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21 janvier 1940/Miró, Constellations

Par Angèle Paoli

Éphéméride culturelle à rebours


   Le 21 janvier 1940, à Varengeville-sur-Mer où il s'est installé, dans la villa « Clos des Sansonnets », Juan Miró peint la première gouache des Constellations. Varengeville-sur-Mer en Haute-Normandie, haut lieu du surréalisme (« un lieu où souffle l’esprit »). Quelque treize ans plus tôt, en 1927, « c'est sous ce même ciel, très découvert et d'une grande douceur », dans le Manoir d’Ango, qu'avaient été conçus deux ouvrages, Traité du style d’Aragon, et Nadja..., récit onirique d'André Breton, publié en 1928.


LA NUIT, LA MUSIQUE ET LES ÉTOILES
  Composé d'œuvres de même format et réalisé avec des matériaux identiques ― des petits formats sur toile de sac ―, l'ensemble des Constellations est une série de 22 gouaches. Une suite à la fois scientifique et musicale, prolifération de rythmes et de formes, dont les neuf premiers tableaux ont été exécutés à Varengeville, deux par mois, à partir de janvier 1940. Contraint de fuir le 20 mai, alors même que les troupes allemandes viennent d’envahir la France, Miró s'installe provisoirement à Palma de Majorque où il poursuit son œuvre et la termine le 12 septembre 1941, dans la ferme de Montroig, en Catalogne. Tendue entre ces deux dates et ces deux lieux, la trajectoire du peintre reste la même, fidèle à l'esprit qui a présidé à la naissance de l'œuvre. « N'importe où, hors du monde et du temps », pourvu que puisse se dire « l'idée de passage et de transmission à tout prix qui vaut, à la fois, pour la nature et pour le mythe ». L'Échelle de l'évasion, Le Chant du rossignol à minuit et la pluie matinale, Le 13 l'échelle a frôlé le firmament, La Poétesse, Le Réveil au petit jour, Femmes au bord du lac à la surface irrisée par le passage d'un cygne, Le Passage de l'oiseau divin. Les titres poétiques donnés par Miró aux compositions qui jalonnent les différentes étapes de sa vision, témoignent, chez le peintre, de sa « volonté passionnée d'exploration ».
  « Les premières Constellations sont encore peuplées de grandes figures reconnaissables, d'astres dominants. Puis les cadences se mettent en branle, les lignes bougent, s'enchevêtrent, tissent un réseau qui s'étend comme une toile d'araignée. Des signes d'une géométrie sensible se multiplient. Les profils étranges des personnages se rapetissent et une sorte d'égalité intervient entre les éléments humains, ou célestes, ou complètement inventés de cette création. Quelques motifs cependant reviennent avec insistance, l'échelle par exemple. Parfois aussi les personnages se trouvent devant tout un jeu de trappes, de signes magiques, de flèches, d'étoiles, comme les bêtes sur les murs des cavernes de la préhistoire.
  Les couleurs peu nombreuses ont une netteté, un éclat, une force inexorables et plus encore les noirs qui se divisent selon une répartition rigoureuse. Leurs combinaisons donnent une impression de richesse et de multiplicité. Elles baignent dans une clarté nocturne à demi-phosphorescente. »*
  « La nuit, la musique et les étoiles commencèrent à jouer un rôle majeur dans la suggestion de mes tableaux ».
   En 1941, une première rétrospective est organisée au Museum of Modern Art de New York par James Jonhson Sweeney. Exposées à la Pierre Matisse Gallery de New York en 1945, les Constellations de Miró sont le premier message d'ordre artistique à parvenir d'Europe outre-Atlantique, depuis le début de la guerre. Un message d'amour et de liberté.
* Jacques Lassaigne, Miró, Éditions Skira, 1963, page 88.



Voir aussi :
- (sur Terres de femmes) 12 juin 1925/Première exposition Miró à Paris ;
- (sur Terres de femmes) Joan Miró/Étreintes.



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