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Vive la CNIL ! A bas l’Etat policier !

Publié le 21 janvier 2009 par Kamizole

fichiers-police-stic.1232546490.jpgDécidément, la CNIL fait fort ces derniers temps… A peine quelques jours après avoir épinglé la carte Navigo (Carte Orange à puce qui remplace désormais la version carton) un rapport de la CNIL constitue un réquisitoire en règle contre les conditions d’utilisation, le contenu et la conservation des données du plus gros fichier de police : le STIC, autrement dit le «Système de traitement des infractions constatées»

La CNIL – Commission nationale informatique et libertés – est une autorité administrative indépendante crée en 1978 par la loi «informatique et libertés» adoptée après le tollé suscité par le projet de fichier de police «Safari», révélé par un article du Monde le 21 mars 1974, lequel visait à interconnecter tous les fichiers à partir du numéro Insee : celui qui figure sur nos cartes de sécurité sociale…

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Pour de plus amples rensei-gnements sur la CNIL, je vous renvoie à un article de Wikipedia fort bien documenté.

Le STIC a été mis en place en 2001. Il concerne toutes les procédures pénales et les renseignements portent aussi bien sur les personnes mises en cause que sur les victimes des infractions.

Au 1er décembre 2008, selon les données fournies par la CNIL, ce fichier renfermait plus de 36 millions de procédures concernant 5 millions et demi de personnes mises en cause et 28 millions de victimes… c’est dire son importance !

100.000 policiers (sur 146.000) sont habilités à consulter le STIC et doivent à cet effet entrer un mot de passe. Cette activité donne lieu à plus de 20 millions de consultations par an. Ce chiffre est assez impressionnant pour que l’on s’entourât de garanties quant à l’utilisation et à la conservation des données.

Loin de moi l’idée de condamner l’existence d’un tel fichier national qui a toute son utilité dans la recherche des auteurs d’infraction. Il serait foncièrement stupide de se priver de l’outil informatique et compter sur le hasard d’échanges d’informations (ou la sagacité d’un policier) pour faire le lien entre différentes affaires de Dunkerque à Marseille ou de Strasbourg à Brest.

Même s’il y a parfois des abus – qui devront être corrigés – personne ne saurait regretter qu’un banal contrôle routier permette à l’occasion d’arrêter un dangereux criminel en fuite ou un escroc.

C’est la première fois que la CNIL enquête sur le STIC. Elle n’a pas lésiné sur les moyens et l’on peut dire que ses investigations donnent une image relativement exhaustive de l’utilisation et du contenu du STIC.

Elle a mené 19 contrôles sur le terrain, entre juin et novembre 2008, dans sept commissariats, quatre services régionaux de police judiciaire, quatre tribunaux de grande instance, une direction régionale des renseignements généraux et trois préfectures. De plus, un questionnaire a été envoyé à 34 tribunaux de grande instance qui représentent à eux seuls 50 % de l’activité pénale,

A en croire l’article du Monde lu hier soir, selon la CNIL «les conditions d’utilisation (du STIC) sont très impar-faites»

Les critiques de la CNIL portent sur les conditions de consultation du fichier STIC par les policiers, le contenu dudit fichier avec des disparités importantes selon les départements, et les conséquences sociales parfois lourdes de conséquence qui peuvent en résulter pour les personnes inscrites.

Selon «20 minutes», «La Cnil a constaté «un manque de rigueur dans la gestion des habilitations et l’attribution des mots de passe» ainsi que des «défauts de traçabilité (qui) peuvent faciliter les dérives». Récemment, plusieurs policiers, dont un commissaire parisien, ont été mis en cause pour des utilisations, parfois monnayées, du Stic»… Au moins une chose réjouissante : ces flics «ripoux» figureront bientôt dans ce catalogue !

Même si la traçabilité des consultations est possible pendant 3 ans, selon la CNIL – qui se réunit en commission plénière aujourd’hui et devrait sans nul doute formuler de nombreuses propositions - les contrôles doivent être améliorés.

En effet, en ce qui concerne la consultation du fichier, d’une part il n’existe «aucun système d’alerte en temps réel permettant de détecter une utilisation anormale» et d’autre part, les vérifications a posteriori sont infimes : 120 en 2008 sur… 20 millions de consultations !

Mais c’est très certainement au niveau des données recueillies par les policiers et sur le plan de leur conservation dans le fichier bien après les décisions de justice que le bât blesse le plus. Et à l’évidence, un contrôle sérieux des autorités judiciaires, procureurs ou magistrats du siège serait plus que nécessaire.

Le rapport pointe des «erreurs de qualification juridique» des fait enregistrés. Ce qui ne me surprend guère, ayant lu l’an dernier dans Le Monde que nombre de policiers étaient incapables d’établir des PV corrects… Je veux bien que les flics de base n’aient aucune formation juridique mais leurs supérieurs hiérarchiques ?

A ma connaissance, pour entrer à l’Ecole nationale supérieure de la police (SNSP) il faut, sauf dérogation, être titulaire d’un diplôme Bac + 5 du niveau de l’actuel Master II… Il est bien évident que les candidats possesseurs d’une maîtrise de droit auront un indéniable avantage au cours de leurs études et que celles-ci devraient de toute évidence permettre de réactualiser leurs connaissances.

Or, la qualification juridique des faits, qui est un élément essentiel dans toutes les matières juridiques mais plus encore dans le domaine du droit pénal, a des implications directes sur le maintien ou non des personnes dans le STIC. En effet, le délai pendant lequel une personne figurera dans le fichier dépend de la nature de l’infraction…

20 minutes prend l’exemple de la drogue : le délai diffère selon que le mis en cause est un usager (5 ans), un revendeur (20 ans) ou un trafiquant (40 ans).

De plus, la CNIL s’inquiète à bon droit de «l’absence quasi systématique de transmission par les parquets des suites judiciaires nécessaires à la mise à jour du STIC» et relève «l’absence de terminaux permettant aux magistrats d’accéder au Stic», accès pourtant prévu par la loi de 2003 sur la sécurité intérieure.

Or donc, il apparaît que «l’inscription et le maintien d’une personne dans le STIC dépend des enquêteurs et non des conclusions de la justice»“Non seulement, la procédure de mise à jour du STIC est peu utilisée par les procureurs de la République, mais, dans certains cas, des demandes d’effacement formulées ne sont pas prises en compte par le ministère de l’intérieur.”

C’est bien entendu aberrant mais nous avons de plus en plus l’impression que la France n’est plus un véritable «Etat de droit » !

Ainsi selon «20 minutes» : «Sur un échantillon d’affaires portant sur 2007, la CNIL a relevé que les décisions de classement sans suite n’ont été transmises que dans 21% des cas, les relaxes dans 31%, les acquittements dans 7% et les non-lieu dans 0,5%. A chaque fois, les personnes mises en cause ont été maintenues «sans fondement juridique» dans le Stic, a dénoncé Alex Türk», président de la CNIL.

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Le maintien injustifié dans ce fichier de police peut avoir de graves conséquences sur la vie sociale d’un très grand nombre de personnes soumises à une enquête administrative. Le STIC est – obligatoirement - consulté pour le recrutement, l’agrément ou l’habilitation des personnes travaillant dans le domaine de la sécurité lato sensu : surveillance et gardiennage, agents de police municipale, salariés des zones aéroportuaires, gardes champêtres, magistrats, ambassadeurs… soit un million d’emplois concernés !

Il m’étonnerait fort par au demeurant qu’il ne soit pas consulté pour tous les emplois de la fonction publique, des agents SNCF et de La Poste, ceux tout du moins qui sont encore «sous statut» de droit public. J’avais été soumise à une enquête de police avant de rentrer – comme simple auxiliaire de bureau – à la DDASS du Loiret et plus tard, en 1981 lorsque j’envisageais de me présenter à un concours administratif dans le cadre des «emplois réservés» après avoir été reconnue travailleuse handicapée par la COTOREP.

J’ai d’ailleurs lu il y a peu de temps qu’une fonctionnaire avait perdu son emploi après une inscription sur le STIC pour conduite en état d’ivresse…

Enfin, le STIC est également consulté par les préfectures avant d’agréer les demandes de séjour ou pour l’acquisition de la nationalité française… Dans un contexte si peu favorable aux étrangers, nul besoin d’être grand clerc pour envisager l’utilisation qui peut être faite de renseignements qui ne seraient pas conformes à la réalité des faits !

La CNIL pointe également les disparités qui peuvent exister d’un département à l’autre, ainsi dans certains lieux les policiers n’inscrivent pas les données concernant des enfants de moins de 10 ans ou les personnes âgées de plus de 85 ans alors que d’autres n’opèrent pas une telle distinction.

En sachant que non seulement le STIC enregistre des données sur les auteurs d’infraction mais également sur les victimes, comment ne pas être indigné que d’y voir figurer parfois des mentions dont on se demande bien la pertinence quant à l’objet du fichier : “autiste”, “handicapé moteur”, “homosexuel”, “travesti”, “alcoo-lique” ! A cet égard, le contenu du STIC est aussi peu conforme à la légalité que l’était «Edvige» !

Je ne suis guère plus rassurée sur la plan des libertés publiques quand je lis qu’il est question d’adopter une classification générale qui ne devrait, dit-on, ne plus poser de problèmes. Certaines catégories sont évidemment pertinentes quant à l’objet du STIC : évadé, détenu, décédé (?) mais pour d’autres, les mêmes question se posent, surtout s’agissant d’informations recueillies pour les victimes ne me semblent guère plus pertinentes : touriste, auto-stoppeur ou personne vulnérable : handicapé physique/mental…

J’ai été heureusement auto-stoppeuse avant d’être handicapée physique ! sinon je cumulerais trop de choses.

SOURCES

La CNIL dénonce les dangers du plus gros fichier de police
LE MONDE | 19.01.09 ©
Vive la CNIL ! A bas l’Etat policier !

20 minutes

La Cnil a trouvé pire qu’Edvige: le Stic


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