S’il est conforté (91 md$ pour les emplois publics vitaux), le rôle de l’Etat aux Etats-Unis est d’inciter, d’autant plus fortement que la crise est sévère, mais sans se substituer aux entreprises. D’où le souci de l’éducation, notamment professionnelle, dans le plan de relance (142 md$).

Restent trois dangers : la peur de l’immigration, l’appel au protectionnisme économique et le défaut de financement long terme. C’est ce qui a perdu les années 1930, de la vieille Europe au Japon.

L’immigration a favorisé l’Amérique, la crise risque d’exacerber les tensions entre les nouveaux chômeurs et « ceux qui viennent manger not’ pain ». Obama est peut-être mieux préparé que d’autres pour contrer ce ressentiment en redonnant des perspectives à la classe moyenne blanche comme aux minorités qui ont pris en marche l’ascenseur social. Barack et Michèle ne sont-ils pas les symboles de cette Amérique méritocratique mais soucieuse des défavorisés ?

Le protectionnisme est le populisme de l’économie. Sa solution simpliste paraît lumineuse (yaka taxer les importations) alors qu’elle crée de graves problèmes : quid du mauvais exemple et de l’inévitable rétorsion aux produits américains ? quid de la déstabilisation économique de l’Europe, empêtrée dans les dettes d’Etat, et de la déstabilisation politique des pays émergents, sevrés de rentrées dues à leurs produits à bas coûts ou à leur matières premières  (Chine, pays arabes, Russie, Amérique du sud) ? quid des mesures politiques contre les bons du Trésor détenus en masse par les Chinois et les Japonais ? quid du dollar ? C’est au contraire l’ouverture du monde qui a permisla prospérité dans l’histoire. Les périodes de fermeture économique ont abouti à des guerres, du Blocus continental napoléonien aux lois protectionnistes des années 30. La tentation de relocaliser les emplois et de taxer les importations va croître si l’économie ne repart pas dans les deux années qui viennent. Au gouvernement Obama de résister en faisant la pédagogie des accords de libre-échange, comme le fit Clinton en son temps avec l’ALENA.

Le défaut de financement long terme survient lorsque les déséquilibres persistants du Budget comme de la balance commerciale n’incitent plus les prêteurs internationaux à acheter votre dette. Cela fait s’envoler les taux d’intérêt et chargent les dépenses annuelles d’un remboursement accru. Sous Clinton, le Budget était redevenu positif, il s’est abîmé sous Bush. A Obama de restaurer la règle du Budget contracyclique : dépenser les années mauvaises par l’investissement public, des baisses d’impôts et des distributions sociales les surplus soigneusement accumulés les années fastes, grâce à des hausses d’impôts et la fin de prestations sociales qui n’ont plus lieu d’être.

Cela demande une vision longue, une humilité envers toutes les mesures (qui doivent être évaluées et avoir un terme) et un incontestable courage politique. Mais quel exemple pour nos pays !


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