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L’Egypte face à l’excision

Publié le 14 janvier 2009 par Kak94

L'Egypte face à l'excision

par Masri Feki
chroniqueur de Tolerance.ca ®, président, Middle East Pact (MEP)

Officiellement interdite depuis dix ans, la mutilation génitale féminine (MGF) demeure très largement répandue sur les bords de Nil. Ce n'est qu'à la suite du décès d'une fillette, au moment de son excision, en juin 2007, que le gouvernement égyptien a lancé une campagne médiatique dénonçant cette pratique.
Le 21 juin 2003, le Conseil national de la maternité et de l'enfance organisait une conférence au Caire en coopération avec les Nations unies et des ONG locales et européennes. C'est à cette occasion que la première dame d'Egypte, Suzanne Moubarak, se basant sur une enquête démographique médico-sociale datant de 1995, a déclaré que 97% des femmes égyptiennes en âge de procréer étaient excisées, chiffre confirmée par la suite par le ministère égyptien de la Santé et par Amnesty International. L'enquête en question avait sondé près de 14 000 femmes égyptiennes, âgées de 14 à 49 ans. C'est l'un des taux les plus élevés parmi les 28 pays africains qui, de la Somalie au Sénégal, pratiquent différentes formes de mutilation génitale

L'excision consiste en l'ablation des parties génitales externes des jeunes filles - en général du clitoris - ce qui a pour but de provoquer une absence de plaisir sexuel chez la femme. Selon un dernier rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), cette mutilation peut en plus entraîner un certain nombre de perturbations d'ordre strictement médical : hémorragie violente pouvant entraîner la mort, douleurs insoutenables (l'opération étant effectuée sans anesthésie sur une zone riche en terminaisons nerveuses), difficultés à uriner (l'urètre étant très souvent endommagé), septicémies et inflammations chroniques de la vessie, des reins ainsi que des organes génitaux, douleurs violentes lors des rapports sexuels, accouchement éprouvant, traumatismes psychologiques et nerveux. Selon l'Association égyptienne des obstétriciens, l'excision serait à l'origine de 25% des cas de stérilité. De plus, 35% des inflammations chroniques chez les femmes et 85% des problèmes de l'appareil génital féminin seraient le résultat d'erreurs commises par les non-médecins lors de cette amputation.L'argument de la pudeurDes arguments pseudo-médicauxLa position officielle de l'Etat égyptien
Après l'annulation, le 24 juin 1997, par un tribunal du Caire, du décret du ministre égyptien de la Santé interdisant l'excision, sous les pressions des islamistes, aucune loi ne défend désormais cette pratique. Il est néanmoins prohibé qu'elle soit infligée par d'autres que par des médecins. Un autre décret (n° 415 de 1954) interdit la chirurgie hors des cabinets médicaux et des hôpitaux. Cependant, la loi n'a jamais empêché l'existence de boutiques, connues par tous, où se pratique l'excision sans anesthésie. Quant aux représentants religieux, ils approuvent souvent cette pratique. Au mieux, c'est le cas du Mufti de la République Nasr Farid Wassel, ils laissent le choix aux parents de la jeune fille.
Les opposants à l'excision accusent l'Etat de ne rien faire pour empêcher la pratique de l'excision. C'est le cas de l'intellectuelle Nawal Saadawi, elle-même excisée. La lutte contre l'excision date du début du siècle dernier. En 1904 déjà, le gouvernement la dénonçait, avant de l'interdire dans les hôpitaux publics en 1928. Mais il semble que la fidélité aux coutumes ancestrales soit plus forte que tous les efforts progressistes. Et en absence d'assise populaire et de légitimité suffisante, le régime de Hosni Moubarak semble avoir beaucoup de mal à faire face au défi islamiste.
Al-Ghawabi affirme que l'excision consiste à couper le clitoris et les petites lèvres parce que le clitoris " se dresse comme l'organe de l'homme et pousse la femme à se masturber provoquant de nombreuses maladies et l'épaississement des petites lèvres de manière répugnante. " La théorie selon laquelle l'excision préviendrait le SIDA est la dernière trouvaille des défenseurs de cette mutilation, une théorie à la mode dans la presse populaire, voire même dans certains écrits scientifiques.
Certains auteurs islamistes, comme le cheikh Al-Badri, vont jusqu'à comparer l'excision à la circoncision, en appelant la première pratique " circoncision féminine ". Ceux-là ont généralement tendance à soutenir que l'excision protègerait du SIDA, en invoquant des témoignages d'organismes médicaux européens, ce qui constitue une falsification flagrante, car les rapports publiés en Occident auxquels il est souvent fait référence, ne concernent pas l'excision mais uniquement la circoncision masculine.
Un des récits de Mahomet associe cette pratique au plaisir sexuel. S'adressant à une circonciseuse, il lui aurait dit : " Coupe peu et n'exagère pas car cela rend le visage plus rayonnant et c'est meilleur pour l'homme ". Commentant ce récit, l'auteur arabe classique Al-Jahidh écrit :
" La femme au clitoris trouve un plaisir que la circoncise ne trouve pas. Ce plaisir est proportionnel à la quantité amputée. (...) On dirait que le Prophète souhaitait réduire sa concupiscence dans la mesure où cela la rendrait modérée. Car si la concupiscence est anéantie, le plaisir n'a pas lieu, et l'amour entre les conjoints diminue. Or, l'amour entre les conjoints est un frein à la débauche. "
Al-Baji rapporte de Malik qu'il dit : " Celui qui achète une esclave qu'il la circoncise s'il veut l'enfermer. Mais si c'est pour la revendre, il n'est pas tenu de la circoncire. " Cela signifie que la femme circoncise sera plus facile à maîtriser à la maison. Aujourd'hui encore, comme l'affirme le juriste palestinien Sami Aldeeb, les hommes, dans certaines cultures, vont jusqu'à préférer les partenaires circoncises aux incirconcises.
Il serait inexact d'affirmer que l'excision soit directement liée à l'islam, du moins en Egypte, puisqu'elle est identiquement pratiquée chez les chrétiens de ce pays. De plus, elle est rarement connue dans les pays musulmans voisins (Péninsule arabique, Maghreb), à l'exception du Soudan et de la Corne africaine. Pour certains chercheurs, son apparition serait même antérieure aux monothéismes. Dans le même temps, l'islam n'interdit pas cette pratique. Au contraire, des récits attribués à Mahomet l'approuvent explicitement. De nos jours, les islamistes comptent parmi les plus ardents défenseurs de l'excision. Plusieurs arguments, généralement soutenus par la religion musulmane, sont avancés à ce sujet.
source :
http://www.tolerance.ca/Article.aspx?ID=31622&L=fr


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